samedi 29 décembre 2018

''Moi, récemment'' Sachiko Kishimoto


Le XX XX
 Je suis allée chez le coiffeur. De temps en temps, on balayait les cheveux dispersés sur le sol. Devant le mur en face de moi, dans un coin, il y avait un trou rectangulaire dans lequel on ramassait les cheveux.
 J’ai demandé à mon coiffeur comment on appelait ce trou (je m’intéresse aux jargons), il m’a dit qu’il n’avait pas de nom spécifique.
 « Et si on l’appelait ‘’pore’’ ? », lui ai-je dit. Il a esquivé ma suggestion en disant : « Je vais y réfléchir ».

Le XX XX
 J’ai pris le train. J’ai pu trouver une place. Tandis que j’éprouvais ce petit bonheur, le jeune homme qui avait l’air d’un salarié et qui était assis devant moi, s’est penché en avant et s’est mis à trembler.
 Est-ce un alcoolique, ou un drogué ? Et s’il me poignardait soudain ? À ce moment-là, un bruit sec s’est fait entendre, et un pain au melon a sauté.
 L’emballage plastique du pain était dur et il essayait de l’ouvrir de toutes ses forces.

Le XX XX
 On m’a montré une photo sur laquelle on voyait un fantôme. Wow, on voit même ses lunettes, ai-je dit. « C’est moi », m’a-t-on dit.

Le XX XX
 Je croyais que « Heidi » était l’histoire de Heidi qui vit joyeusement dans les Alpes, que Peter avait un chien qui s’appelle Patrache et qu’au final, il mourrait paisiblement devant un tableau. Je croyais que les héros de « L’Oiseau bleu » étaient Hensel et Gretel. Je confonds toujours « Shôkôshi (Le Petit Lord Fauntleroy) » et « Shôkôjyo (La Petite Princesse) ».

Le XX XX
 Une amie que je revoyais après longtemps avait les yeux et le nez tout rouges. Je lui ai donc dit : « Ah, tu es allergique au pollen. Ça doit être dur ». Elle m’a dévisagée d’un air intrigué, et m’a dit : « Eh….non ? ». J’ai contemplé de nouveau son visage. Ni ses yeux ni son nez n’étaient rouges. Elle ne reniflait pas non plus.

Le XX XX
 Je suis allée chez le coiffeur. Quand j’ai été assise, mon coiffeur m’a dit en souriant : « Au fait, on a réellement décidé d’appeler le trou le ‘’pore’’ ! »
 Contre toute attente, je n’étais pas particulièrement contente. Je trouve ce nom ridicule, mais maintenant c’est trop tard.


 J’ai vu sur Twitter le post d’un homme qui a découvert, en rentrant chez lui, que sa collection de maquettes plastiques de Gundam avait été détruite par sa femme. Photos à l'appui, il expliquait qu’il s’était disputé avec sa femme ce matin-là, et que quand il était rentré chez lui, il n'avait pu que constater le massacre. Les photos représentaient une pièce, peut-être celle de cet homme sens dessus-dessous comme si un tsunami y était passé. Même moi qui suis rarement bouleversé par les films gores, j’ai eu la nausée face à cette image atroce. Le poste avait été retweeté par de nombreuses personnes avec des commentaires qui compatissaient avec le mari et dénonçait la cruauté de sa femme, le Néron du monde des maquettes de Gundam. Il y avait aussi quelques féministes qui disaient : « C’est la faute de l’homme qui a incité sa femme à se comporter violemment ». Il faudrait obliger cette femme de regarder tous les jours pendant un an : « Gundam Build Fighters » pour qu’elle comprenne à quel point les maquettes de Gundam sont précieuses.
 Aujourd'hui, cette après-midi, je suis allé à la poste pour récupérer un cadeau de Noël qu’une amie m’avait envoyé. Il y avait une longue queue à la poste. J’ai tué le temps en regardant un chien qui attendait tranquillement son maître. Il est dommage que je n’aie pas pu le recevoir avant Noël, mais le colis m’a beaucoup plu. Dedans, il y avait divers produits comme des macarons lorrains, de la bière lorraine et un livre avec un chat blanc en couverture.

mercredi 26 décembre 2018

Le mode de vie des Français


 Au Japon, il y a beaucoup de livres sur le mode de vie des Français. Il y a quelques années, un livre intitulé : « Les Français ne possèdent que dix vêtements » s’est bien vendu au Japon. Ce livre a été écrit par une Américaine qui s’appelle Jennifer L Scott. Selon l’explication, l’auteur a séjourné chez une noble française dans sa jeunesse. À cette occasion, elle a appris la manière de vivre chic des Français et raconte cette expérience dans ce livre qui a l’air joliment merdique. Le livre s’intitule « Les Français ne possèdent que dix vêtements » parce qu’il nous apprend comment mener une vie spirituellement riche sans posséder beaucoup de choses. Mais l’auteur a séjourné chez une « noble française ». C’est une sacrée ironie.
 Mon but n’est pas de me moquer de ce livre. Je m’en fiche un peu. Les gens ont le droit de lire ce qui leur plait. J’aimerais juste traduire les titres des livres sur les Français vendus au Japon et les présenter. Ne me demandez pas leur contenu car je ne les ai jamais lus et je ne les lirai sans doute jamais.

« Il n’y a pas de poubelle chez les Français » : je ne le savais pas.
« Les Français ne possèdent que dix vêtements »
« Plus les Français prennent de l’âge, plus ils deviennent séduisants. Plus les Japonais prennent de l’âge, plus ils deviennent peu séduisants » : désolé d'être moche.
« Les Français mangent des légumes de trois manières »
« Les Français ne supportent pas d’attendre les vacances » : ça semble vrai.
« Les Français s’en fichent de ne pas avoir d’argent. Les Japonais sont préoccupés même s’ils ont de l’argent » : mais non, regardez les gilets jaunes.
« Plus les Français prennent de l’âge, plus ils deviennent beaux »
« Les Français sont heureux même s’ils ne savent pas faire cuire un œuf » : titre surréaliste.
« Les Français nous donnent toujours la bonne réponse »
« Les Français ne sont jamais bouleversés par leurs enfants »
« Seul un pourcent des Français se marient »
« Les Français ne se disputent jamais » : lol
« Les enfants français ne pleurent jamais la nuit »
« Les Français s’amusent de la gastronomie sans dépenser d’argent. Les Japonais ne sont jamais satisfaits même quand ils dépensent beaucoup d’argent »
« Les Français ne sont jamais bouleversés par leur travail »
« Les Françaises ne grossissent jamais » : lol
« Les Français ne ratent jamais les gâteaux »
« Les Français s’amusent de la vie de trois manière »


lundi 24 décembre 2018

Noël


 Depuis que j’ai passé le dernier partiel, je n’ai plus aucune motivation et je passe mes journées à ne rien faire. Ne rien faire, c’est la meilleure façon de passer des vacances. Partir en voyage, prendre des selfies avec des amis, c’est la pire façon de passer des vacances. J’ai passé mes journées à regarder « Victory Gundam » à lire un carnet de voyage d’un écrivain en japonais et la biographie de Beethoven en français. Je dois aussi terminer un recueil de nouvelles de Steven Millhauser que je n’avais jusque là pas trouvé le temps de lire.
 J’ai regardé dans le miroir. J’avais l’air fatigué. Mes yeux étaient cernés. J’avais une barbe de quelques jours.
 Mes parents m’ont demandé si je voulais quelque chose pour Noël. J’ai refusé leur proposition en tenant compte de mon âge. Mais cher Père Noël, s’il te plaît, pour Noël, je voudrais avoir un Perfect Grade Gundam Exia Lightning Model, un Master Grade Providence Gundam, un Real Grade Sazabi, un Real Grade Wing Gundam Version Endless Waltz, un Master Grade Jegan, un Master Grade V2 Gundam Assault Buster.
 Quand j’étais enfant, Noël était, de toute l’année, ma journée préférée. J’aimais l’ambiance de ma ville ornée d’illumination. Non seulement on avait un festin et un gâteau, mais on avait aussi droit à des cadeaux. Après Noël attendait le Nouvel An, et on avait de nouveau droit à un festin, à des gâteaux, cette fois à la japonaise. C’était le moment le plus tranquille et le plus joyeux de l’année.

