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lundi 19 novembre 2018

"Mercure" d'Amélie Nothomb


 J’ai lu « Mercure » d’Amélie Nothomb, paru en 1998, un an avant le chef-d’œuvre de l’auteur « Stupeur et tremblement ». Ce court roman raconte l’histoire de l’amour d’un vieil homme millionnaire et pervers, Loncours et d’une jeune fille, Hazel. La jeune femme qui va avoir bientôt vingt-trois ans, a perdu ses parents par un bombardement lorsqu’elle était adolescente, et à ce moment-là, son joli visage a été affreusement mutilé. Ramassée par Loncours, elle vit avec lui sur une île isolée, dans une maison étrange de laquelle tous les objets réfléchissants sont exclus, pour que Hazel ne voie pas son visage difforme. Un jour, la fille tombe malade et une jeune infirmière, Françoise arrive à cette maison. Commence alors une étrange relation de ménage à trois.  
 Je n’ai pas lu beaucoup de livres de cette femme écrivain belge. J’ai lu « Ni d’Ève ni d’Adam » (qu’elle m’a dédicacé), « Stupeur et tremblement » et « Antéchrista ». Après avoir lu « Mercure », j’ai l’impression qu’il y a souvent une relation qui évoque le saphisme dans ses romans. « Ni d’Ève ni d’Adam » ne correspond pas à cette observation puisqu’il s’agit d’un roman autobiographie relatant son histoire d’amour avec son ancien amant japonais Rinri. Mais dans « Mercure », se dessine une relation sentimentale et délicate entre Hazel et Françoise. Hazel est une belle fille tandis que l’apparence de Françoise n’est pas particulièrement décrite. Dans « Antéchrista », Christa est une belle fille, mythomane et manipulatrice, tandis que la victime Blanche est décrite comme une fille ordinairement jolie. Dans « Stupeur et tremblement », c’est bien Amélie et la Japonaise glaciale et cruelle, comme son prénom qui signifie la tempête de neige, Fubuki.
 Vous me direz sans doute : « Et alors ? ». Rien. J’ai juste eu cette impression et c’est tout. Sinon, la lecture des romans d’Amélie Nothomb est un petit plaisir de la vie quotidienne, comme un verre de vin ou la grasse matinée.

lundi 29 octobre 2018

''L'Avortement'' de Richard Brautigan


 J’aimerais présenter l’un de mes livres préférés, « L’Avortement » de Richard Brautigan.
 Richard Brautigan est un écrivain américain né en 1935. Il était très populaire et aussi l’un des écrivains les plus importants de la Beat Generation dans les années 70. Il a écrit au total de nombreux poèmes et douze romans dont le plus connu « La Pêche à la truite en Amérique » est devenu un best-seller. Cependant, une fois retombée l’effervescence du mouvement hippie, l’écrivain a très vite été oublié. Le 25 octobre 1984, on a découvert le corps en décomposition de Brautigan qui s’était suicidé avec un revolver Smith & Wesson de calibre 44. On ignore la date exacte de sa mort, mais comme des voisins témoignent qu’ils ont entendu un coup de feu pendant qu’ils regardaient à la télé un match de football américain le dimanche 16 septembre, il est supposé que l'écrivain est mort ce jour-là.
 Voici, l’intrigue de « L’Avortement ». Le héros dont on ignore le nom travaille dans une bibliothèque, mais ce n’est pas une bibliothèque ordinaire. C’est une bibliothèque où n’importe qui peut venir déposer les livres qu’il a écrits. Certains apportent leurs livres qu’ils n’ont pas pu publier. D’autres apportent leur autobiographie. Même Richard Brautigan en personne vient déposer son livre. Le travail principal du bibliothécaire est d’enregistrer les livres, le nom de leurs auteurs, et de ranger les ouvrages dans les étagères. Le bibliothécaire précédent a démissionné parce qu’il avait peur des enfants.
 Un jour, Vida, une femme incroyablement belle et sensuelle vient à la bibliothèque pour déposer son autobiographie dans laquelle elle décrit les souffrances d’être dans son corps. Son physique est si attrayant que tous les hommes la contemplent dans la rue et qu’une fois, un homme, incapable de la quitter des yeux, a causé un accident et en est mort. Vida dit que son corps n’est pas fait pour elle et qu’elle aurait dû naître dans le corps modeste de sa sœur, et sa sœur dans le sien.
 Le héros et Vida tombent amoureux et commencent à vivre dans la bibliothèque. Un jour, il se révèle que Vida est enceinte. Ni le héros ni Vida ne sont prêts à être parents. Ils confient le travail de bibliothécaire à un ami, et essaient de se rendre au Mexique, afin de faire avorter illégalement Vida.
 L’univers de Brautigan est humoristique et surréaliste, mais très sombre. Son style succinct et ses métaphores singulières ont beaucoup influencé Haruki Murakami dans sa jeunesse. Vida pourra-t-elle se faire avorter et pourront-ils revenir à la bibliothèque ? À vous de le lire.

mercredi 5 septembre 2018

''The Sterile Cuckoo'' John Nichols



«Several years ago, during the spring semester of my junior year in college, as an alternative to either deserting or marrying a girl, I signed a suicide pact with her » (Il y a plusieurs années, durant le semestre de printemps, lorsque j’étais en troisième année de l’université, au lieu de me marier avec une fille ou de m’enfuir, j’ai signé un pacte de suicide avec elle).

