vendredi 17 janvier 2020

L'enfer de l'animé de Tezuka Osamu

 L’anecdote sur Osamu Tezuka que racontait Toshio Okada alias « Otaking »(critique de dessins animés, le fondateur de GAINAX) était intéressante. J’aimerais bien la résumer et la présenter.
 Dans les années 1970, une chaîne de télévision a demandé à Osamu Tezuka de créer une animation de deux heures pour une émission spéciale qu’elle diffusait chaque année. Le studio d’animation de Osamu Tezuka « Mushi Production » avait déjà fait faillite. Tezuka, qui avait appris par cet échec, avait juré qu’il ne toucherait plus jamais à l’animé et qu’il se concentrerait uniquement sur le manga. Mais Tezuka était vraiment passionné par l’animation et il ne lui a pas fallu une seconde pour oublier son serment. Tout content, il a accepté cette proposition. C’est ainsi que Tezuka a dû fabriquer un film d’animation de deux heures chaque année de 1978 à 1984 pour cette émission spéciale.
 Le premier long-métrage qu’il a créé s’intitulait « Le Prince du soleil ». Toutefois, la fabrication de cette œuvre était infernale. À la création du « Prince du soleil », Tezuka s’est chargé tout seul du scénario, du storyboard, du dessin et de l’animation. Comme ses employés le pressaient en disant que la fabrication était largement en retard, alors que Tezuka n’avait pas fini le scénario, il a commencé à écrire le storyboard et par la suite, il dessinait lui-même et animait lui-même ses dessins. Malgré cela, la fabrication était loin d’être achevée. D’ailleurs, à l’époque, le Dieu du manga dessinait simultanément plusieurs séries de manga. Ne pouvant plus supporter cet enfer, deux mois avant la diffusion, l’assistant producteur s’est évaporé et il n’est jamais revenu.
 La situation devenait désespérée. La cause principale de ce gros problème, c’est que Tezuka s’occupait de tout alors que l’animation est un travail collectif. Avec les autres animateurs, Tezuka a fait une réunion. Le Dieu du manga a demandé à ses employés de faire état de la situation de leurs travaux pour savoir quelle partie était en retard. Après avoir écouté tout le monde, Tezuka a dit avec un grand sourire : « Je vais m’occuper de ça, de ça aussi, de ça aussi, de ça aussi ! ».
 Depuis que l’assistant producteur a disparu, Tezuka travaillait tous les jours presque sans dormir. Ses collègues ne pouvaient rien lui reprocher parce que c’était lui qui travaillait le plus. Mais même le Dieu du manga ne supportait pas toujours la pression. De temps à autres, il fuyait dans une autre pièce pour dessiner les séries de manga pour différents magazines. S’il était las des mangas, il revenait pour travailler sur l’animation.
 Finalement, l’équipe a terminé l’animation. Avec Tezuka, ils l’ont projetée en avant-première. Tezuka a dit « Retake ! Cette scène aussi ! Retake ! Cette scène aussi Retake ! Retake ! ». Tezuka a ordonné de refaire presque toutes les scènes.
 Grâce aux efforts surhumains de Tezuka, enfin, « Le Prince du soleil » a été achevé littéralement au tout dernier moment. À l’époque, l’animation était enregistrée sur une « pellicule ». Comme c’était un animé de deux heures, cela faisait environ 10 rouleaux de pellicule trente-cinq poses. On dit que pendant qu’on diffusait le premier rouleau, le dernier n’était pas encore livré à l’émission.
 « Le Prince du soleil » de Tezuka a fait l’audimat le plus haut de l’émission, qui était de 28 %. Cependant, il y avait là une seule personne qui n’était pas contente. C’était Tezuka. « Retake ! », a-t-il dit. Alors que le film a déjà été diffusé (donc c'était complètement inutile), Tezuka a continué de travailler dessus afin d’améliorer la qualité. Cette version complète a été diffusée seulement dans quelques régions plus tard. Toshio Okada conclut que le succès du « Prince du soleil » n’était pas forcément une bonne chose car à cause de ce succès, Tezuka a dû créer un film d’animation de deux heures chaque année pendant six ans, et que s’il n’avait pas fait autant de travaux, il aurait peut-être pu vivre plus longtemps.
 Toshio Okada dit qu’il a entendu cette anecdote de Hiroaki Inoue, qui était membre de l’équipe du studio d’animation de Tezuka. À l’époque, Inoue était nouveau, mais comme ses collègues tombaient l'un après l'autre, il a été nommé « assistant producteur ». Inoue a raconté cette histoire à Okada comme une « histoire effrayante ». Il lui a dit : « Okada, ne gâte pas Anno (le réalisateur d’Évangelion) ! Il faut toujours lui faire finir le storyboard et le scénario en avance ! ». Okada a trouvé cette anecdote drôle. Il a rassemblé tous les membres de l’équipe d’animation de GAINAX pour la raconter. Ils ont tous éclaté de rire.
 Le lendemain, l’air mécontent, Inoue est venu vers Okada. Ce premier lui a dit : « Okada, ce n’est pas une histoire drôle ! ». Okada dit que tout cela était très drôle et qu’il ne pouvait s’empêcher de rire.

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