vendredi 21 décembre 2018

''Souvenirs de l'International Mushroom Hotel'' Sachiko Kishimoto


 À l’époque où je travaillais pour le magazine de relations publiques dans une entreprise de liqueur occidentale, avec environ quinze collègues, j’ai visité une brasserie longeant la rivière Tone-gawa et nous avons décidé de passer une nuit sur les lieux. Toutefois, il n’y avait pas d’hôtel aux alentours. Enfin, quelqu’un a trouvé l’« International Mashroom Hall » qui se trouvait dans la ville de K, un peu plus loin. D’après ce que la brochure nous a appris, c’était un hôtel magnifique doté d’un grand bain public, de salles de réunion et même d’une salle de noces. L’explication disait qu’un docteur qui avait inventé la méthode célèbre de la culture du shiitaké de planter de l’hyphe sur une souche d’arbre, avait acheté une montagne grâce à la fortune que lui avait apporté son invention, et fondé cet hôtel sur le sommet. Au-dessous du logo de l’hôtel rappelant la calligraphie, il était écrit en anglais : « INTERNATIONAL MASHROOM HOTEL ». Selon la personne qui a trouvé cet hôtel, c’était le plus grand et le plus célèbre des alentours. Sceptiques, nous sommes montés dans le bus à destination de K.
 À l’hôtel, devant l’entrée principale, il y avait un tout petit sanctuaire. À l’entrée, il était écrit : « Sanctuaire Shiitaké ». Après avoir traversé un torii rouge, nous avons découverts une statue de bronze rappelant celle du docteur Clark. Sur le socle était gravé : « Les larmes aux yeux des paysans, j’ouvre les miens ». Je n’ai pas vraiment compris ce que cela voulait dire, mais il était certain qu’il s’agissait de la statue du docteur en question. Devant la réception de l’hôtel, il y avait un bodhisattva de bronze. À son pied, il y avait un panneau qui indiquait : « Bodhisattva Shiitaké ». Je l’ai contemplé et je me suis rendu compte que son auréole était faite d’innombrables shiitakés en touffes.
 Le hall était moderne et lumineux. Au fond, il y avait un café chic. Les murs du lobby étaient de granit blanc orné de motifs qui donnaient une atmosphère anormale. Des dessins qui ressemblaient à des parapluies vus du dessus couvraient les murs. Il m’a fallu quelques secondes pour réaliser que c’étaient des shiitakés vus d’en bas.
 Des demi-sphères en plastique étaient incrustés dans l’un des murs. L’une de ces demi-sphères présentait une « collection d’articles du monde entier en forme de champignon ». Des bibelots sous forme de champignons, des gravures représentant des champignons, une broche sous forme de champignon, une tasse aux motifs de champignon…L’écharpe aux motifs de champignon était-elle signée Hermès ?
 Nos fiches remplies, on nous a conduit jusqu’à nos chambres. Toutes les chambres à la japonaise avaient un nom de champignon, le « salon de micocoulier », le « salon de polypore en touffe », le « salon d’oreille de Judas », le « salon de shimeji »……
 Nous, les trois femmes du groupe, dès que nous sommes entrées dans le « salon du champignon nametake », nous avons commencé à examiner notre chambre. « Et si les motifs des coussins étaient des champignons ? ». On a tiré des chaises. C’était des champignons. « Alors, les motifs des kimono seraient-ils aussi des champignons ? ». On a ouvert l’armoire. C’était des champignons. « Et le thé……? ». On a soulevé le couvercle de la boîte à thé. Il y avait des sachets de thé au shiitake dedans, et aussi des « sablés au shiitake ».
 Nous avons respiré un bon coup et nous sommes allées au bain public. Il va sans dire que le bain était un « bain aux essences de champignons ». Au centre de la grande baignoire il y avait un objet gigantesque représentant un champignon du chapeau duquel sortait de l’eau chaude.
 Mais nous avons appris par la suite que la passion pour les champignons de « l’International Mushroom Hall » ne limitait pas à cela.
 À sept heures du soir, tout le monde portant un kimono sur lequel était imprimé « l’International Mushroom Hall » s’est réuni au « salon de pleurotes » et la fête a commencé. Sur la table étaient posées des assiettes ornées de motifs représentant des chapeaux de shiitake et des portes-baguettes. Le repas proposé était un « menu complet de champignons », mais plus personne ne s’en étonnait. Le repas a commencé par un dobin-mushi, puis des hors-d’œuvre, steaks, pot-au-feu. Aucun plat n’était sans champignon. Le plus impressionnant était un « rôti entier de shiitake ». Des rondins d’environ trente centimètres étaient mis sur des assiettes et servis devant chaque personne. On prenait avec les doigts et on les mangeait avec de la sauce de soja. La fête a parfaitement été animées. Il est si rare de déguster ainsi un menu complet. De plus, la cuisine était délicieuse.
 Cependant, vers neuf heures, le comportement des serveuses est devenu quelque peu étrange. Elles semblaient agitées et n’arrêtaient pas d’entrer dans la salle à manger. « Elles ont peut-être envie de retourner dans la forêt », a dit quelqu’un en guise de plaisanterie. « Sous ces tatamis, il y a peut-être des champignons qui ont poussé dru », a dit un autre. « Au fait, il y avait bien le film ‘’Matango’’ », a murmuré quelqu’un. J’ai eu l’impression que mon dos me démangeait comme si les innombrables champignons que j’avais mangés en étendaient leurs tentacules.
 Un de mes collègues s’est levé et a dit : « Je me déshabille ! ». Le banquet s’est alors animé de façon anormale. Je ne peux pas tout écrire. Tous se sont mis à boire, chanter et danser comme des possédés. C’était une manière de s’amuser anormale comme s’ils essayaient de se débarrasser de leur peur. Je ne me souviens pas comment le banquet a pris fin. Je suis retournée dans ma chambre. En évitant de regarder les motifs de mon futon, et je me suis endormie.
 Le lendemain, livides, nous nous sommes retrouvés au hall du rez-de-chaussée. Heureusement, personne ne s’était transformé en Matango. Nous avons fait un tour dans le magasin de l’hôtel. Des sablés faits maison et du thé de shiitake, du vin de shiitake, des cravates, ceintures, et portefeuilles avec des motifs de champignon. Nous sommes sortis sans rien acheter.
 Comme nous avions du temps avant le départ, nous sommes entrés dans un café qui avait pour enseigne « Spore ». Ce café inondé de soleil était à l’abri de l’invasion des champignons. C’était un miracle. La chaleur d’un café normal qui n’était pas fait de shiitake, m’a réchauffé le corps et le cœur comme si elle dissipait toutes nos folies de la veille. Merci, café « Spore ». Je n’oublierai pas ton nom qui m’a redonné vie……
 De retour chez moi, il y avait quelque chose qui m’intriguait. J’ai sorti un dictionnaire que j’utilisais quand j’étais étudiante, et j’ai cherché le mot. Voici ce que disait le dictionnaire :
 Spore (n) Spore désigne un élément unicellulaire que produisent certains végétaux comme les fougères, les mousses et les champignons

samedi 15 décembre 2018

Le mensonge


 J’ai menti. Dans le cours de projet professionnel, j’ai menti en disant que je voulais devenir traducteur dans l’avenir, alors que je voudrais devenir patron d’un restaurant kébab, ou humoriste ou une personne qui boit du saké dans un restaurant de soba toute la journée. Mais je ne sais pas comment devenir patron d’un restaurant kébab ni comment préparer une masse de viande qui tourne. Je n’ai pas de talent pour devenir humoriste et je suis trop introverti. Je voudrais devenir une personne qui boit du saké dans un restaurant de soba toute la journée. Il y a souvent un homme d’un certain âge qui a l’air de ne pas travailler et qui boit du saké toute la journée. Je voudrais devenir comme ça, mais l’école ne m’a pas appris comment je pourrais devenir un homme qui bois du saké toute la journée dans un restaurant de soba au lieu de travailler. J’ai donc menti en disant que je voudrais devenir traducteur.