 J’ai lu un livre vraiment intéressant qui m’a complètement mis K.-O. Il est intitulé « The Sterile Cuckoo » et l’auteur s’appelle John Nichols. Ce livre a été publié en 1965 aux États-Unis. Cependant, il a été traduit pour la première fois en japonais en 2017 par le romancier Haruki Murakami, qui dit que ce roman est demeuré dans un coin de son esprit depuis qu’il l’a lu à l’âge de vingt ans.
 En bref, il s’agit de l’histoire d’amour d’un étudiant Jerry Payne et d’une jeune fille Pookie Adams. Le narrateur est Jerry, mais le noyau de ce roman est Pookie. Sans elle, ç’aurait été un roman à l’eau de rose qu’on trouve partout. Pookie est une fille très excentrique et incroyablement bavarde. Selon Jerry, c’est une fille maigrichonne, pas très belle et qui n’a presque pas de poitrine. Expliquer de quelle façon elle est excentrique est difficile. Elle ne cesse de parler de choses surréalistes, elle écrit des poèmes qui n’ont pas de sens, les métaphores qu’elle emploie sont également très bizarres. Elle invente aussi de nouveaux mots que Jerry ne comprend pas. Il y a beaucoup de passages que j’aime beaucoup dans ce roman. Les lettres de Pookie, la scène où elle tombe sur la neige et dit en tremblant : « Je, je, je… je rêvais…d’être un eskimo attaqué…par un ours blanc… » et qu’elle monte sur un manège vers la fin du récit.
 Ce livre m’a fait penser à « La Ballade de l’impossible » de Murakami. Dans ce roman, il y a une fille excentrique et bavarde (même si elle l’est beaucoup moins que Pookie) qui s’appelle Midori. Pookie est en fait un personnage qui a une tendance à se détruire et n’arrive pas contrôler sa personnalité. C’est pour ça qu’elle fait signer un pacte de suicide à Jerry. La jovialité de l’héroïne rend le roman divertissant, mais c’est aussi l’histoire d’une fille qui se détruit de façon irrémédiable. Dans « La Ballade de l’impossible », Naoko est mentalement instable et elle finit par se suicider. J’ai eu l’impression que si les deux aspects de Pookie, c’est-à-dire, son côté maladif et son côté excentrique, se divisaient en deux, ça donnerait Naoko et Midori, mais peut-être vais-je trop loin.
 Il semble que Motoyuki Shibata, le traducteur japonais de Paul Auster et le maître de traduction de Haruki Murakami a eu la même impression. Dans la postface en forme de dialogue, il dit à Murakami : 
« J’ai l’impression que dans ‘’La Ballade de l’impossible’’ aussi, il y a un personnage qui a le même type de charme que Pookie……. 
- En fait, ce genre de personne se trouve partout. Le héros de mon roman, je ne dis pas qu’il ressemble à celui de ce roman, mais c’est vrai qu’il est plutôt taciturne : il écoute les gens et les observe. Donc, forcément j’avais besoin d’un personnage comme Pookie, un personnage qui fait bouger l’histoire. J’avais également besoin d’un personnage comme Nagasawa, quelqu’un qui a sa propre logique et sa propre opinion. Les personnages apparaissent naturellement dans les romans. C’est par exemple le cas de Pookie ou des deux colocataires extravagants de la résidence. Il y a des types ».
 C’est dommage que ce roman ne soit pas traduit en français. Mais j’imagine que ce sera extrêmement difficile de traduire les propos absurdes de Pookie. Murakami affirme également que traduire l'argot de l’époque était difficile, et qu’il a demandé le sens de certains mots à son traducteur américain, qui ne le savait pas non plus.

mardi 28 août 2018

"Anthéchrista''


 Enfermé dans ma chambre, j’ai lu « Cent ans de solitude » de Garcia Marquez, « Anthéchrista » d’Amélie Nothomb et « Le Plan déchiqueté » de Kôbô Abe. Comme « Cent ans de solitude » est long et que le style de l’auteur est alambiqué, il m’a fallu quelques semaines pour le terminer. La structure elle-même du récit n’est pas compliquée. Ce roman parle d’un village, Macondo fondé par José Arcadio Buendia et de ses descendants. Plusieurs personnages portent les mêmes prénoms. Par exemple, il y a plus de dix sept Aureliano, et deux ou trois José Arcadio. Il y a aussi plusieurs Remedios et je me suis perdu un peu en lisant le roman. Honnêtement, à cause de ma faible capacité de compréhension, je n’ai pas pu saisir tous les détails du livre. Pour le comprendre, il faudra lire encore une ou deux fois. Mais c’est une expérience de lecture très particulière. Aucun auteur n’est comparable à Garcia Marquez. C'est est une fontaine intarissable d’imagination. Il a une incroyable maîtrise de l’écriture. Mes personnages préférés sont José Arcadio Buendia, le colonel Aureliano Buendia et Remedios-la-belle. J’aimerais aussi citer l’incipit de ce roman pour lequel j’ai eu le coup de foudre. « Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace. »



 Je ne suis pas un grand fan d’Amélie Nothomb, mais « Anthéchrista » m’a beaucoup plu. Il s’agit de l’histoire d’une fille qui s’appelle Blanche. Elle a seize ans et n’a pas d’amis à la fac. Un jour, une belle fille populaire, le genre de personne qui existe peut-être dans toutes les classes à l’école, Christa, lui adresse la parole. Comme elle habite loin de l’université, Blanche lui propose de dormir chez elle le lundi. Peu après, seule Blanche se rend compte que Christa est une grosse mythomane manipulatrice, et la pauvre fille tombe dans son piège dont elle n’arrive pas s’échapper. C’est un roman effrayant et il a aggravé ma défiance envers les autres. Ma théorie selon laquelle la relation humaine est la cause du mal a été renforcée. J'ai eu davantage peur d'aller à l'université. Heureusement il m'arrive rarement de parler avec des filles, sauf la psychiatre, les employées de la cantine qui sont sorties de l’adolescence il y a peut-être deux cent ans, et les caissières du supermarché dont la peau se décrépit à chaque seconde comme les murs couverts de cendres volcaniques.

