lundi 29 octobre 2018

''L'Avortement'' de Richard Brautigan


 J’aimerais présenter l’un de mes livres préférés, « L’Avortement » de Richard Brautigan.
 Richard Brautigan est un écrivain américain né en 1935. Il était très populaire et aussi l’un des écrivains les plus importants de la Beat Generation dans les années 70. Il a écrit au total de nombreux poèmes et douze romans dont le plus connu « La Pêche à la truite en Amérique » est devenu un best-seller. Cependant, une fois retombée l’effervescence du mouvement hippie, l’écrivain a très vite été oublié. Le 25 octobre 1984, on a découvert le corps en décomposition de Brautigan qui s’était suicidé avec un revolver Smith & Wesson de calibre 44. On ignore la date exacte de sa mort, mais comme des voisins témoignent qu’ils ont entendu un coup de feu pendant qu’ils regardaient à la télé un match de football américain le dimanche 16 septembre, il est supposé que l'écrivain est mort ce jour-là.
 Voici, l’intrigue de « L’Avortement ». Le héros dont on ignore le nom travaille dans une bibliothèque, mais ce n’est pas une bibliothèque ordinaire. C’est une bibliothèque où n’importe qui peut venir déposer les livres qu’il a écrits. Certains apportent leurs livres qu’ils n’ont pas pu publier. D’autres apportent leur autobiographie. Même Richard Brautigan en personne vient déposer son livre. Le travail principal du bibliothécaire est d’enregistrer les livres, le nom de leurs auteurs, et de ranger les ouvrages dans les étagères. Le bibliothécaire précédent a démissionné parce qu’il avait peur des enfants.
 Un jour, Vida, une femme incroyablement belle et sensuelle vient à la bibliothèque pour déposer son autobiographie dans laquelle elle décrit les souffrances d’être dans son corps. Son physique est si attrayant que tous les hommes la contemplent dans la rue et qu’une fois, un homme, incapable de la quitter des yeux, a causé un accident et en est mort. Vida dit que son corps n’est pas fait pour elle et qu’elle aurait dû naître dans le corps modeste de sa sœur, et sa sœur dans le sien.
 Le héros et Vida tombent amoureux et commencent à vivre dans la bibliothèque. Un jour, il se révèle que Vida est enceinte. Ni le héros ni Vida ne sont prêts à être parents. Ils confient le travail de bibliothécaire à un ami, et essaient de se rendre au Mexique, afin de faire avorter illégalement Vida.
 L’univers de Brautigan est humoristique et surréaliste, mais très sombre. Son style succinct et ses métaphores singulières ont beaucoup influencé Haruki Murakami dans sa jeunesse. Vida pourra-t-elle se faire avorter et pourront-ils revenir à la bibliothèque ? À vous de le lire.

vendredi 26 octobre 2018

Les vacances idéales


 On m’a demandé ce que je ferais pendant les vacances de la Toussaint. Ce ne sont que des vacances d’une semaine, et malheureusement, j’ai beaucoup de choses à faire. Lire quelques livres pour des cours, regarder « Gundam Wing », faire mes devoirs, regarder « Gundam Wing », préparer mon exposé, regarder « Gundam Wing » etc. J’ai pris la ferme décision de ne jamais sortir de chez moi pendant les vacances et je vais regarder tous les épisodes de « Gundam Wing ». De plus, comme je regarde cette série avec des sous-titres français, ce peut être considéré comme un exercice de français. Si je sors tous les jours, mon esprit s’épuise, mon QI baisse progressivement et je deviens inactif. Si je reste enfermé dans ma chambre, je peux retrouver mes forces, et je deviens de plus en plus actif. Éventuellement, j’apprécie discuter avec des gens, mais rien n’est plus amusant que de m’enfermer chez moi et de ne pas voir entendre pendant plusieurs jours de masses de chair qui parlent.