Le dernier cours de FLE


 Hier, c’était le dernier jour de cours de FLE, et je devais passer un examen. Mais ce n’était pas un vrai examen tel qu’on l’imagine. Nous devions juste présenter ce que nous avions fait pendant le semestre à l’enseignante et lui rendre notre dossier. Quelques étudiants attendaient devant la salle de FLE et il y avait du retard. Alors que j’étais censé passer mon examen à 17h40, c’est à 18h30 que l’enseignante m’a appelé. Avant ça, j’ai parlé un peu avec une Russe mignonne. Il s’est avéré que c’était un humain artificiel qu’avait créé la Russie. C’était une polyglotte qui maîtrisait de nombreuses langues. Je lui ai demandé combien de langues elle parlait. Elle s’est mise à énumérer des langues étrangères comme si elle citait des noms de Pokémon. « Le Mobile Suit de l’armée fédérale est-il un monstre ? », me suis-je dit (Gundam). J’avais envie de lui demander pourquoi les personnages féminins s’évanouissent facilement dans les romans de Dostoïevski, mais je n’en ai pas eu le temps.
 Je suis entré dans la salle de FLE, et j’ai tout de suite aperçu que l’enseignante avait l’air fatiguée. Elle semblait de mauvaise humeur. « Vous avez l’air fatiguée », lui ai-je dit. « Je suis surtout mécontente car la plupart d’étudiants n’ont pas rendu de dossier ! », m’a-t-elle dit. J’avais préparé mon dossier parce qu’elle avait dit que le dossier constituait la note principale, et que sans cela, nous risquions d’avoir un zéro. Cependant, que mon dossier lui plaise était une autre question. Assis sur la chaise, j’ai présenté ce que j’avais fait pendant ce semestre. Je lui ai dit que j’avais tenu un journal intime et que j’avais fait de la traduction comme production écrite, l’activité que je pratiquais déjà avant de prendre ce cours. J’avais omis quelques documents qui semblaient inappropriés comme la « lettre de démotivation » ou celui dans lequel j’avais écrit que je n’avais rien fait pendant le cours de FLE. J’avais relié mon dossier comme un livre, en utilisant ma gravure pour la couverture. La plupart des documents que j’ai traduits étaient tirées d’un essai de la traductrice japonaise Sachiko Kishimoto. Je l’avais choisie parce qu’elle est drôle et qu’elle est totalement inconnue en France. La prof a eu l’air contente, et m’a dit qu’elle appréciait mon journal, que j’avais de l’humour et que personne n'avait jamais fait ça avant. « J’ai 15 ou même plus, hahahahahahaha», me suis-je dit. J’étais un Light Yagami qui voyait son projet marcher comme il l’avait prévu. C’était difficile d’effacer le sourire sordide de mes lèvres. À ce moment-là, elle m’a demandé de lui rendre ma fiche de lecture de la revue de presse 3. Je ne savais pas que je devais rendre ma fiche de lecture. Je lui ai dit que je n’en avais pas. Le sourire a disparu du visage de la professeur et du mien. « Mais alors comment tu as fait la revue de presse 3 ? m’a-t-elle demandé. – Avec mon portable. (oui, on peut faire la revue de presse avec un iPhone), ai-je répondu. – Dommage, tu vas perdre des points », m’a-t-elle rétorqué, en notant quelque chose sur une feuille de papier. « Pourquoi dois-je perdre des poiiiiinnttss Mikamiiiii !!!!!!!! ». J’étais un Light Yagami qui s’était fait piéger. Puis mon enseignante m’a dit que je pouvais récupérer les points perdus si je lui envoyais par mail plusieurs fiches de lecture avant le 20 décembre. J’ai acquiescé, bien sûr, en hochant largement de la tête comme un imbécile.
 On m’a demandé si je voulais prendre le FLE au second semestre. Je n’ai pas fait grand-chose pendant ce cours, mais j’aime ne rien faire. Ce cours n’était pas stressant et c’était intéressant de parler avec des étrangers. Donc, pour l’instant, je ne sais pas.

jeudi 13 décembre 2018

Le régime


 Je suis au régime depuis quelques semaines parce que j’ai pris du poids depuis mon arrivée en France. Je ne mange que de la laitue et quelques autres aliments. Je n’ai pas très faim grâce aux cours qui me stressent. J’ai juste l’impression d’être un escargot.
 Je ne sais pas pourquoi j’ai grossi en France. J’ai l’impression de vivre normalement comme les autres. Certes, je ne suis pas sportif. Mais je n’étais pas sportif au Japon non plus. Il y a souvent plus d’huile dans la cuisine française que dans la cuisine japonaise. Toutefois, les Japonais de nos jours mangent quotidiennement des plats d’origine occidentale ou chinoise. C’est un cliché de dire qu’ils ne se nourrissent que de peu de légumes et de poisson. D’ailleurs, je trouve la cuisine japonaise assez grasse. Les tempura, kara-age, tonkatsu, kushi-katsu sont de la friture. Les ramen sont gras. Je pense que ce qui est différent en France et au Japon, c’est surtout la quantité de nourriture. Tout est grand en France, ou tout est petit au Japon. Hier, en parlant avec un ami japonais, je lui ai demandé s’il ne trouvait pas les sandwichs de la cantine de l’université énormes. « Oui, oui », a-t-il acquiescé en hochant largement la tête à plusieurs reprises. Une fois, j’ai mangé de la pizza avec mon patron japonais. Comme la pizza française est délicieuse mais énorme, nous avons commandé deux « pizzas pour enfants ». Nous avons ouvert les boîtes de pizza dans notre appartement. Elles contenaient deux énormes pizzas dedans. Les aubergines et les poivrons sont aussi monstrueux. Si vous avez l’occasion d’aller au Japon, je vous conseille d’aller au supermarché et de jeter un coup d’œil aux aubergines. Elles sont maigres comme des filles anorexiques. De plus, en France, si on va au restaurant et qu’on commande un steak, on voit arriver une montagne de frites. Je trouve aussi que les sachets de chips sont plus grands en France. En fin de compte, c’est assez normal parce que les Français sont souvent grands. Le petit sandwich japonais ne pourra pas satisfaire leur estomac. Je me demande si les Français qui vivent au Japon trouvent les portions servies aux repas trop petites.
 Aujourd’hui, je suis allé à l’université à pied. Mais j’ai mangé deux petites bûches de Noël aux dépens de ma culpabilité. Une autre alternative : si tout le monde devient obèse, je paraîtrai maigre sans faire de régime.

La hausse des frais d'inscription


 Il y a quelques semaines, le premier ministre Edouard Phillipe a annoncé qu’il augmentait par seize fois les frais d’inscription aux universités pour les étudiants étrangers extra européens, c’est-à-dire non européens. J’aime cette expression « extra européen ». C’est comme si j’étais un extraterrestre. Le Japon et l’Union européenne ont signé cette année un Accord de libre-échange. J’espère que les étudiants japonais seront exemptés de cette mesure ou que Carlos Ghosn paiera pour moi, ce saligaud, espèce de faux Saint-Exupéry.
 Cette mesure est toutefois compréhensible, puisque c’est aussi la question que je me posais depuis longtemps : pourquoi l’éducation est-elle gratuite en France même aux étrangers ? Supposons qu’il y ait un étranger qui vienne faire ses études en France. Une fois diplômé, s’il rentre dans son pays ou qu’il va ailleurs, la France n’en tire aucun profit matériel. Le peuple français recevra le remerciement de cette personne qui pensera : « Merci les Français d’avoir payé mes frais de scolarité ! ». Étant donné que je suis aussi étranger, je ne voudrais pas être égoïste. J’obéis aux lois. Je n’ai jamais volé. Je n’ai jamais fumé de cannabis. Je n’ai jamais tué même si j’ai eu envie de tabasser quelques personnes.
 Mais je ne peux m’empêcher de penser au Perfect Grade Gundam Exia Lightning Model (247,62 euros). Le Perfect Grade Gundam Exia est une chose que je voulais acquérir depuis des années, mais son prix élevé m’a retenu. Avec 3700 euros, je pourrais acheter au moins dix Perfect Grade Gundam Exia Lightning Models. Il y a des lampes DEL dans le Perfect Grade Gundam Exia Lightning Model de sorte qu’on peut réaliser le « TRANS-AM MODE ». J’ai envie de le montrer au Président et au premier ministre. C’est vraiment beau.
 Je trouve quand même que cette décision est radicale. J’ai l’impression que le Président Macron prend des décisions de manière autoritaire, sans demander au peuple, comme un roi. N’est-ce pas cette attitude impérieuse qui a provoqué l’indignation des « Gilets jaunes » ? Je décèle des contradictions dans les propres du premier ministre. Il voudrait augmenter le nombre d’étudiants étrangers en France. Aujourd’hui, presque la moitié des étudiants étrangers résidant en France sont des Africains, les plus précaires financièrement. Pourquoi pense-t-il que le nombre d’étudiants étrangers augmentera ? Je comprends qu’ils voudraient attirer les étudiants aisés, soit chinois ou anglais. Mais la première destination des étudiants riches ne sera malheureusement pas la France. Ce sera plutôt les pays anglophones. Je respecte la volonté du peuple français, mais je ne souhaite pas qu’une telle décision importante soit mise en vigueur de manière aussi arbitraire.