lundi 13 août 2018

''Unbeaten Tracks in Japan'' Isabella Bird


 « Au printemps en 1878, une Anglaise un peu potelée au regard brillant d’intelligence a débarqué à Yokohama. Son nom est Isabella Bird. Elle a pris le bateau à San-Francisco et a traversé l’océan pacifique pour venir au Japon. Elle avait quarante-sept ans »

 Isabella Bird est arrivée au Japon en 1878. À cette époque-là, la situation politique du Japon était instable. L’année précédente avait eu lieu la guerre civile, la rébellion de Satsuma. Sous l’ordre de Takamori Saigô, les samouraïs du clan Satsuma s’étaient révoltés contre le gouvernement japonais qui cherchait à moderniser le pays aux dépens de la féodalité. En même temps, l’instabilité politique causait une famine qui dévastait tout le Japon. Jusqu’à 1877,  quarante révoltes paysannes contre le gouvernement avaient lieu chaque année. Le Japon était en train de se moderniser. Les élites commençaient à porter des costumes occidentaux que, selon Isabella Bird, n’allaient pas du tout au physique pauvre des Japonais. On commençait à ériger des bâtiments occidentaux, et à construire des voies ferrées. Cependant, il faut attendre encore vingt-sept ans et la guerre russo-japonaise, pour que le Japon soit vainqueur de la flotte de la Baltique à la guerre-russo japonaise, avec le cuirassé Mikasa acheté à l’Angleterre.
 C’est à cette époque qu’Isabella Bird a voyagé au Japon, un pays extrêmement pauvre à l’époque. L’économie reposait sur la riziculture et l’industrie textile. Le savoir-faire manquait et les canons et les cuirassés devaient être importés d’Europe.
 Comme le titre l’indique, Isabella Bird a choisi exprès les chemins qui n’étaient pas battus qu’aucun Occidental n’a jamais foulés. D’abord, elle a dû trouver un interprète. Plusieurs Japonais, une lettre de recommandation à la main, ont postulé à ce travail. Ils connaissaient en effet quelques mots anglais, mais étaient loin de maîtriser la langue. Finalement, un garçon qui n’avait même pas de lettre de recommandation est venue. Isabella Bird l’a trouvé laid et quelque peu insolent. Elle a aussi eu l’impression qu’il avait un côté rusé, mais c’était lui, Itô qu’elle a embauché. Comme l’avait deviné Isabella, Itô avait en effet un côté arrogant (il dit que les étrangers sont impolis et que les Aïnous sont des chiens) et rusé (il détourne de l’argent), mais c’était un interprète compétent qui s’occupait aussi des contacts avec l’habitant et du ménage. Itô, qui se plaint souvent de ce rude voyage, est le clown qui allège sa sévérité.
 Ainsi, Isabella et Itô montent vers le nord pour atteindre Hokkaidô. Son plus grand objectif était de vivre avec les autochtones, les Aïnous qu’elle qualifie souvent d’incultes’’. Comme il n’y a ni voiture ni train à l’époque, ils sont obligés de voyager à cheval. Selon Isabella, les chevaux sont gâtés au Japon de sorte qu’ils se comportent de manière vraiment capricieuse. En montant vers le nord, ils passent des nuits dans des auberges. La situation hygiénique du Japon est terrible. La plupart des villageois souffrent de maladie de peau parce qu’ils lavent rarement leurs kimonos. Dans les auberges, les puces sautent des tatamis et la nourriture est décevante dans la plupart des cas. D’ailleurs, à chaque village, les villageois se rassemblent pour regarder l’étrangère. En même temps, Isabella trouve les Japonais travailleurs et gentils. Elle dit qu’elle n’a jamais eu d’expérience dangereuse pendant son voyage.
 À Hokkaidô, elle vit quelques mois avec des Aïnous. Selon elle, les Aïnous ont une chevelure abondante, de grands yeux, un nez droit et ils sont souvent plus musclés que les Japonais qui sont jaunes et maigres. Leur vie et religion sont plutôt primitive, mais ils sont honnêtes et ne cherchent pas à tromper les gens. Ils vénèrent les ours, mais les tuent et décorent la maison du chef avec la tête d’un ours mort. Les deux choses qu’ils craignent  sont les Dieux et le gouvernement japonais. Des Aïnous lui disent souvent : « S’il vous plaît, ne dites pas aux Japonais qu’on vous a parlé de notre vie ». La seule chose qu’Isabella trouve lamentable chez les Aïnous, c’est qu’ils boivent beaucoup d’alcool (mais ils tiennent l’alcool beaucoup mieux que les Japonais).
 Le voyage hors des sentiers battus se termine à Hakodate, le 12 septembre de la même année. Elle a pris le bateau et arrive à Yokohama cinq jours plus tard. Trois mois c’étaient écoulés depuis qu’elle est partie de Tokyo. Elle ne rentre pas toute de suite en Angleterre. Cette fois, elle fait le ‘’voyage sur les sentiers battus’’. En octobre, elle va à Kôbe en bateau et visite Kyoto et le sanctuaire d’Ise. Elle revient à Tokyo le 17 décembre pour quitter l’Archipel.
 La voyageuse a revisité le Japon environ cinq fois entre 1894 et 1896. À part les villages ruraux, elle a vu Tokyo, Kyoto, Osaka, Kumamoto et Nagasaki. Pendant ce temps, les sentiers sauvages qui avaient retardé sa marche ont été revêtus. Des chemins de fer ont été construits. L’économie s’est développée. La position diplomatique du pays s’est améliorée, et l’extraterritorialité a été abolie. Vingt ans après son premier voyage, elle est devenue le témoin de la modernisation du Japon.

samedi 12 mai 2018

''Quand nous étions orphelins'' Kazuo Ishiguro


 J’ai lu « Quand nous étions orphelins » de l’écrivain britannique Kazuo Ishiguro, lauréat du prix Nobel de littérature 2017. Kazuo Ishiguro est britannique, mais son nom ne sonne pas très anglais. Pourquoi ? Parce qu’il est né à Nagasaki au Japon en 1954. La famille a déménagé au Royaume-Uni lorsqu’il avait cinq ans pour le travail de son père. Ishiguro dit dans une interview que ses parents avaient toujours l’intention de retourner au Japon, mais la famille n’a finalement pas quitté le sol du Royaume-Uni.