jeudi 25 octobre 2018

Le cours de japonais


 Aujourd’hui, je me suis introduit pour la première fois dans un cours de japonais qui m’intéressait un peu. À part moi, il y avait trois ou quatre Japonais. Le professeur nous a montré une vidéo dans laquelle une jeune Allemande qui a immigré au Japon parlait en japonais de sa vie quotidienne. C’est dommage que les Français n’aient pas beaucoup parlé en japonais pendant le cours, car je suis amateur du japonais maladroit des Français. Lorsqu’un Français dit quelque chose dans cette langue, j’ai l’impression que c’est un bébé qui parle, et c’est trop mignon. Même si c’est un homme barbu de deux mètres, j’ai envie de le caresser et lui donner du lait. Je me suis présenté un peu au professeur. Le cours était plutôt intéressant, du moins plus divertissant que la plupart de mes cours, mais au bout d’un moment, je me suis demandé pourquoi j’étais là, , et pourquoi j’existais et vivais. Je n’ai rien contre la culture japonaise, mais je suis toujours critique envers la société japonaise. Plus tard, quand une personne m’a demandé ce que j’aimais au Japon, je lui ai répondu « Gundam ». Enfin, Gundam, Haruki Murakami, et les sushis. Ils me font plaisir.

mercredi 24 octobre 2018

L'écriture des filles


 Monsieur G. un fonctionnaire français, grand amateur de filles, particulièrement de filles asiatiques, que j’admire pour sa prose singulière et talentueuse en japonais, et qui m’a aussi plus ou moins influencé de façon négative ou positive, exprime dans un article son envie de collectionner les signatures de jeunes filles. Il voudrait les collectionner pour une raison assez tragique. Bien qu’il adore les filles et qu’il y songe tout le temps et malgré ses multiples tentatives d’avoir une jeune fille comme petite amie, il n’a pas réussi une seule fois. Il est repoussé par les femmes si terriblement que même les femmes pour qui il tient la porte ne lui disent jamais « Merci ». En lisant à plusieurs reprises son livre favori, « Les Belles endormies » de Yasunari Kawabata, son désir s’est accru d’une façon si étrange qu’il a finalement eu l’idée de récolter des signatures de jeunes filles, car même si on n'arrive pas à avoir une jeune fille comme petite amie, il est encore possible d'avoir sa signature. Jusqu’à ce que je lise son article, je n’avais jamais prêté attention aux écritures des filles. Contrairement à Monsieur G., les lignes courbes et sautillantes tracées par la main d’une fille ne suscitent aucune émotion chez moi. Cependant, je trouve intéressante cette idée de collectionner des signatures des filles dans un agenda. J’ai imaginé de nombreuses écritures de filles différentes des unes des autres, juxtaposées dans mon petit cahier. Chaque tic fait partie de leur personnalité. C’est comme si on les possédait dans une cage. Mais comment pourra-t-on demander à des filles d’écrire leurs noms dans son agenda ? Je me pose aussi cette question que Monsieur G. se pose lui-même. J’ai laissé un commentaire en guise de plaisanterie, en disant : « Va-t-on faire une compétition ? Toi et moi, qui aura le plus de signatures de filles ? ». « C’est injuste, tu as déjà quelques amies », m’a-t-il dit. Cette réponse triste m'a fait verser une larme. Je n’ai pas répondu. Quelques heures plus tard, il a mis un nouveau commentaire : « Et si on collaborait, plutôt ? lol ». Il avait mis « lol », mais ce « lol » qui est apparu soudain montrait qu’il était sérieux. En définitive, je n'arrive pas à m'intéresser ni à l’écriture des filles ni aux crayons qu’elles ont utilisés. J’éprouve un sentiment de défaite inexplicable.

Le goût du thé


 Je mange souvent dehors, assis sur un banc, en regardant distraitement les passants. Aujourd’hui, comme il faisait un peu froid, j’ai mangé un sandwich à la cafétéria du Patio. Il y avait beaucoup de cornichons à l’intérieur et j’ai dû les enlever avant de le manger. Quelques instants plus tard, des filles se sont assises à ma table. L’une d’entre elle a sorti un cahier et un stylo et s’est mise à écrire une sorte de lettre. Au bout d’un moment, sa main s’est immobilisée. En regardant son œuvre d’un air intrigué, elle a demandé à ses amies « Quand n écrit verticalement en japonais, où on met la virgule ? ». Où on met la virgule lorsqu’on écrit verticalement en japonais ? Je ne m’étais jamais posé cette question. J’étais assez curieux de la conclusion à laquelle arriveraient les trois weaboo. Après avoir réfléchi un instant, une des filles qui portait des lunettes a dit qu’on met la virgule à droite. Elle semblait respectée par les autres. Elle avait peut-être un niveau plus élevé ou avait déjà séjourné au prétendu pays du soleil levant. « En haut ou en bas ? », a demandé l’auteur de la lettre. Les trois otakus se sont tues devant cette question métaphysique. J’ai eu envie de leur proposer : « Et si on mettait la virgule à droite, au milieu ? Comme ça, elle ne serait ni en haut ni en bas ! ». L’instant suivant, la fille à lunettes a eu une révélation divine. Elle a proposé à tout le monde de voir un document en japonais sur Internet. Les autres ont acquiescé.
 J’ai terminé mon sandwich. Je me suis levé et je suis parti. La prochaine fois, je mangerai peut-être dehors, assis sur un banc, en regardant distraitement les passants.