dimanche 9 décembre 2018

''L'humiliation de l'école maternelle'' Sachiko Kishimoto


 J’étais une pleurnicheuse célèbre à l’école maternelle. Je pleurais deux ou trois fois par jour. Pendant deux ans où j’ai fréquenté mon école maternelle, il n’y avait pas un seul jour où je n’ai pas pleuré. Je pleurais parce que des enfants plus âgés que moi me harcelaient. Ils me harcelaient parce que je pleurais.
 La hiérarchie, les clans, les négociations, la corruption passive……la vie des enfants est fatigante. Je pense que moi, qui criais pour la moindre des méchancetés, j’étais une sorte de jouet divertissant. On me frappait la tête. Je pleurais. On me volait mes crayons de couleur. Je pleurais. On me tirait les cheveux. Je pleurais. On me chatouillait. Je pleurais. J’étais en effet un « jouet pour enfants ».
Mais l’homme est un animal doté d’un sens de l’équilibre. Ce qui entre finit toujours par sortir. J’avais une façon à moi de me soulager du stress de vivre en tant que « jouet pour enfants ».
 À l’époque, j’habitais un petit appartement. Il y avait là une autre société d’enfants, et j’ai commis tous les méfaits possibles de la terre. J’ai creusé un trou dans le sol : j’ai écrit « con » sur le mur : j’ai enlevé leurs jouets à des enfants : j’ai cueilli toutes les roses qu’une vieille dame avait plantées et soignées : j’ai tiré la langue à des enfants à l’insu des adultes : je me suis introduite dans un terrain interdit etc.
 Mais dans cet appartement, il y avait des enfants plus âgés que moi, et déjà une hiérarchie, avec un boss à son sommet, était établie. J’avais réussi à entrer dans cette société en tant que « non jouet pour enfants » (le perdant demeure toujours perdant dans cette société), mais tout ce que je faisais, c’était de commettre de petits crimes en cachette de ce boss. Cela ne me satisfaisait pas. Je voulais régner. Je voulais devenir un grand méchant
 C’est alors que je m’en suis prise à Numazawa. Numazawa était un garçon de mon âge qui vivait dans l’appartement derrière le mien. Il était taciturne et tranquille. Il était intelligent, mais ne se plaignait jamais et ne se moquait jamais de moi. Il était idéal pour que j’en fasse mon valet. J’ai organisé une « équipe d’explorateurs » avec lui et sa petite sœur, et je me suis auto-proclamée capitaine.  
 On l’appelait « équipe d’explorateurs », mais en réalité, je flânais simplement autour de l’appartement de Numazawa et régnais arbitrairement sur lui. Par exemple, je lui ordonnais d’imiter son capitaine et je l’ai fait répéter mes gestes et mes paroles. Je lui ai dit : « Celui qui ramasse le plus de glands gagne », et lorsque j’ai vu que je me trouvais en état d’infériorité, j’ai subitement changé de règles en lui disant : « Celui qui a le moins de glands gagne ! ». Un jour, je l’ai fait apporter tous les assaisonnements qu’il trouvait chez lui, et j’ai fait une soupe de lombrics dans une bassine. La mère de Numazawa était une femme taciturne. Face à ce spectacle horrible, elle a soupiré en disant : « Ah, non….. », et rien de plus.
 J’avais peur au fond de mon cœur. Numazawa fréquentait la même école maternelle que moi. Nous nous rencontrions rarement parce que nous étions dans des différentes classes et que je l’évitais toujours, mais j’étais certaine qu’il savait ce que j’étais en réalité. De temps en temps, il m’arrivait de me rendre compte qu’il me regarder me faire harceler et pleurer pendant la pause de midi. Lorsque nous jouions aux explorateurs, il me perçait parfois de ce même regard. J’avais l’impression que son regard me disait quelque chose. J’avais peur qu’il me dise ce « quelque chose ». Afin d’échapper à cette peur, je me suis comportée de manière encore plus impérieuse.
J’ai volé son trésor, un crayon rose pâle dont la mine pouvait s’extraire. J’ai cassé l’échelle de sa maquette de camion de pompiers, et j’ai fui en faisant semblant de n’avoir rien fait. J’étais jalouse lorsque son dessin était meilleur que le mien. Je lui disais : « Je vais l’améliorer ! » et je le gâchais exprès.
 Mais le moment que je craignais n’est finalement jamais arrivé. La famille de Numazawa a déménagé un jour sans me prévenir.
 J’ai jeté le crayon rose pâle dans la rivière. Dans la nouvelle société dite de l’école primaire, attentivement, j’ai fait mes débuts modestes en tant que ni perdant ni boss.

samedi 8 décembre 2018

Monsieur G.


 Monsieur G, un fonctionnaire français dont j’admire le style en japonais, a avoué un jour qu’il a peaufiné son écriture dans cette langue pour séduire les jeunes filles, mais en vain. Une fois, je lui ai dit que sa prose en japonais était magnifique, et il m’a répondu : « J’aurais voulu que tu sois une fille lol ». Lorsque je lui ai demandé de m’épouser, il m'a ignoré.
 Moi aussi, j’aime les belles filles comme j’admire les œuvres d’art. J’aimerais bien enfermer une fille dans une cage en verre et l’observer. Toutefois, séduire une jeune femme pour parler de choses triviales, comme ce que je pensais de la couleur de ses ongles ou de sa coiffure à laquelle elle a consacré une certaine somme d’argent, m’intéresse beaucoup moins. J’écris ce texte parce que contrairement à ce qui est arrivé à Monsieur G, j’ai l’impression d’avoir réussi à séduire des jeunes femmes avec ma prose niaise et insignifiante. Lorsque j’ ai publié quelques textes sur une application de langue, bon nombre de jeunes filles françaises, et même quelques Japonaises apprenant le français, comme des bestioles attirées par la lumière jaunâtre d'un lampadaire, sont venues me parler. Il y a quelques jours aussi, une Parisienne m’a proposé de devenir amis et de se voir de temps en temps, ce que je n’ai pas accepté parce que j’ai peur des gens.
 Une seule fois cependant, j'ai eu envie d'attirer l'attention d'une fille avec ma prose. Parmi mes histoires ratées, j'ai choisi celle qui semblait la moins affreuse et la plus touchante, et je la lui ai montré. « Il y a des fautes », m'a-t-elle dit.

samedi 1 décembre 2018

''La Vagabonde'' Sachiko Kishimoto


 Dans le bureau désert, je tape sur ma calculatrice. J’additionne environ vingt nombres à sept chiffres. Je termine mon calcul et je note le résultat sur une feuille de papier. Ensuite, je recommence depuis le début pour le vérifier. Le résultat est différent. Comme je ne sais pas lequel est correct, je note le deuxième résultat sur le papier et je recommence. Je calcule encore et encore et le total augmente à chaque fois. Mon regard se brouille et je n’arrive plus à voir les chiffres. De plus, le clavier de la calculatrice est très petit. En essayant de taper « 1 », je tape « 2 ». Je tape « AC (All Clear) » au lieu de « + » et ça ne marche pas comme je souhaite. Au bout d’un moment, les chiffres que j’ai écrits sur le papier se transforment en cafards et se mettent à ramper par-ci, par-là, en entrant dans l’espace entre les claviers, et entre mes orteils.
 Dans le monde, il y a deux types de personnes. Ceux qui sont faits pour travailler dans une entreprise et ceux qui ne le sont pas. On dit souvent en parlant des joueurs de base-ball, « il a le sens du base-ball ». Pour emprunter cette expression, je n’avais décidément pas le « sens de l’entreprise ».
 Par exemple, je détestais les bas. C'est déjà un défaut pour une employée de bureau. En plus, j’avais du mal à me lever le matin. J’étais nulle en mathématiques, j’étais ignorante de la hiérarchie de mon entreprise et je n’étais pas attentionnée. Alors que je manquais plus que n’importe qui de ponctualité, de sens de l’argent et d’amabilité, je convoitais la gentillesse d’autrui, le temps et l’argent. De surcroît, je buvais et mangeais beaucoup. C’est une tragédie qu’une personne comme moi soit entrée dans une entreprise, mais l’entreprise qui l’a engagée est beaucoup plus malheureuse.
 Évidemment, j’ai commis toutes sortes de fautes. Au téléphone, j’ai dit au PDG : « Qui êtes-vous, Monsieur ? ». J’ai fait tomber des sushis sur le bureau du sous-directeur ; du thon a roulé sur le document sur lequel il allait écrire quelque chose. J’ai réservé un mauvais billet de TGV pour Osaka et mis le chef de bureau dans l’embarras à la gare de Tokyo. À la réception occupée à tour de rôle par des filles, je me suis endormie et lorsque je me suis réveillée, environ vingt clients, l’air gêné, faisaient la queue. J’ai perdu une facture de dix millions de yens. J’ai imprimé des photos à l’envers. Je me suis trompé de mots. Je me suis trompé de numéros de téléphone. Je me suis trompé de somme. Tout était faux.
 Malgré cela, pathétiquement, j’aimais mon entreprise. Je l’aimais en sachant qu’elle ne m’aimait pas. C’était un amour sans retour. Je me suis donc adonnée à la boisson. J’ai bu de la bière, du vin, des cocktails, et du whisky. J’ai bu avec mes collègues, mes aînés, mes cadets et mes clients. J’ai bu à Roppongi, à Akasaka, à Aoyama et à Kagurazaka. Le fait que l’alcool fût le produit principal de mon entreprise a renforcé cette tendance. C’était une société dans laquelle boire était considéré comme une vertu. Quand j’ai dii que mon foie était en mauvaise santé, on m’a admirée. Boire de l’alcool était la seule preuve de mon amour ainsi que celle de mon existence.
 Dans la journée, j’étais rarement à ma place. Je fuyais partout de mon bureau et vagabondais dans mon entreprise. On m’a surnommée « la vagabonde ». Quand je n’avais plus d’endroit où aller, je me cachais dans les toilettes. Assise sur la cuvette, je m’assoupissais et rêvais. Dans mon rêve, j’étais une « employée vagabonde ». Sans place fixe, je n’appartenais à aucun poste. Avec un tableau accroché à mon cou, une calculatrice et un crayon, j’errais dans le bureau. Parfois, quelqu’un qui avait besoin d’un coup de main m’appelait. « Tu peux rédiger ça, s’il te plaît ? ». J’achevais vite le travail, et je recommençais à errer. Tout le monde m’aimait et avait besoin de moi.
Dans mon rêve, j’étais heureuse.