 J’ai lu « Les Vestiges du jour » et « Auprès de moi toujours » quand j’étais au lycée. J’ai eu l’impression que ces livres étaient typiquement anglais et que rien ne rappelait son pays natal. Comme dit l’écrivain, s'il n'y avait pas sa photo sur le livre et s'il avait un nom typiquement anglais, personne ne croirait qu’il est d’origine japonaise.
 Toutefois, il parle du Japon dans ses premières œuvres que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire. Cette nation est évoquée comme un endroit lointain dans « Quand nous étions orphelins » dont l'’histoire se déroule à Shanghai dans les années 30.

 Je résume l'histoire en faisant attention à ne pas gâcher la fin. Dans les années 30, la Chine est dévastée par l’importation de l’opium de l’Angleterre et l’invasion de l’armée japonaise. Dans la Concession internationale de Shanghai qui est séparée des quartiers pauvres vivent deux garçons, l'Anglais, Christopher et son ami japonais Akira. Aucun d’eux ne parle chinois et ils communiquent en anglais, mais ils sont tous les deux attachés à Shanghai : Christopher dit qu'il ne veut pas rentrer en Angleterre et Akira a littéralement peur de devoir rentrer au Japon. Cependant le jour de séparation arrive soudain, sans que rien ne l’ait laissé prévoir.

 Christopher grandit à Londres et devient un détective célèbre. C'est lui qui raconte l'histoire mais le lecteur se rend compte aussitôt de l'imprécision de ses souvenirs. Au fur et à mesure, on apprend que les parents de Christopher ont disparu il y a longtemps, sans doute impliqués dans une affaire suspecte. Le jeune détective part pour Shanghai de nombreuses années plus tard en quête de ses parents et son ancien ami Akira.

 On pourrait dire qu'il s'agit d'un roman policier au sens large. Mais notre détective est quelque peu faible malgré sa notoriété dans la haute société. Il n’est pas aussi perspicace que Sherlock Holmes. Il n’est pas aussi dur à cuire que Philip Marlowe. Dans la dernière partie de l’histoire, il perd souvent son sang-froid et insulte un chauffeur chinois et un officier japonais bien qu’ils soient assez courtois.
 En même temps, ce n’est vraiment pas un roman policier, car Christopher se perd le plus souvent dans le récit (et aussi dans les quartiers de Shanghai), et il ne résout pas vraiment l’affaire même s’il arrive finalement à la vérité. Ici, le polar n’est qu’un véhicule pour un thème. Je pense que le véritable thème de ce roman, c'est le sentiment de la perte de quelque chose de précieux, soit quelqu'un soit un souvenir.

 J’ai aussi remarqué que « Quand nous étions orphelins » a une structure assez proche de « Auprès de moi toujours ». Dans les deux cas, les narrateurs parlent de leurs souvenirs imprécis, et la vérité bouleversante surgit plus tard. De plus, dans « Les Vestiges du jour », le héros, un ancien intendant anglais se rappelle les jours glorieux du Darlngton Hall qui ne reviendront jamais.

 Au fait, il semble que cette année, le prix Nobel littérature ne soit pas décerné à cause du scandale de harcèlement sexuel dans lequel est impliqué le mari d'un membre du jury. J’admets évidemment que le prix Nobel est prestigieux. Ce n’est pas quelque chose que tout le monde peut recevoir. Ce n’est pas comme le jouet dans un œuf chocolat Kinder Surprise. Mais en même temps, je doute qu’il soit aussi important qu’on le croit, car il y a beaucoup d’écrivains qui n’ont pas reçu ce prix, mais sont toujours lus partout dans le monde. En revanche, certains lauréats du prix Nobel de littérature sont plus ou moins oubliés aujourd’hui. Du moins, j'ai appris que la confiance que les gens ont en ce prix est si fragile qu'elle est menacée par un harcèlement sexuel. Les fesses de la femme sont-elles alors plus puissantes que le prix Nobel de littérature ?

vendredi 11 mai 2018

''La Réanimation de madame A'' Yoko Ogawa



 Ce matin, le ciel s’est illuminé. Quelques minutes plus tard, le fracas du tonnerre a retenti. Je croyais que le tonnerre arrivait toujours le soir ou la nuit. C’était étrange de voir le ciel matinal s’illuminer. Le tonnerre était toujours suivi d’un éclair avec un décalage considérable. Tantôt son fracas était faible, tantôt immense comme un grognement provenant des enfers. Un instant plus tard, il a commencé à pleuvoir. L’air frais apporté par la pluie était agréable parce qu’il faisait chaud ces derniers temps.

 Lorsque je suis sorti vers midi, j’ai vu un escargot rampant lentement sur l’herbe. On voit des escargots uniquement quand il pleut. Je me suis demandé où ils se cachaient d’habitude.

