mercredi 8 février 2017

Une semaine



Lundi ; Comme je n'ai toujours pas reçu mon portable, je deviens de plus en plus anxieux.
Lorsque je n'ai pas d'Internet, je me sens mal.
Le sourire disparaît de mon visage, mes yeux sont creusés, je perds de plus en plus de poids, mes cheveux chutent.
Comme une fille frêle anémique a besoin d'une transfusion du sang, j'ai besoin d'une transfusion du réseau.
Vers 17 heures, je suis allé à la fac pour assister à un atelier d'allemand.
Pleuvait-il ?
Peut-être.
Cette semaine était pluvieuse.
Dans la salle de classe, il y avait quatre asiatiques y compris moi.
À côté de moi, une coréenne grosse telle une mauvaise plaisanterie était assise.
Elle ne parlait guère français ni allemand, par contre elle m'a parlé en japonais sans aucune faute.
Une Chinoise et un Chinois, qui a posé la même question toutes les cinq secondes et un arabe barbu se mettaient ensemble.
La professeur voire l'animatrice (car c'était plutôt un atelier pour pratiquer la conversation qu'un véritable cours) était une jeune allemande aux cheveux noirs, que j'ai supposé qu'elle n'atteignait pas une trentaine d'année, avait un joli visage avec son nez retroussé et ses lèvres fines comme l'halo de la lune.
Cependant elle avait l'air d'une psychopathe.
Elle nous a sourit seulement quelques fois.
Lorsque j'ai fait des fautes, elle m'a dit d'un ton sec,

''Je vous donne dix secondes.''

Si je n'arrivais pas à donner une réponse correcte en dix secondes, elle me fouettait à plusieurs reprises.
Ce châtiment m'a excité.
J'ai donc intentionnellement fait des fautes pour qu'elle me fouette.

Mardi ; Le vin que j'avais bu la veille m'a rendu malade.
Je ne suis pas allé en cours le matin.
Je suis resté dans mon lit et j'ai contemplé le plafond.
Mais le plafond n'était que le plafond.
Mon partenaire italien d'exposé m'avait envoyé un mail dans lequel était écrit ''à tout à l'heure ;)''.
J'ai culpabilisé car je n'y suis pas allé et je ne lui ai pas répondu.
Je me suis dit que c'était normal si je n'avais aucun ami.
J'ai continué à admirer le plafond.

Mercredi ; En ligne, sur la fiche de suivi de DHL, il était toujours affiché ''envoi en instance".
Bon, ils peuvent garder mon colis éternellement et tant que ça les satisfera, ils tiendront mon colis jusqu’au jour du jugement dernier..
Super.
Tout de même, j'ai envoyé un mail au service client au cas où mon colis n'était vraiment pas arrivé.
Quelques heures plus tard, ils m'ont répondu que mon colis était déjà livré au point relais.
Alors qu'est-ce que cet ''envoi en instance'' ?
Malheureusement je n'étais pas assez intelligent pour résoudre cet énigme.
C'est ainsi que j'ai finalement eu mon nouveau iphone vingt jours après son expédition.

Jeudi ; En cours d'allemand, il y avait deux filles qui y sont inscrites à nouveau.
L'une portait une robe blanche sans manches alors que le printemps n'était pas encore arrivé.
J'admirais ses jambes nues dont j'étais tombé amoureux.
C'était vrai que ce jour-là, nous avions un soleil dont les intenses rayons me donnait tendrement mal à la tête.
Cette lumière héraldique rendais ma vue et les jambes de la fille irréelles.
Mon angoisse a gonflé sans cesse jusqu'à ce qu'elle crève, puis s'est transformé en une dépression.
Les jambes m'importaient de moins en moins.
Je m'en foutais des putains de jambes.
Le plafond n'est que le plafond.
Les jambes ne sont que des jambes.
Le bavardage que j'entendais s'éloignait tel un écho lointain.

Vendredi ; La professeur de littérature africaine nous a dit qu'autrefois face à la colonisation, les Européens ont hiérarchisé les races selon la clarté de la couleur de peau.

''Évidemment, ceux qui avaient la peau claire appartenaient au sommet de la hiérarchie, et ceux dont la peau était la plus sombre étaient considérés les plus bas.''

J'ai jeté un coup d’œil à ma peau.
Elle était assez blanche mais comme j'y ai remarqué un hâle jaunâtre, je suis devenu un peu inquiet.
Je me suis demandé à quelle classe j'aurais appartenu toutefois je ne l'ai pas demandé à la professeur.

Je longeais la longue route vers chez moi.
Il faisait déjà nuit.
Cette route en pente douce semblait durer à jamais.
Je me suis demandé où arriverais-je si je suivais cette route jusqu'à la fin.
Les phares des voitures m'illuminaient de temps à autres.
J'ai mis mes écouteurs.
J'ai écouté ''The soft parade'' des Doors.
Avant que la chanson ne commence, Jim Morrison a donné un discours.
Il criait presque.

''When I was back there in seminary school.
There was a person there
Who put forth the proposition
That you can petition the Lord with prayer.
Petition the Lord with prayer...
Petition the Lord with prayer....

YOU CANNOT PETITION THE LORD WITH PRAYER !''

Depuis que j'ai écouté cette chanson pour la première fois, j'ai trouvé ce discours brusque et étrange.
Pourquoi a-t-il eu besoin de crier comme ça ?
Je ne comprenais même pas ce qu'il voulait dire par ses paroles.
Je ne connaissais pas ce ''Seigneur''.
Je n'ai jamais prié à quelqu'un.
Toutefois depuis lors ces cris de Jim Morrison n'ont cessé de se répéter dans ma tête.
Moi-même je monologuais ces paroles...

''il est impossible d'adresser une requête au Seigneur par la prière....''


Lorsque la chanson s'est terminée, une voiture est passé en faisant retenir le bruit de l'engin puis a disparu au fond de la route.

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