FLE (7)


 Pendant le cours de FLE, mon enseignante m’a dit qu’on allait faire la troisième revue de presse aujourd’hui et m’a demandé si j’avais la fiche. En gros, la revue de presse est un exercice qui consiste à présenter un article de journal. Le thème était le « mal-logement en France ». Il y a quelques semaines, j’avais fait des recherches sur ce sujet avec une Brésilienne qui était absente aujourd’hui. « J’ai ma fiche sur mon portable », ai-je dit. L’enseignante a eu l’air sceptique.
 Un certain moment plus tard, avec quelques filles, nous sommes allés dans une autre salle. Il y avait une fille blonde et mince, peut-être russe, une fille ressemblante à une Indienne, mais peut-être était-elle anglaise, une Brésilienne et une Asiatique sans doute venant d’un pays de l’Asie du sud-est. À ce moment-là, les autres se sont mises à étaler sur la table des feuilles de papier. La Russe a étalé environ dix pages devant elle. L’Anglaise et la Brésilienne avaient des morceaux de papier qu’elles avaient remplis petits caractères. L’Asiatique avait un ordinateur devant elle. Et moi, j’avais mon iphone. Oui, on peut faire une revue de presse si vous avez un iphone.
J’ai été pris d’angoisse. Tout le monde demeurait silencieux et lisait ses notes. J’ai consulté ma messagerie. J’étais harcelé par la SNCF. J’aimerais savoir comment je pourrais me désabonner de leurs newsletters.
 Quelques instants plus tard, l’enseignante est entrée dans la salle. Elle nous a dit qu’on devait faire une sorte de discussion et qu’on ne devait pas se contenter d’écouter l’exposé des autres. Elle a demandé à la Russe à commencer son exposé. Elle a parlé assez longuement de la fondation de l’Abbé Pierre. L’enseignante nous a demandé qui était l’abbé Pierre. Personne ne le connaissait. Elle a nous a demandé ce que voulait dire « abbé ». « C’est une fonction catholique », ai-je dit. Ensuite, d’autres se sont mises à parler plutôt librement, mais la discussion était majoritairement occupée par l’Anglaise et la Russe. La Brésilienne parlait un peu. L’Asiatique, pas beaucoup et ni moi non plus. L’Asiatique avait l’air timide. Je n’étais pas intimidé. Je ne parlais pas, parce que je n’avais pas suffisamment de renseignements. L'Anglaise et la Russe ont eu pitié de moi et partagé avec moi une partie de leurs notes. J’en suis tombé amoureux.

mardi 27 novembre 2018

Balaenoptera musculus


 Il ne s’est rien passé aujourd’hui non plus. Pendant le cours d’anglais qui traitait de l’abolition d’esclavage, la professeur nous a montré un extrait d’un film dans lequel des esclaves africains étaient battus et noyés dans la mer. Qu’est-ce qu’elle me fait regarder ce matin ! J’ai perdu l’appétit et je n’ai pas mangé à midi.
 Pendant le cours de dimensions énonciatives, la professeur m’a demandé si quelqu’un pouvait se mettre à côté de moi pour que je lui montre la feuille d’exercice. « Cela ne me dérange pas », ai-je dit. Un garçon s’est déplacé et s’est mis à côté de moi. J’ai attendu qu’il me dise merci. Il demeurait silencieux. La prof nous a dit de faire l’exercice deux. Je n’ai rien compris à l’exercice deux. Je suis resté un long moment à regarder le blanc du papier. J’ai demandé à mon voisin s’il comprenait ce que voulait dire « instance énonciative ». « Ah…euh… », m’a-t-il dit. « Instance énonciative », c’est donc « Ah…euh… ». La prof a commencé à faire un tour de la salle de cours. Lorsqu’elle est venue auprès de moi, elle m’a demandé si tout allait bien. « Non, je ne comprends pas ‘’instance énonciative’’ », ai-je dit.
« C’est qui c’est qui parle, m’a-t-elle dit.
– C’est tout ?
C’est tout ».
 Après ce cours, j’ai tué le temps à la bibliothèque U2-U3. Ma place était occupée par des garçons et des filles que je ne connaissais pas. Je me suis installé sur le canapé et j’ai fait semblant de lire « La Blanche neige qui sifflote bien », le passage où un garçon observe et décrit minutieusement le squelette de la balaenoptera musculus.

Cymothoidae


 Par exemple, en français, la prononciation qui correspond à « eu » de « heure » et « heureusement » est différente. Mais je n’arrive pas à distinguer cette différence. D’après les informations que j’ai trouvées sur Internet, le français est composé de 36 phonèmes, tandis que le japonais, seulement de 24. Aujourd’hui, j’ai demandé à plusieurs Français de prononcer ces mots. Contre toute attente, lorsque j’écoutais attentivement la prononciation des natifs, je pouvais distinguer ces sons. Cependant, je ne parviens pas toujours pas à les prononcer correctement moi-même alors que la structure de ma cavité buccale doit être à peu près la même que la leur. Après une petite réflexion, j’en suis finalement arrivé à la conclusion suivante : les Français ont secrètement une petite créature au fond de leur gorge, et c’est cette créature mystérieuse qui prononcent les sons correspondant à « eu », « ou » ou « u » à leur place. La prochaine fois, je vais leur demander d’ouvrir la bouche.

lundi 26 novembre 2018

L'art de ne rien faire


 J’ai passé ce week-end aussi sans sortir. Je n’ai rien fait. J’ai un peu lu un recueil de nouvelles de Steven Milhauser en anglais (c’est très bizarre). J’ai commandé une corde à sauter sur Amazon (pour maigrir). J’ai écouté la version théâtrale de « La Métamorphose » de Kafka sur BBC (c’était terrifiant et je ne l’ai pas écoutée jusqu’au bout).
 Chaque weekend, je pense à sortir et à avoir une vie. Si je sors, il y a peut-être des choses intéressantes à voir, un homme qui glisse et qui tombe, ou un chien qui promène une dame, par exemple. Tout d’abord, un conflit se crée dans mon esprit. Le sujet est si je dois sortir ou pas. Après une longue argumentation véhémente, l’idée de sortir est finalement approuvée (il faut souligner qu’une heure s’est écoulée jusqu’à ce moment). Ensuite, je dois me changer. Je dois mettre un pantalon, un pull et un manteau. Il fait très froid dehors. J’ai peut-être besoin de gants. Je cherche des gants dans le placard. Je n’en trouve qu’un. L’autre paire a disparu. Je fouille dans le placard, mais en vain. Je perds souvent une chaussette, une baguette aussi. Je suis complètement démotivé. J’abandonne l’idée de sortir. D’ailleurs, je n’ai pas grand-chose à faire dehors. Je peux restituer ce que je vais faire dans ma tête. Je m’habille ; j’ouvre la porte ; je prends le tram ; je vais à la gare ; j’incendie le sapin de Noël ; je fuis. Je décide de rester chez moi et de lire des livres ou de réviser un peu. Je regarde par la fenêtre. Il y a des gens qui se promènent. Ils sont dehors dans ce climat glacial. Pauvres gens. Je suis chez moi et je me tourne les pouces.

samedi 24 novembre 2018

''Mesdames et messieurs Cinglé" Sachiko Kishimoto


 Depuis que j’étais petite jusqu’à récemment, j’utilisais le chemin de fer privé, O. Cette ligne O était inhumainement bondée. Je me rappelle que lorsque j’étais au lycée, à une occasion, j’avais lu les conditions dans lesquelles les Juifs étaient transportés en train jusqu’à Auschwitz, et que j’avais pensé à ce moment-là que c’était pire que la ligne O. En bref, cette ligne était si bondée que cette comparaison se formait naturellement. Les lunettes se brisaient ; les vêtements se déchiraient ; les bretelles des sacs étaient arrachées ; les bols de riz étaient si comprimés qu'ils se transformaient en mochis. Ainsi, soit qu’on qualifie cette ligne de « Guernica » ou de l’enfer, la boîte blanche à jolies rayures bleues qui circulait comprenant ce paysage infernal, c’était la ligne O.
 D'ailleurs la ligne O était longue. Si on allait de la gare de départ au terminus, on mettait au moins trois heures. Si on subissait cette épreuve deux fois tous les jours, matin et soir, et si une telle vie se répétait plusieurs décennies, il était en fait normal qu’on se détraque. Ainsi, dans le train de la ligne O, il y avait des gens que j’avais secrètement nommés « mesdames et messieurs Cinglé ».
 Mon souvenir le plus ancien de « mesdames et messieurs Cinglé » remonte à l’époque où j’étais encore écolière. Cette personne qui est montée à Noto, avait des jambes et des bras entièrement bronzés rappelant un arbre mort. Avec sa casquette rose et son pantalon court, elle ressemblait à la fois à une dame de cinquante ans et à un garçon de dix ans. D’une voix forte et retentissante, elle disait : « Quand j’ai commencé à servir mon maître, j’avais seize ans ! » ou « Madame était une personne trèees trèees gentiiiille ! ». Lorsque de nombreux passagers sont descendus à un arrêt, il s’est avéré qu’elle n’avait pas de compagnon de route. La main sur sa poitrine, elle semblait parler à quelque chose qu’elle tenait sous sa paume. À un moment, j’ai vu ce qu’elle cachait dans sa main. C’était une grosse libellule agonisante.
 Mesdames et messieurs cinglés étaient aussi présents en dehors des trains. En été, un homme qui avait l’air d’un salarié, s’approchait des gens qui attendaient le bus devant la gare, en s’inclinant à 90 degrés à pile, au visage écarlate et une sueur sur le front, criait : « Je vous en prie ! Rangez-vous proprement en ligne ! Je vous en prie ! C’est une question de vie et de mort ! Voyez-vous ! Je vous prie pour l’amour de Dieu ! ». De temps en temps, il se prosternait devant eux. Je le regardais d’un endroit un peu lointain, depuis la station de taxis. Pendant les 20 minutes où j’y ai été, ses cris n’ont pas cessé une seule seconde. Je me demande toujours en quoi c’était une question de vie et de mort.
 Par ailleurs, il y avait aussi un homme qui avait l’air d’une élite et qui n’a cessé de chanter « Mon oiseau bleu » sans changer d’expression jusqu’au terminus, un homme invisible qui murmurait « À vos souhaits » à chaque fois que quelqu’un éternuait, et un « Homme des neiges » qui mettait un journal sur sa tête en l’attachant avec un trombone devant son visage. Ainsi, je pourrais en énumérer infiniment. Parmi eux, le champion était un homme d’environ 37 ou 38 ans que je voyais tous les jours, qui, un jour, soudain, est apparu les lèvres écarlates, aux yeux fardés d’un bleu, portant comme d’habitude un costume gris et une cravate.
 Mystérieusement, ces « mesdames et messieurs Cinglé » n’ont jamais paru une deuxième fois.
 Ils sont peut-être une sorte d’esprit et ne sont visibles qu’à une partie des gens......ou uniquement à moi.