 Dans la soirée, j’ai fini la lecture de « La Réanimation de madame A » de Yoko Ogawa. Il s’agit de l’histoire d’une vieille dame russe. Elle vit dans une grande maison remplie d’animaux empaillés laissés par son défunt mari japonais. Son seul loisir est de coudre la lettre ‘’A’’ sur ces animaux, bien que tout le monde l’appelle ‘’Tante Yuri’’. Un jour, depuis la visite d’un homme étrange Ohara, les gens autour d’elle commencent à se demander si elle n’est pas la dernière survivante de la maison Romanov, la quatrième fille de Nicolas II de Russie, Anastasia, qui a dû être fusillée avec sa famille le 17 juillet 1918 à Ekaterinbourg. Tante Yuri affirme qu’elle est la princesse Anastasia en personne et commence à raconter ses souvenirs de Russie à sa nièce, narratrice du récit et à son petit ami, Nico, qui souffre d’un trouble obsessionnel compulsif. Cependant, Tante Yuri ressemble également à une dame obsédée par l’histoire de la maison Romanov, car elle lit toujours passionnément « La Dernière famille de la dynastie Romanov et ses souvenirs » comme si elle tentait de s’identifier à Anastasia. Tante Yuri est-elle Anastasia ou une veuve démente ? Je me borne à dire que c’est un livre idéal pour un jour pluvieux comme aujourd’hui.

samedi 31 mars 2018

''Numéro zéro'' Umberto Eco



 C’était le dernier roman de l’écrivain et historien italien Umberto Eco et le premier que j’aie lu de lui.

 Le titre ‘’Numéro zéro’’ désigne la ‘’maquette’’ d’un journal avant sa parution officielle. À la demande d’un magnat mystérieux, plusieurs personnes, les ‘’perdants’’ selon le terme employé dans le livre, sont réunies pour créer un nouveau journal ‘’Domani’’(demain). Les principaux personnages sont les suivants : le rédacteur en chef, Simei. L’écrivain raté, ancien traducteur d’allemand, Colonna, qui est aussi le narrateur de ce livre. Maia, une jeune femme de 28 ans, ‘’presque licenciée en lettres’’ que l’on soupçonne d’être ‘’autiste’’. Braggadocio, un excentrique obsédé par la théorie du complot selon laquelle ce n'est pas Mussolini qui été fusillé en 1945, mais son sosie, et le Duce s’est enfui quelque part, peut-être en Argentine.

 Ce n’est pas un livre ennuyeux, il est plutôt intéressant. Déjà l’intrigue est palpitante avec des personnages excentriques comme Simei, Maia, Braggadocio. J’ai beaucoup aimé l’humour de l’auteur et plusieurs passages m’ont fait sourire. Cependant j’ai personnellement eu l’impression que l’histoire n’est pas assez exploitée. Beaucoup de parties sont consacrées aux théories du complot que raconte Braggadocio, de telle sorte que cela donne l’impression qu’il s’agit d'une encyclopédie des idées complotistes.

 Certes, j'ai bien aimé ce roman, mais c'était un peu comme un menu sans plat de résistance. L'apéritif était bon, l'entrée était excellente, et tandis que j'attendais le plat de résistance, le dîner a pris fin. Je ne peux m’empêcher de penser que j’aurais dû commencer par « Le Nom de la rose » ou « Le Cimetière de Prague ».

lundi 26 mars 2018

''Sunset Park'' Paul Auster



 Je suis passé devant une librairie. Un livre épais comme un annuaire téléphonique était exposé dans la vitrine. La couverture était la photo d’une foule qui avait l’air ancienne, sur laquelle était imprimé le titre « 4321 ». C’était le dernier roman de Paul Auster. J’ai été étonné qu’il ait écrit un livre aussi épais, et j’ai admiré la couverture un certain moment. Que signifie « 4321 » ? Cela ne semble pas être une date. Le numéro d’un appartement ? Ou s’agit-il d’un code confidentiel ? On le saurait facilement si on cherchait sur Internet, mais pour le moment, je préfère faire durer le plaisir de connaître ce secret jusqu’au jour où je lirai ce livre.

 Puis je me suis souvenu que l’été dernier, une fille aux longues jambes m’avait donné un livre d’Auster. Je ne l’avais pas oublié, mais comme je connaissais déjà le style de cet écrivain, je préférais en découvrir d’autres. J’ai cherché ce livre ‘’Sunset Park’’ et je me suis mis à lire petit à petit.

 C’était il y a environ deux semaines. Hier, je l’ai lu jusqu’à quatre heures du matin et je l’ai enfin terminé. Après avoir lu ‘’Invisible’’, j’étais un peu déçu car cette œuvre ressemblait plus ou moins à ses autres livres. Mais en lisant ‘’Sunset Park’’, j’ai reconnu que l’auteur a réussi à exploiter son univers. À ma connaissance, celui-ci ne ressemble pas à aucune de ses œuvres antérieures.

 C’est l’histoire de plusieurs jeunes qui squattent un appartement abandonné à Sunset Park. Le personnage central est un homme de vingt-huit ans, Miles. Un jour il rencontre une lycéenne qui lit ‘’Great Gatsby’’ assise sur un banc, et ils tombent immédiatement amoureux. Cependant, les circonstances ne leur permettent pas de vivre ensemble, et Miles est obligé de déménager de Floride à New York en laissant sa petite amie. C’est ainsi qu’il se joint aux autres squatteurs de l’appartement. On pourrait dire que Miles est le héros de ce roman, mais en réalité les chapitres après son déménagement sont consacrés à des personnages différents (les autres squatteurs, le père et la mère adoptive de Miles et sa mère naturelle qui est une actrice célèbre).

 La chose qui m’a bien étonné, c’est qu’il s’agit d’un roman sur plusieurs types d'amours. Il fut un temps où j’étais addict de Paul Auster, et que je sache, ce n'est pas un thème que cet écrivain exploite d’ordinaire. De plus, les genres d'amour abordés dans ce roman sont atypiques. Déjà, Miles et sa petite amie lycéenne ont une différence d’âge considérable, ce qui pose certains problèmes dans le récit. Une de ses colocataires, Ellen, a entretenu une relation sexuelle avec un garçon de seize ans quand elle en avait vingt. Elle est finalement tombée enceinte mais sans pouvoir le lui dire, elle a été obligée de le quitter. Un autre colocataire Bing est amoureux de Miles depuis le lycée, mais il sait qu'il a une petite amie et évidemment, il n’arrive pas lui avouer son amour homosexuel.