mardi 23 octobre 2018

Mobile Suit Gundam


 Je dois faire une production écrite pour le cours de français. Le sujet est libre, mais comme je manque d’idées récemment, je vais essayer de présenter ma série d’animation préférée, « The Mobile Suit Gundam ».
 « The Mobile Suit Gundam » a été créé en 1979 par le réalisateur Yoshiyuki Tomino. Avant le « Gundam », des animations qui avaient pour thème des robots géants existaient déjà. Cependant, ces œuvres (« Mazinger Z », « Getter Robo », « Tetsujin 28-gô » etc.) s’adressaient surtout aux enfants, tandis que « Gundam », avec son scénario plus proche de la science-fiction et réaliste, visait des spectateurs plus âgés comme les collégiens ou les lycéens. À cette époque-là, les entreprises de jouets finançaient les studios d’animation en tant que sponsor afin de vendre leurs produits. « Gundam » n’était pas une exception. C’était une entreprise de jouet appelée « Clover » qui finançait le studio d’animation Sunrise, encore petit à l’époque.
 Le « premier Gundam » parle d’un avenir lointain, où bon nombre d’humains vivent dans des colonies spatiales, et ceux qui habitent sur la terre sont le plus souvent des élites. La plupart des spacenoïdes, c’est-à-dire, ceux qui vivent dans l’espace, sont des gens expulsés de la terre afin de régler le problème de surpopulation. Un jour, une des colonies spatiales du Side 3, la principauté de Zeon déclare la guerre contre le gouvernement terrien et réclame leur indépendance. (Cette guerre sera appelée plus tard la « Guerre d’un an » car elle a duré environ un an). Six mois après cette déclaration, la population de la terre diminue de moitié, et le gouvernement terrien et le Zeon se trouvent dans un état stationnaire.
 Un garçon qui vit dans la colonie neutre du Side 7, Amuro Ray pilote par hasard le Gundam RX78-02 et réussit à vaincre deux Zaku (mobiles suits du Zeon). Toutefois, les dégâts causés par le Zeon sont immenses. La colonie est gravement endommagée. Amuro est obligé de monter dans un vaisseau spatial (le White Base) avec quelques-uns de ses amis et les réfugiés du Side 7. Peu après, le capitaine du White Base, Paolo, succombe à sa blessure. Avant de mourir, il en confie le commandement au nouvel officier Bright Noa. Le White Base essaie de rejoindre Jaburo d’Amérique du sud où se trouve le siège de l’armée fédérale terrienne. Toutefois, à cause de la ruse du jeune officier du Zeon, surnommé « Commette rouge », Char Aznable, le White Base tombe en Amérique du nord, occupée par le Zeon…
 Ce n’est que le début de l’histoire, mais ici, on voit déjà combien le « Gundam » est réaliste. Ceux qui sont obligés de vivre dans l’espace parce que la terre est surpeuplée, me font penser à la crise migratoire qui préoccupe l’Union européenne depuis quelques années. De plus, l’être humain est profondément décrit dans l’animé, ce qui n’était pas le cas avant « Gundam ». L’un des épisodes dont je me souviens le mieux est celui où les réfugiés prennent des otages dans le White Base pour descendre sur Terre, au beau milieu du territoire du Zeon. Dans un autre épisode, un réfugié qui est un homme âgé, vole en cachette le pain d’un petit enfant. Évidemment, ce n’est qu’un détail ; ce n’est qu’une scène qui ne dure peut-être même pas cinq secondes, mais c’est ce petit détail qui donne une profondeur au récit. J’aime également l’épisode dans lequel Amuro dit au revoir à sa mère dans un camp de réfugié. Pendant son séjour sur Terre, Amuro rencontre par hasard sa mère qu’il n’avait pas vue depuis longtemps, et qui vit maintenant dans un camp de réfugiés. Ils se réjouissent de leurs retrouvailles dans un hôpital provisoire. À ce moment-là, deux soldats du Zeon y entrent et disent : « Est-ce qu’il y a quelqu’un qui a vu un soldat de l’armée fédérale ? ». Amuro est caché sur une couverture. Sa mère dit aux soldats du Zeon qu’il n’y a rien. Les deux hommes essaient de débrasser la couverture, et Amuro tire dessus. En regardant les soldats du Zeon blessés par la balle, la mère d’Amuro dit : « Tu tires sur des gens. Ils doivent eux aussi avoir une famille ». Ainsi, il n’y a pas vraiment de distinction entre les méchants et les héros dans « Gundam », comme dans la guerre réelle.
 Toutefois, au début, « Gundam » était impopulaire. Le contenu était trop difficile à comprendre pour les petits enfants. Il était si impopulaire que l’entreprise du sponsor est tombée en faillite. Ils avaient prévu de produire cinquante épisodes, mais ont été obligés d'interrompre la série. Le quarante-troisième épisode « Évasion » a été le dernier épisode du « premier Gundam ».
 C’était par la rediffusion que « Gundam » est devenu populaire. À ce moment-là, la série a réussi à capter l'attention de spectateurs, comme des collégiens, des lycéens ou des étudiants. La réputation s’est faite via la bouche à oreille. Vers la fin de 1979, Bandai a obtenu le droit de produire des maquettes plastiques du « Gundam ». Ces produits appelés plus tard « Gunpla » ont connu un succès effrayant. De nouveaux produits sont fabriqués aujourd’hui encore.
 Yoshiyuki Tomino dit qu’il a été inspiré par « Deux ans de vacances » de Jules Verne. Il était aussi un grand fan de Charles Aznavour, d’où vient le nom du personnage « Char Aznable ». Et les uniformes de l’armée fédérale de la Terre sont inspirés de ceux de l’armée française à l’époque de Napoléon.