jeudi 22 novembre 2018

''Le tout est la vanité'' (1) Sachiko Kishimoto


 Le moyen le plus simple de classer les gens en deux catégories, je pense que c’est « ceux qui ont le sens mathématique et ceux qui ne l’ont pas ». Évidemment, j’appartiens au second. Ceux qui n’ont pas le sens mathématique, ce sont les gens qui ne sont pas intimement persuadés que 1+1=2. Logiquement, 1+1=2 paraît correct. Mais j’ai l’impression que selon la nature de l’objet ajouté ou les sentiments de la personne qui l’ajoute, cela peut être 2,0013, ou 1,99875. En bref, c’est ce que j’entends par « ceux qui n’ont pas le sens mathématique ».
 Bien sûr, je comprends que l’addition énorme de 1+1=2 permet de construire un train à moteur linéaire ou une navette spatiale. Cependant, quelque part dans mon esprit, je pense qu’ils sont en réalité mus par la force de volonté ou par la persévérance. Je ne sais pas pour les autres. Moi, du moins, je suis ainsi.
 Toutefois, au début, je n’étais pas aussi nulle en mathématiques. Jusqu’à l’étape qu’on appelait « arithmétique », je parvenais à me maintenir au niveau. Aux examens, je trouvais même amusant de résoudre des questions de calcul simple. Mais si c’était une question un peu plus complexe, je n’en pouvais plus. Supposons qu’il y ait la question suivante : « Une personne a acheté 7 pommes de 20 yens dans un magasin de fruits, mais il lui manquait 10 yens pour les payer. Combien d’argent avait cette personne ? ». Je commence à m’inquiéter terriblement pour « cette personne ». Est-elle pauvre ? Est-ce tout l’argent qu’elle avait chez elle ? À quel point a-t-elle été chagrinée voire bouleversée au moment où elle a compris qu’elle ne pouvait pas acheter sept pommes ? Il arrivait que ce sentiment se transforme en léger amour. Pendant que je me disais : « ‘’Cette personne’’, je l’aime, ah… », la voix du professeur retentissait : « C’est fini. Posez vos stylos ».

Feuilles vierges


 Aujourd’hui, j’ai oublié de mettre dans mon sac les feuilles vierges que j’avais achetées hier. J’ai donc mendié des feuilles à plusieurs personnes qui avaient l'air particulièrement gentilles. Certains m’ont donné quelques feuilles de papier. D’autres n’en avaient pas. Je les ai tous remerciés.
 Il y a des gens qui peuvent aborder des inconnus ou des personnes qu’ils connaissent à peine sans se stresser. Ce n’est pas mon cas. Quelques fois, il m’est arrivé de voir des amis demander du papier à cigarette à des inconnus. J’admire leur courage. Je ne fume pas, mais pour demander des feuilles de cigarette à un inconnu, je devrais rassembler autant de courage que pour attaquer un terroriste muni d’un fusil.
 Je pensais écrire longuement, mais je suis trop fatigué pour me concentrer. Je vais me brosser les dents.

mercredi 21 novembre 2018

Le Père Noël


 Je suis allé au supermarché pour acheter du papier toilette. Aussitôt, je me suis rendu compte qu’il y avait une grande statue qui n’était pas là il y a une semaine. Cette statue soudainement apparue, dotée d’une longue et abondante barbe rousse, représentait un homme blanc de deux mètres portant un costume rouge et un énorme sac sur l’épaule. C’était ce qu’on appelle un Père Noël. Un bonhomme qui distribue des cadeaux aux enfants sages du monde entier la veille de Noël. Il m’avait offert des Lego et des maquettes de Gundam lorsque j’étais enfant. Mais cette statue me faisait peur. Je pense que les enfants japonais pleureraient et crieraient en le voyant. Les yeux clairs écarquillés et le sourire suspect, il me faisait plutôt penser à un ravisseur. Son sac blanc devait être rempli d’enfants pas sages, me suis-je dit. La semaine prochaine, je vais écrire sur le cahier des avis des clients : « La statue du Père Noël me fait très peur ».
 Dans la soirée, je suis allé à la poste pour récupérer le colis que ma mère m’avait envoyé. J’ai montré ma pièce d’identité et l’avis de passage à une employée. « Je vais le chercher », m’a-t-elle dit et elle a disparu dans la resserre. Quelques minutes plus tard, elle est revenue avec un carton qui avait l’air lourd. Miracle ! D’habitude, on ne trouve pas mon colis et me demande de revenir quelques jours plus tard. Pour la première fois, mon colis était là !
 Chez moi, j’ai ouvert le colis et j’ai fait infuser du thé vert. Je me suis délecté du goût de thé vert qui me manquait tant.

mardi 20 novembre 2018

Le centre commercial de Roppenheim


 Ce weekend, j’ai vu mon patron japonais pour qui je travaille chaque été en tant qu’interprète. Il est revenu en France parce qu’il reste encore des problèmes à régler. Cependant, cette fois, je ne peux pas travailler pour lui, parce que j’ai mes cours. Il travaille donc sans interprète dès cette semaine, mais il ne semble pas s’en soucier.
 On s’est retrouvés à la gare centrale de Strasbourg. Après une courte promenade en centre-ville, nous sommes entrés dans un restaurant et avons commandé le plat du jour. L’entrée était une soupe de pomme de terre. Le plat était un hachis parmentier, et on pouvait choisir un dessert dans la vitrine. Les mets étaient délicieux et à un prix raisonnable. Je lui ai demandé s’il avait le droit de prendre un dessert car il est diabétique. « Non », m’a-t-il dit en prenant une torche aux marrons.
 Ensuite, nous sommes entrés dans deux magasins de chocolat. Je n’ai rien acheté, mais mon patron a acheté plusieurs types de chocolat pour sa famille, ou pour lui-même. Il m’a dit en japonais : « cent grammes de ces deux types de chocolat, moitié moitié... ». Avant que je traduise pour la vendeuse, elle a répété en français ce qu’il venait de dire. Étonné, je lui ai demandé si elle comprenait le japonais. « Non, mais j’ai compris », m’a-t-elle dit en souriant.
 En après-midi, nous avons pris la navette gratuite pour aller au centre commercial de Roppenheim (mon patron adore le shopping et les grandes surfaces). Je n’y étais jamais allé. Le bus était une Mercedes Benz. C’était la première fois que j’ai vu un bus Mercedes. Les places étaient confortables, et la décoration était très soignée. Le chauffeur était une femme d’un certain âge affable. Avec plusieurs touristes chinois et européens, nous avons été dans la navette environ quarante minutes. Ce jour-là, il y avait une grande manifestation contre le prix des carburants, mais la route n’était heureusement pas bloquée.
 Le centre commercial de Roppenheim était comme une petite ville dans laquelle de nombreuses boutiques étaient juxtaposées. Mon patron et moi avions beaucoup de temps. Nous avons visité presque toutes les boutiques. C’est une ville juste à côté de l’Allemagne. Tout le monde parlait allemand, et la radio diffusée était aussi dans cette langue. Quelques vendeuses m’ont parlé en allemand, et j’ai dû confirmer qu’on était quand même encore dans le territoire français. Quand les gens parlaient en français, ils avait souvent une intonation étrange qui m'était inconnue. Nous avons ainsi tué le temps. Le bus du retour a démarré vers 18h30, mais le chauffeur, la même femme que tout à l’heure, a dit à tout le monde que le bus s’arrêterait à Hohenheim, afin d’éviter l’embouteillage dû à la manifestation. C’était une sage décision. Quelques trente minutes plus tard, la navette est arrivée à la gare de Hohenheim. Les passagers ont ensuite pris le tram pour aller à Strasbourg. Le chauffeur attendait que tout le monde achète son ticket.
 De retour au centre-ville, j’ai dîné dans un restaurant italien avec mon patron et un ami français qui parle un bon japonais. Nous avons commandé beaucoup de plats ; une pizza, des pâtes, un risotto, un cordon bleu et des desserts. La cuisine était très bonne. La cuisine française est toujours élaborée. Je regrette de ne pas avoir assez de culture pour représenter son délice. Un serveur nous a proposé de nous offrir du digestif. Mon ami français est musulman de ce fait il a refusé. Mon patron est allergique à l’alcool. J’étais la seule personne qui voulait en prendre, mais j’ai décliné en me mordant les lèvres.
Vers 22h, nous nous sommes promenés un peu vers la gare. J’ai souhaité une bonne chance à mon patron. Il me l’a aussi souhaitée pour mes études. Mon ami l’a remercié pour le dîner, et nous nous sommes séparés.