 Ce n’est peut-être pas le meilleur roman d’Auster, mais je l’ai beaucoup aimé. J’avais l’impression que ce roman allait avoir une fin heureuse jusqu’à ce que je lise le dernier chapitre. Comment ce roman se termine-t-il ? Vous n’avez qu’à le lire.

dimanche 11 mars 2018

''The Man In The High Castle'' (Le Maître du haut château)



 J’ai fini aujourd’hui « The Man In The High Castle » (Le Maître du haut château) de Phillip K Dick. Je pensais à lire ce livre petit à petit tous les jours avant de dormir, mais je voulais vraiment connaître la suite, et finalement, je l’ai lu en une semaine.
 L’histoire se déroule dans un monde où les États-Unis sont divisés en deux, d'un côté l’Allemagne nazie et de l'autre le Japon impérial. Même si ces deux nations se partagent le même territoire, la technologie de l’Allemagne dépasse largement celle du Japon, et ce dernier se sent menacé.

 Les récits de plusieurs personnages se déroulent en même temps, de telle sorte qu’il s’agit plutôt d’un roman polyphonique. L'histoire commence avec la scène où l’antiquaire Robert Childan se préoccupe du retard d'un objet qu'il a commandé. S’il n'arrive pas, il doit rendre visite à l’entrepreneur Nobusuke Tagomi pour lui demander de l’excuser.
 Par la suite, ce Nobusuke Tagomi reçoit la visite d’un homme étrange qui prétend être suédois, Monsieur Baynes.
 D'autre part, Frink Frank est un ouvrier américain viré de son usine. Il vient d’ouvrir une bijouterie avec son ami Ed. Comme il est juif, il vit en cachant sa véritable identité.
 Juliana Frank est l'ex-femme de Frink qui vit dans les montagnes rocheuses en tant que professeure de judo.
 Juliana rencontre un chauffeur de camion italien qui s’appelle Joe Chinadella. Il lui dit qu’il est un ancien militaire qui a combattu en Afrique contre les Alliés.
 À notre époque, un livre qui parle d’un monde où l’Allemagne et le Japon ont perdu contre les Alliés est proscrit par les Nazis. On dit que l'auteur de ce livre intitulé « Le Poids de la sauterelle » mène une vie solitaire dans un ‘’haut château’’. Joe Chinadella, qui en est passionné, propose à Juliana d’aller rencontrer cet écrivain, ''le Maître du haut château''.
 Les personnages de ce livre utilisent souvent une sorte d’oracle chinois quand ils affrontent un problème. Cette coutume semble répandue dans tous les États-Unis, pas seulement parmi les Asiatiques.

 J’avais regardé aussi la série basée sur cette œuvre l’année dernière, et c’est l’une des raisons pour laquelle je voulais essayer le livre. Mais j’ai constaté qu’il y a beaucoup de différences entre l’œuvre originale et la série. Par exemple, dans le roman les personnages qui sont très importants dans la série n'apparaissent pas comme le lieutenant Kido et ‘’ SS Obergruppenführer’’ John Smith. De plus, il n’y a pas de livre intitulé « Le Poids de la sauterelle », en revanche, il existe des films sur un monde alternatif où les Alliés sont vainqueurs. Dans le roman Hitler est déjà à la retraite depuis longtemps et le premier ministre est Martin Bormann. Dans la série, Hitler est malade, mais toujours au pouvoir.

 Les Japonais qui ont souvent un tempérament violent et cruel dans la série sont décrits plus positivement dans le roman. Je dirais même qu’ils sont plus ou moins embellis. En revanche, les Américains sont serviles et moroses. Ce contraste se voit par exemple dans l’entretien du couple japonais les Kasoura et l’antiquaire Childan. Tandis que le mari, Paul Kasoura est quelqu’un de sophistiqué, de cultivé, amateur de jazz de la Nouvelle Orléans, Childan est à la fois complexé et fier de sa nation. Il se dit dans sa tête qu'il dédaigne ‘’la musique des nègres’’ et ‘’les jaunes’’.

 La véracité est un thème important dans ce roman. Il y a un passage où le président de l’entreprise où travaillait Frink, Wyndam Maston explique à une jeune femme, Rita, sur l’authenticité d’un objet antique.
‘’— Tu ne sens donc pas ? dit-il sur le ton de la plaisanterie. L’historicité ? 
— Qu’est-ce que c’est que ça, l’historicité ? 
— On dit cela d’une chose qui contient quelque chose appartenant à l’Histoire. Écoute. L’un de ces briquets Zippo se trouvait dans la poche de Franklin D. Roosevelt quand il a été assassiné. Et l’autre n’y était pas. L’un a de l’historicité à un point terrible ! Autant qu’un objet a pu jamais en contenir. Et l’autre n’a rien. Tu le sens ? (Il lui donna un coup de coude.) Non ? Tu ne vois aucune différence. Il n’y a pas de « présence plasmique mystique » ni d’« aura » autour de cet objet ?’’ 
 Cette question sur les briquets s’applique aussi aux deux mondes, l’un où les États-Unis sont gagnants, l’autre où ils sont perdants.
 De plus, certains personnages ont aussi une fausse identité. Frink a changé son nom pour cacher son origine juive. Monsieur Bayens que Monsieur Tagomi reçoit n’est en réalité pas un entrepreneur suédois, mais un officier nazi qui lui rend visite en secret pour lui donner une information confidentielle. Et Joe Chinadella, un homme avec des traits méditerranéens n’est évidemment pas un simple chauffeur de camion.
 À la fin de l’histoire, l’auteur de « Le Poids de la sauterelle », Abendsen dit à Juliana que c’est l’oracle qui a écrit ce livre pour faire surgir la vérité intérieure. Juliane se demande si lequel est vrai, le monde auquel elle appartient ou le monde qu'a écrit Abendsen dans son ouvrage.