''J'écris toujours des romans....." Haruki Murakami


 Ça fait déjà plus de trente ans que je vis de ma plume, mais je ne fréquente pas d’autres écrivains. J’ai des relations avec des gens d’autres milieux, comme des photographes, des peintres ou des musiciens. Cependant, je n’ai pas beaucoup de liens avec les gens du monde littéraire.
 Je me demande pourquoi. Je pense que c’est parce que je n’ai pas gardé de bons souvenirs des gens de ma profession que j’avais rencontrés quand j’étais encore jeune. Bien entendu, il y avait des gens plaisants, mais il semble que les expériences déplaisantes qu’on voudrait éviter de se rappeler, restent gravées plus profondément dans l’esprit des hommes.
 J’ai rencontré aussi un bon nombre d’écrivains étrangers dont quelques-uns étaient décevants. En effet, les romanciers sont plutôt des gens difficiles. Mais si c’est un écrivain qu’on aime bien depuis longtemps, la déception est quand même profonde. On perd aussi l’envie de lire ses livres.
 Ainsi, le sentiment que « les romanciers sont ennuyeux » s’est enraciné en moi, et j’ai pris l’habitude de ne pas les fréquenter. Je ne vais ni aux soirées du monde littéraire ni aux bars fréquentés par des gens de ce milieu. Je n’ai jamais mis le pied au « Golden Gai ».
 Mais la raison la plus importante pour laquelle je n’ai pas beaucoup de relations avec des gens de ma profession, c’est que je ne me suis pas vraiment habitué au fait que je sois romancier.
 Je n’avais jamais écrit jusqu’à mes vingt-neuf ans et je vivais de travaux physiques. Un jour, je me suis dit : « Hop ! je vais écrire un roman ». Installé sur la table de la cuisine, j’ai écrit quelque chose qui ressemblait à un petit roman. Par hasard, ce roman a reçu le prix des nouveaux arrivants. Sans même comprendre ce qui m’arrivait, je suis devenu ce qu’on appelle « écrivain ».
 Donc, même trente ans passés, je me sens toujours gêné d’être « écrivain ». J’aime beaucoup écrire des romans. Je suis certain que c’est ma vocation, mais je me sens toujours mal à l’aise avec le titre de l’écrivain et son statut social.
 Il arrive que je discute agréablement avec un jeune critique et qu’il me dise : « Au fait, vos romans sont pénétrants. Je les adore ». En lisant le magazine du mois suivant, la même personne écrit : « Tous les romans de Haruki Murakami sont ridicules et il n’a aucune ambition ni talent ». C’est juste un exemple, mais si ce genre de choses arrive, c’est normal de se demander : « Dans quel monde suis-je ? ». En bref, c’est un monde comme ça, et ce n’est pas quelque chose que j’apprécie beaucoup. Je dis tout ce que je veux dire à haute voix, sinon je me tais.
 Au fait, il y a une chose que je trouve étrange. Depuis quand a-t-on commencé à appeler les écrivains « sakka-san (Monsieur l’écrivain) » ? Avant, personne ne disait ça. La sonorité nonchalante de ce mot me rappelle « Monsieur le marchand de légumes » ou « Monsieur le poissonnier ». Si on m’appelle ainsi, ça me donne envie de le saluer en me frottant les mains.