lundi 19 novembre 2018

"Mercure" d'Amélie Nothomb


 J’ai lu « Mercure » d’Amélie Nothomb, paru en 1998, un an avant le chef-d’œuvre de l’auteur « Stupeur et tremblement ». Ce court roman raconte l’histoire de l’amour d’un vieil homme millionnaire et pervers, Loncours et d’une jeune fille, Hazel. La jeune femme qui va avoir bientôt vingt-trois ans, a perdu ses parents par un bombardement lorsqu’elle était adolescente, et à ce moment-là, son joli visage a été affreusement mutilé. Ramassée par Loncours, elle vit avec lui sur une île isolée, dans une maison étrange de laquelle tous les objets réfléchissants sont exclus, pour que Hazel ne voie pas son visage difforme. Un jour, la fille tombe malade et une jeune infirmière, Françoise arrive à cette maison. Commence alors une étrange relation de ménage à trois.  
 Je n’ai pas lu beaucoup de livres de cette femme écrivain belge. J’ai lu « Ni d’Ève ni d’Adam » (qu’elle m’a dédicacé), « Stupeur et tremblement » et « Antéchrista ». Après avoir lu « Mercure », j’ai l’impression qu’il y a souvent une relation qui évoque le saphisme dans ses romans. « Ni d’Ève ni d’Adam » ne correspond pas à cette observation puisqu’il s’agit d’un roman autobiographie relatant son histoire d’amour avec son ancien amant japonais Rinri. Mais dans « Mercure », se dessine une relation sentimentale et délicate entre Hazel et Françoise. Hazel est une belle fille tandis que l’apparence de Françoise n’est pas particulièrement décrite. Dans « Antéchrista », Christa est une belle fille, mythomane et manipulatrice, tandis que la victime Blanche est décrite comme une fille ordinairement jolie. Dans « Stupeur et tremblement », c’est bien Amélie et la Japonaise glaciale et cruelle, comme son prénom qui signifie la tempête de neige, Fubuki.
 Vous me direz sans doute : « Et alors ? ». Rien. J’ai juste eu cette impression et c’est tout. Sinon, la lecture des romans d’Amélie Nothomb est un petit plaisir de la vie quotidienne, comme un verre de vin ou la grasse matinée.

samedi 17 novembre 2018

FLE (6)


 Ce matin, la voix de la femme de ménage de mon étage m’a arraché de mon sommeil paradisiaque. Sa voix est aiguë de sorte que je l’entendais nettement à travers la porte. Il semblait qu’elle discutait avec un autre résident. Il lui demandait qui occupait ma chambre. « C’est un petit garçon japonais habite ici ! », a-t-elle dit. Je me suis demandé de qui elle parlait. Un Japonais habite effectivement ici, mais il n’est pas petit. Étrange.
 Ce semestre approche bientôt de sa fin. Pendant le cours de FLE, notre enseignante nous a demandé de rédiger en quinze minutes un document sur le thème du « mal-logement en France ». Je me suis mis à écrire sur ce sujet, sur la feuille de papier qu’elle m’avait fournie. Je suis désolé, mais les sujets que les professeurs de français choisissent n’ont jamais été intéressants pour moi. Je n’ai pas beaucoup écrit. J’ai juste rempli une page. De toute façon, l’enseignante avait dit qu’elle ne voulait pas de texte trop long.
 Quelques minutes plus tard, elle a ramassé nos copies et nous a demandé de travailler individuellement. Comme d’habitude, j’ai passé le temps à bavarder avec le Coréen avec qui je m’entends bien. Comme nous discutons en français, ça peut être considéré comme exercice de français. Il m’a demandé si j’avais déjà lu « Les Misérables » de Victor Hugo. Je lui ai dit que oui.
« En français ?
– Non, en japonais. Quand j’étais au collège. Il y avait trois tomes, ai-je dit.
– En Corée, c’est cinq tomes !
– J’avoue que ça ne m’a pas vraiment impressionné.
– Il faut le lire en français ! ».
 J’essayais de me rappeler comment « Les Misérables » se termine, mais en vain. Je me souvenais seulement que l’inspecteur de police du nom de Javert se suicide en se jetant dans la Seine.  
 Le jeune garçon m’a dit que l'idée de rentrer en Corée du Sud lui faisait horreur, et que son rêve était d’obtenir la nationalité française. J’avais l’impression de comprendre ce sentiment, mais je ne savais pas comment lui répondre. Parfois, la société japonaise me paraît comme un immense système qui fonctionne tout seul en détruisant un grand nombre de ceux qui le gèrent. Il m’a dit qu’à l’âge de vingt-cinq ans, tous les Coréens sont obligés d’entrer dans l’armée.
« Même ceux qui habitent à l’étranger ? ai-je demandé.
– Oui, a-t-il dit.
– Et si tu ignorais la convocation ?
– Je serai arrêté à l’aéroport ».
 Je ne sais pas si c’est vrai. Je ne veux absolument pas entrer dans l’armée. J’ai du mal avec les systèmes étouffants. J’avais déjà beaucoup de mal avec le collège et le lycée.
À ce moment-là, notre enseignante est revenue. Elle s’est mise à corriger la rédaction du Coréen. Par la suite, elle est venue à côté de moi. On a corrigé ensemble ma dissertation bâclée, mais je n’avais fait qu’une seule erreur : j’avais oublié de mettre un s de pluriel à un mot. « Tu as un bon français. Mais tes phrases sont un peu trop simples, m’a-t-elle dit.
- C’est parce que je viens de finir ‘’L’Étranger’’ de Camus hier ».
 Mon propos l’a fait rire pour une raison obscure.
 Pour le cours de FLE, tous les étudiants sont obligés de présenter un dossier composé de productions écrites pour montrer qu’ils ont travaillé à améliorer leur français. Une Espagnole très joyeuse et bavarde comme une fillette qui viendrait d’apprendre sa langue, cherchait désespérément un moyen d’échapper à cette occasion, en discutant avec la prof. Elle ne semblait absolument pas vouloir accomplir ses devoirs. Elle lui demandait ce qui lui arriverait si elle ne faisait rien. Quand la prof lui a dit que cela dépendait du secrétariat de sa faculté, elle a gémi à plusieurs reprises.

jeudi 15 novembre 2018


 J’ai commencé à tenir mon journal intime dans le but d’enregistrer mes journées en France et d’améliorer mon français. Toutefois, je n’ai jamais eu de matière propre. Par conséquent, j’ai fini par accumuler des vides les uns après les autres. Ce qui m’effraie, c’est que cette accumulation de vides dure encore et que je ne sais pas comment y mettre fin.
 Quelques fois, j’ai essayé de combler ces lacunes. Quelques personnes m’ont conseillé de me faire une petite amie ou plus d’amis. Cependant, je m’étais déjà rendu compte qu’une telle tentative ferait me sentir encore plus vide. Même l’océan ne peut pas remplir un seau minuscule s’il est troué.
 Aujourd’hui, j’aimerais présenter un texte de Monsieur G. un fonctionnaire français que j’admire pour sa prose en japonais, et qui m’a plus ou moins influencé pour « mes exercices » en français. Il est en fait étrange que moi, japonais, je traduise en français un texte qu’un Français a écrit en japonais, mais j’aime traduire autant qu’écrire.