 Une petite parenthèse sans importance : J’imagine que Phillip K Dick n’avait pas d’amis japonais, et en 1962, lorsque ce roman a paru, il n'y avait pas encore Google. Je le dis car les noms des personnages japonais sont tous un peu étranges. « Tagami » existe comme nom de famille, mais pas « Tagomi ». De la même manière, « Kajiura » existe, mais pas « Kasoura ». Dans la série, ça se voit qu’ils ont recruté des acteurs d’origine japonaise, mais leur langue n’est pas très naturelle, sauf celle de Betty Kasoura dont l'actrice est probablement native.

lundi 22 janvier 2018

''Les Gommes'' Alain Robbe-Grillet


 J’avais entendu dire que les livres du ‘’nouveau roman’’ étaient difficiles. Personnellement j’ai trouvé que ’’Les gommes’’ d’Alain Robbe-Grillet était si intéressant que je n’ai pas pu m’empêcher de lire toute la nuit.
 Quelqu'un a écrit que ce roman n’avait pas d’intrigue. Au contraire, j’ai eu l’impression que la composition de cette œuvre est solidement élaborée.

 Normalement dans les romans policiers, le héros cherche quelque chose. Dans ce récit aussi, le protagoniste, le jeune inspecteur Wallas essaie d’éclaircir une affaire louche. Il trouve quelques indices. Toutefois, on n’a pas l’impression qu’il approche de la vérité. Il erre dans de mêmes rues : il croise les mêmes personnes : il entre plusieurs fois dans des papeteries pour acheter la gomme d’une marque particulière mais il ne la trouve pas : on lui dit que le louche suspect présumé lui ressemble beaucoup physiquement et un ivrogne lui pose des devinettes sans réponse dans un bar. Des épisodes semblables se répètent comme des motifs dans une composition de musique classique. Mais le récit avance en changeant petit à petit la sonorité des motifs répétitifs. Le héros s’implique de plus en plus dans cette affaire sans s’en rendre compte.
L’écriture n’a rien de compliqué. Elle est simple et descriptive. Il n'y a presque pas d’analyse psychologique des personnages. Parfois on a même l’impression de lire un rapport scientifique.

 Une histoire générale avance d'un point A à un point B tel le courant de la rivière. Il y a un héros qui rencontre tel ou tel personnage il fait ceci ou cela et l’histoire se termine. Dans ‘’les gommes’’, plusieurs dimensions, comme des escaliers, s’entremêlent horizontalement et verticalement. En les suivant, le lecteur perd le sens de l'orientation mais il approche peu à peu du sommet. Je pense que c’est ce qui donne l’impression aux gens que c’est un roman difficile, bien que tous les aspects de l’affaire soient précisés depuis le début.

 La gomme semble être un objet symbolique, puisque beaucoup de choses disparaissent dans ce livre. La gomme que le héros recherche, le cadavre de la victime, les bonnes réponses aux devinettes que pose l’ivrogne, le sosie du héros et l’auteur du crime, où sont-ils ? D’ailleurs, on ne sait pas trop pourquoi Wallas veut cette gomme. Ce n’est qu’une gomme… Après avoir tourné la dernière page de l’épilogue, j’ai eu l’impression que la gomme avait effacé quelque chose d’important de ma mémoire.

vendredi 12 janvier 2018

''Novel 11, Book 18'' Dag Solstad


 C’est un livre très étrange. D’abord, le titre est étrange. D’après la postface du traducteur, Haruki Murakami (oui, le romancier japonais le plus célèbre au monde est aussi connu comme traducteur), « Novel 11, Book 18 » signifie ‘’le onzième roman, le dix-huitième ouvrage’’ de l’auteur. C’est comme « Huit et demi » de Fellini. Il signifie ‘’le huitième film et trois co-réalisations considérés comme des demi-films’’ du cinéaste.

 Dans la postface, Haruki Murakami explique sa découverte de ce livre. En 2010, une association culturelle qui s’appelle ‘’La maison de la littérature’’ l’a invité à séjourner à Oslo. « Si vous être d’accord pour faire une lecture à haute voix, vous pourrez rester à Oslo autant que vous voudrez. Nous avons une chambre dans le bâtiment de ‘’La maison de la littérature’’ », lui ont-ils dit. L’écrivain a décidé d’y rester un mois et il a profité de cette occasion pour voyager en Suède. Dans une librairie de l’aéroport d’Oslo, il a découvert ce livre au titre étrange.

 L’histoire raconte essentiellement la vie quotidienne d’un homme d’un certain âge, un haut fonctionnaire qui vit avec sa femme et un enfant de deux ans. Il rencontre une femme séduisante et il abandonne sa famille pour vivre avec elle. Il déménage à la villa que possède sa petite amie, il y trouve un travail de percepteur et sa nouvelle vie commence. Jusqu’ici, il n’y a rien d’étrange. C’est le genre d'histoire qu’on peut trouver dans d’autres livres ou films. Ce qui la rend intéressante, c’est l’écriture singulière de l’auteur norvégien, Dag Solstad. Elle est sobre, sèche et logique, il n’y a ni plus ni moins. Elle me fait penser à un dédale en béton. Une fois perdu dans cette écriture labyrinthique, le lecteur ne peut s'empêcher de tourner la page.

 Plus tard, le héros se sépare de sa copine et il commence à vivre seul. Et son fils, qu’il n’avait pas vu depuis longtemps déménage dans sa ville pour faire ses études d’optique et il propose à son père de vivre ensemble. La plastique de ces deux personnages vus par le héros a quelque chose de si réel qu’ils m’ont semblé même grotesque alors qu’ils sont décrits de manière simple. Solstad est capable d’écrire la psychologie des personnages comme s’il enlevait les pattes d’un insecte une après une.