 Les mots de Murakami de la semaine : Monsieur Kazuo Ishiguro est un écrivain très sympathique.

samedi 20 octobre 2018

FLE (5)


 Pendant le cours de FLE, le Coréen m’a donné « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » de Harper Lee et « Gatsby le magnifique » de Fitzgerald. J’avais déjà lu ce dernier en anglais, mais jamais en français. Il a de bons goûts en littérature. De plus, il est gentil et plus intelligent que moi.
 Pendant l’exercice appelé « Revue de presse », chaque étudiant fait un exposé sur un article de journal qu’il a choisi devant tout le monde. Comme j’avais séché cet exercice deux fois, c’était mon premier jour de « Revue de presse ». Je me suis déplacé dans une salle vide avec mon enseignante, une Allemande et une Espagnole. D’abord, l’Allemande a présenté son article sur le service de location de vélos. Dès qu’elle a eu terminé son bref exposé, tout le monde a fait des commentaires. Je n’avais pas grand-chose à en dire. Ensuite, l’Espagnole a parlé, un sourire aux lèvres, d’une fusillade qui avait eu lieu en Russie dans une école. Un garçon de dix-huit ans s’est suicidé dans la bibliothèque après avoir massacré avec un kalachnikov environ vingt élèves et professeurs. À cause d’elle, j’ai dû faire mon exposé dans une atmosphère de veillée funèbre L’article que j’avais trouvé dans Le Monde s’intitulait « Le combat quasi perdu de la francophonie dans la culture Internet ». En bref, cet article disait que l’anglais et le japonais étaient la source principale de la culture Internet et que le français n’occupait que peu de place malgré son nombre considérable de locuteurs. Par exemple, sur Twitter, seul deux pour-cent de tweets sont en français, tandis que trente-quatre pour-cent sont en anglais, et seize pour-cent en japonais. J’ai aussi un compte Twitter. Aujourd’hui, j’ai ‘’tweeté’’ « Je ne pourrai pas être prêtre car je ne suis pas pédophile. Dommage ». J’avais choisi cet article parce que j’étais attiré par le titre. Je ne m’attendais pas à ce qu'il y soit question du Japon. Devant mon public, j’ai cité quelques exemples de mots anglais et japonais incrustés mondialement dans la culture Internet. Les mots venant de l’anglais sont nombreux, « E-mail », « Web », « Smiley », « Like », « Geek » etc. Mais il y a aussi des mots japonais qui font concurrence à la terminologie anglophone, « otaku », « emoji », « hentai ». Je n’ai quand même pas osé prononcer le mot « hentai » en classe. Il est en fait étrange qu’autant de culture Internet viennent d’un petit archipel comme le Japon.
 Mon enseignante m’a dit qu’elle ne savait pas que le mot « emoji » était japonais et m’a demandé sa signification. Je lui ai dit que « e » signifie « dessin, illustration » et « moji » signifie « caractère, lettre ». Ensuite, elle a demandé à l’Allemande et à l’Espagnole de me regarder, parce que je serais sans doute l’un des derniers Japonais. Elle avait en fait lu un article selon lequel la population japonaise diminuait d’une vitesse incroyable à la vitesse d’un TGV et que les Japonais disparaîtraient dans une centaine d’années. L’Allemande a fait remarquer que le français n’a pas beaucoup d’influence sur Internet car les Français ont une vraie vie. J’ai pensé à ma vie. Je n’avais pas de vraie vie. J’étais un hikikomori. Je n’ai que peu d’amis. Je parle à une peluche. Au lieu de chercher une copine, je cherche des maquettes de Gundam. Ensuite, l’Aryenne m’a demandé si je ne voulais pas me marier. Je peux m’imaginer me pendant, mais pas m’occupant d’un bébé et d’une femme. Si j’habite avec quelqu’un, je finirai très probablement par aller en prison. Les Japonais disparaîtront sûrement comme ils en sont conscients depuis l’époque du « Dit de Heiké » : « Du monastère de Gion le son de la cloche, de l’impermanence de toutes choses est la résonance. Des arbres “shara” la couleur des fleurs démontre que tout ce qui prospère nécessairement déchoit. L’orgueilleux certes ne dure, tout juste pareil au songe d’une nuit de printemps. L’homme valeureux de même finit par s’écrouler, ni plus ni moins que poussière au vent. »