« Une fois mes courses terminées, tandis que je revenais à ma voiture, une vieille dame m’a abordé. « N’avez-vous pas honte ? », m’a-t-elle demandé d’un air irrité. Je ne savais pas ce que je pouvais lui répondre pour apaiser sa colère. Je ne pensais tout de même pas que la dame me posait cette question pour me demander combien j’avais honte de vivre. Finalement, j’ai décidé de l’ignorer. Cependant, la vieille dame s’est mise à frapper ma voiture avec un bâton. Je ne pouvais plus ignorer cette dame ennuyeuse.
 Je lui ai demandé pourquoi elle criait. Il m’a semblé que c’est parce que j’avais garé ma voiture dans une place pour personnes handicapées. Il n’y avait pas de panneau. De plus, la peinture bleue qui signifiait les places pour personnes handicapées était presque effacée si bien que je ne m’en étais pas aperçu. Je me suis excusé, mais cela n’a fait qu’exciter davantage la vieille dame.
 Cette personne âgée semblait se réjouir de me persécuter. Sinon, elle n’aurait pas attendu que je revienne à ma voiture. Il se peut qu’elle vagabonde toute la journée sur le parking en cherchant des gens qu’elle peut accuser.
 J’avais beau la prendre en pitié, j’ai eu envie de la poignarder.
 Si je pouvais battre mon ennemie rien qu’une fois, je pourrais être fier de vivre. Cela m’est égal que ce soit une vieille dame qui cache sa ruse derrière son âge et sa faiblesse ».

mercredi 14 novembre 2018


 Aujourd’hui, on m’a rendu ma copie d’examen de littérature latine chrétienne. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu moins de dix. On devait faire deux commentaires de texte. Je m’étais demandé si je devais me référer à ce que le professeur avait dit pendant le cours, ou si je devais faire un commentaire littéraire ordinaire. On avait une heure pour composer. Il me semblait impossible de faire deux véritables commentaires de texte en une heure. J’ai donc commenté les textes en me basant sur le cours. Au moment où j’ai rendu ma copie, je me suis rendu compte que tout le monde avait beaucoup écrit. J’ai été dégoûté.
 Mais aujourd’hui, il s’est avéré que c’était un piège. Après avoir dit que la moitié des étudiants avaient moins de dix, le professeur nous a dit que nous devions faire deux véritables commentaires de texte. Pris au piège, j’ai eu moins de dix, puisque les deux commentaires comptaient dix points. Si l’examen était une guerre, j’aurais été amputé d’un bras et d’une jambe. On m’a dit que beaucoup de monde avait eu trois ou quatre. Ceux-là ont eu la colonne vertébrale cassée, ou les poumons percés de multiples flèches, et respiraient à peine.

lundi 12 novembre 2018

La Première Guerre mondiale


 J’essaie d’expliquer brièvement en français la Première Guerre mondiale qui est très complexe.
 Tout le monde connait l’origine de la Première Guerre mondiale. C’est l’assassinat du prince héritier de l’empire austro-hongrois, Franz Ferdinand et de son épouse. Mais pour comprendre l’essentiel des causes de cette guerre, il faut d’abord saisir le contexte historique de l’époque.
 Au beau milieu de l’impérialisme, les grandes puissants européennes colonisaient notamment l’Afrique et l’Asie de sud-est, en aggravant la tension politique entre elles. D’ailleurs, l’annexion de l’Alsace-Lorraine à l’empire allemand avait engendré de la rancune chez les Français. Afin de contrer l’Allemagne, la France s’est alliée au Royaume-Uni et à la Russie, tandis que l’Allemagne s’est alliée à l’Autriche et à l’Italie (mais l’Italie s’est par la suite secrètement alliée à la France). La première alliance est connue sous le nom de « Triple-Entente », elle est composée de ces trois pays, avec d’autres nations. Et la dernière alliance est appelée les « Alliés ».  Le 28 juin 1914, le prince héritier de l’empire austro-hongrois et son épouse ont été assassinés à Sarajevo en Serbie, par un nationaliste serbe. L’Autriche a envoyé un ultimatum à la Serbie, sans recevoir de réponse de sa part, et lui a finalement déclaré la guerre. La Russie, alliée à la Serbie, l’a rejointe et a proclamé la mobilisation de toute son armée. Dans cette situation, l’Allemagne risquait d’être attaquée de deux côtés, d'un côté par la France et de l'autre par la Russie. Elle a donc décidé d’exécuter le Plan Schlieffen. Qu’est-ce que le Plan Schlieffen ? En gros, cette opération visait à attaquer la France en passant par la Belgique, et ensuite assaillir la Russie. Sous prétexte que l’Allemagne avait envahi la Belgique, l’Angleterre aussi lui a déclaré la guerre.
 Les principaux champs de bataille de la Première Guerre mondiale sont donc en Europe, mais le Japon y a aussi participé en Asie. Pourquoi ? En fait, le Japon était allié à l’Angleterre à l’époque. Il s’est donc battu du côté de la Triple-Entente, afin de détruire les bases militaires allemandes en Chine. C’était évidemment un prétexte. Son véritable objectif était d’élargir son influence en Chine. Le Japon a gagné et imposé à la Chine les « Vingt et une demandes » dont seize ont été acceptées et a réussi à étendre ses contrôles politiques et économiques en Chine.
 Au même moment, en Europe, sur les champs de bataille de l’est, l’Allemagne prévalait la Russie. En 1917, la Révolution russe a eu lieu et l’empereur Nicolas II et sa famille ont été exécutés. Le nouveau gouvernement russe et l’Allemagne ont signé le traité de Brest-Litovsk qui a mis fin à la guerre à l’est.
 Cependant, le front de l’ouest stagnait malgré sa véhémence. Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, personne n’avait imaginé qu’elle ne serait aussi grave et longue. Les soldats pensaient qu’ils pourraient rentrer chez eux avant Noël. Au début de la guerre, l’Allemagne était supérieure à la France. Une fois la Belgique traversée, l’armée allemande a avancé dans le nord de la France vers Paris. La capitale du monde était juste devant leurs yeux, au-delà de la Marne, de l’autre côté de laquelle, guettait l’alliance de l’armée française et anglaise. C’est ce qu’on appelle la « Bataille de la Marne ». Les deux armées ont subi de grandes pertes, et l'image symbolique de la Première Guerre mondiale, la guerre de tranchée a commencé. Le front de l’ouest a été séparé par une longue tranchée qui a prolongé la guerre, en entassant les cadavres de soldats.
 L’Allemagne était pressée. Alors que Paris était devant l’armée allemande, elle ne pouvait pas l’atteindre. En 1916, elle a décidé d’attaquer la base française importante, le saillant de Verdun. Cette bataille qui a duré pendant dix mois, appelée la bataille de Verdun a engendré plus de 700 000 morts dans les deux armées, sans changer la situation.
 Au fait, la Première Guerre mondiale est le premier conflit dans lequel a été employé des armes modernes courantes aujourd’hui comme par exemple, les gaz toxiques, les avions de chasse et les chars. Mais elles n’étaient pas encore très développées. Un soldat allemand d’origine autrichienne a inhalé du gaz toxique pendant cette guerre, mais il n’est pas mort. Ce soldat, qui a été décoré de la croix de fer de deuxième classe, fera connaître son nom plus tard, Adolf Hitler.
 L’Allemagne a pété les plombs. Elle a mené une opération de « guerre sous-marine à outrance », qui visait à attaquer les sous-marins et les navires à l’aveugle, y compris ceux des pays neutres. Cette opération téméraire a pourtant été très efficace. La victoire de l’Allemagne devenait de plus en plus probable. Face à cette situation, les États-Unis qui étaient neutres à l’époque ont armé leurs navires marchands. Mais cette mesure n'avait aucun sens devant la puissance des U-boots, la fierté de l’Allemagne. Un bon nombre de navires américains ont été coulés. Le 4 avril 1917, poussé par la colère du peuple, le Président Wilson a décidé d’entrer en guerre.
 L’intervention des États-Unis était une véritable menace pour l’Allemagne. Elle a essayé de battre la France avant leur arrivée, mais en vain. Les soldats étaient de plus en plus las de cette bataille dont la fin était imprévisible.
 Le printemps 1918, l’armée américaine a été engagée sur le front de l’ouest. À ce moment-là, l’armée allemande manquait déjà de nourriture et de balles. Ses voies de ravitaillement étaient aussi détruites. Elle était totalement épuisée. Sa défaite n’était qu’une question de temps.
 En novembre de la même année, une partie des soldats allemands a refusé de se battre. Ce mouvement s'est tout de suite répandu pour se transformer en une énorme émeute. C’est la Révolution allemande. Le 9 novembre, l’empereur Guillaume II a abdiqué et s’est réfugié aux Pays-bas. Le 11 novembre, les représentants du gouvernement allemand et les Alliés ont conclu un armistice. La Première Guerre mondiale qui a duré quatre ans, s’est finalement terminée, dans la forêt de Compiègne en France.
 La France a été dévastée par cette guerre et perdu plus d’un million d’hommes. Par le traité de Versailles, l’Allemagne a perdu une grande partie de ses territoires, elle a été obligée de payer une somme quasi astronomique, 132 milliards de marks-or, et son armée a été si réduite qu'il n’était plus question de maintenir le pays. Ces traitements d’après-guerre sont devenus l’une des causes principales de la Seconde Guerre mondiale qui a eu lieu seulement vingt ans plus tard.