 Pendant que je lisais ce roman, j’ai pensé que le style de cet écrivain a quelque chose de similaire avec Thomas Bernhard que j’ai étudié dans un cours. La description du paysage est restreinte. L’écriture est solide et répétitive, et de mon point de vue personnel, aucun personnage ne permet au lecteur de s'identifier. Nous observons le monde de ce roman, la ville de Kongsberg comme à travers un microscope.

 Il semble que « Honte et dignité » soit le seul livre de Dag Solstad traduit en français. Et ce « Novel 11, Book 18 » est actuellement son seul roman traduit en japonais. 

mercredi 10 janvier 2018

''Une existence tranquille'' Kenzaburô Ôé


 ‘’Une existence tranquille’’ de Kenzaburo Oe est l’histoire d’une famille japonaise. Le père appelé K est un écrivain. Il subit ‘’une crise’’ qui a commencé depuis qu'il a échoué à réparer les égouts de sa maison, et il part en Californie en tant que ''writer in residence'' avec sa femme en laissant ses enfants au Japon.
 La fille aînée s’appelle Mâ. Elle est étudiante en littérature française. Elle est sérieuse, gentille et sensible. Le fils aîné est appelé Eoyore. Il souffre d'un handicap mental, mais il a des talents de compositeur. Le fils cadet O, caractérisé par son sang-froid, prépare son concours d’entrée à l’université pour l’année suivante. Ils sont tous appelés par leurs surnoms, et on ne connait pas leurs vrais prénoms sauf celui d’Eoyore, Hikari, le même prénom que le fils handicapé mental de l’auteur.
 Pendant l’absence de leurs parents, ils doivent garder la maison si bien que l’histoire décrit leur vie quotidienne la plupart du temps. Toutefois, on ne sait pas vraiment s’ils mènent ‘’une existence tranquille’’. Ce titre me semble paradoxal, puisque l’héroïne Mâ vit plusieurs expériences périlleuses : elle rencontre un satyre attaquer une fillette, un personnage se fait casser les clavicules, un autre personnage se fait agresser si violemment qu'il est défiguré. Dans le bus, une jolie lycéenne insulte son frère handicapé. Et vers la fin du récit, Mâ subit un incident grave que l'on ne peut vraiment pas qualifier de ''tranquille''. 
 Ce livre me semble être basé sur une tension extrême comme un numéro de funambule. L’histoire est tendue entre la vie quotidienne d’une famille et le monde obscur où règnent la froideur de la société, la discrimination et la violence.
J’ai personnellement aimé le passage où Mâ exprime son opinion sur ‘’Rigodon’’ de Céline, autours duquel elle souhaite rédiger son mémoire.

« Céline ? Une jeune fille de bonne famille qui ne sait rien de la vie feindrait-elle une adorable fascination pour le mal ? »Ce à quoi je répondais, fuyante :« Plutôt que Céline, j’aime les chats, alors je pense relever les expressions qui les concernent ».
  «…nos petits crétins eux sont placés, ils ont plus à s’occuper de nous, suédois qu’ils sont, baveux, muets, sourds… je pense là à eux, trente ans plus tard, s’ils vivent toujours foutre qu’ils sont grands l’heure actuelle, là-haut…aussi peut-être qu’ils ne bavent plus, qu’ils entendent très bien, absolument rééduqués…des vioques rien à espérer n’est-ce pas ? mais des mômes, tout… » Je suis bien incapable de critiquer un style en français, mais j’aime la manière d’écrire de Céline qui, contrairement à ce que j’imaginais au départ, traite avec légèreté, sans fioritures, les questions graves. 
 Je n’ai jamais lu ‘’Rigodon’’, mais ce livre d’Oe m’a donné envie d'essayer. En outre, j’ai trouvé que la personnalité et la manière de parler de Mâ ressemblent à celles de Pauline. Elles sont toutes les deux étudiantes en littérature française et aiment les chats. Je lui ai donc envoyé quelques extraits. Elle m’a dit : « Tu trouves ? J’ai déjà entendu parler de ce livre. C’est d’Oe, pas vrai ? ». Mâ est préoccupée par sa tête en forme de petit ballon, tandis que celle de Pauline n’est pas ronde.

 Ce roman a été adapté au cinéma par Jyûzo Itami en 1995 avec la musique de Hikari Oe en personne, néanmoins il reste plutôt enseveli parmi les films de ce cinéaste.

mardi 9 janvier 2018

Si un livre était un plat


 Si un livre était un plat, je pense que ‘’Le monde selon Garp’’ de John Irving ressemblerait à ‘’un ragoût plein d’ingrédients et trop cuit’’. Du moins, c’est mon opinion personnelle.

 J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque parce que j’ai tellement aimé son premier livre ‘’Liberté pour les ours !’’ que j'ai eu envie de lui décerner le prix de L'ourson Talleyrand, et en plus, j’avais lu que ce livre est réputé comme le meilleur livre de l’auteur. D’un point de vue global, je regrette de dire que j’en suis plutôt déçu. Notamment la première partie est parsemée de trop d’épisodes qui me semblent aléatoires et superfétatoires. Étant donné que le protagoniste S.T. Garp est un écrivain, ses trois nouvelles sont inclues dans ce roman. Le problème, c’est qu’elles sont toutes si prolixes et ennuyeuses que j’ai pensé à abandonner la lecture. 

 Certes, j’ai apprécié l’imagination extravagante de l’auteur et quelques épisodes (celui avec la prostituée viennoise et celui de la femme de ménage dans la maison d’édition), mais elle n’était pas suffisante pour m’émouvoir autant que son premier livre.

 Par curiosité, j’ai lu les commentaires sur ce livre et ‘’Liberté pour les ours’’. J’ai découvert que le premier est très estimé tandis que le dernier, beaucoup moins. Je me demande avec inquiétude si ma sensibilité n'est pas trop décalée par rapport à l'opinion générale, parce que le ragoût qu'est cette longue histoire n'a honnêtement pas plu à ma langue.