jeudi 18 octobre 2018

Sauce blanche


 J’ai sorti ma gourde de mon sac à dos et je me suis rendu compte qu’un liquide blanchâtre et onctueux était collé sur le fond. Je l’ai léché. C’était bon. Ce goût me rappelait quelque chose. J’ai réfléchi un court instant, et je me suis rappelé que c’était la sauce blanche de McDonald’s. Je me suis demandé pourquoi de la sauce blanche s’était collée sur ma gourde en aluminium. J’ai rouvert mon sac à dos. Cette fois, j’ai découvert que le sachet de sauce était troué et son contenu s’était répandu dans mon sac à dos. Une odeur acide en sortait. C’est une illusion, me suis-je dit. Il n’y avait pas de sauce. J’ai ouvert mon cahier et essayé de me concentrer sur le cours. Quelques instants plus tard, j’ai rouvert mon sac à dos. Le même paysage s’étendait devant moi. De la sauce blanche éparpillée sur le tissu noir.
 En effet, la semaine dernière, j’étais allé chez McDonald’s et j’avais acheté un double cheese burger et des nuggets. À ce moment-là, on m’avait donné de la sauce barbecue et de la sauce blanche. Sans ouvrir le sachet de sauce blanche, je l’avais mis dans mon sac à dos et je l’avais complètement oublié jusqu’à ce qu’il éclate à mon insu. Cet attentat suicidaire était franchement raté, parce que j’avais mis le terroriste dans la petite poche de mon sac à dos dans laquelle ne se trouvait que ma gourde. La sécurité de mes cahiers, ma trousse et du dictionnaire électrique qu’on m’avait offert pour mon anniversaire lorsque j’avais commencé le français, a été immédiatement confirmée. Ma gourde est en aluminium, de sorte qu’on pouvait facilement essuyer la sauce.
 Si vous allez au McDonald’s, il ne faut pas mettre la sauce dans votre sac.

FLE (4)


 Aujourd'hui, je suis allé à la salle 409 du Portique pour remettre mon contrat pédagogique. C’était la même salle que l’année dernière. Aujourd’hui, quelques enseignantes rangeaient les tables et préparaient des gâteaux et du thé. J’étais ému qu’elles aient préparé tout cela juste pour m’accueillir. Perplexe, j’ai dit à une enseignante que je connaissais que j’étais venu rendre mon contrat pédagogique. « C’est pour la mobilité internationale ? Pour étudier à l’étranger ? m’a-t-elle dit. – Non, pas du tout. On nous a dit d'écrire les codes des cours qu’on a choisis sur le contrat et de le rendre au secrétariat, ai-je dit.  – Je suis désolée, je n’en sais rien du tout. Il faut aller au secrétariat. ». À ce moment-là, elle s’est aperçue d’une affiche collée de l’autre côté de la porte. Il était écrit qu’il fallait rendre le contrat pédagogique aujourd’hui, dans cette salle. Je n’avais donc pas tort. L’administration avait soudainement changé l’endroit où rendre le papier. J’ai quand même remercié l’enseignante et je suis allé au secrétariat.
 Au fond de la pièce étaient assis un jeune homme et une jeune femme. De l’entrée, je leur ai dit que je voulais rendre mon contrat pédagogique. « C’est nouus ! », a dit la femme.
 Dans la soirée, j’ai passé le cours de FLE à bavarder avec le Coréen de la semaine dernière. À un moment, j’ai été appelé par l’enseignante et elle a demandé à un Chinois et à moi-même si nous avions préparé notre « revue de presse ». La « revue de presse » est un exercice qui consiste à présenter un article de journal pendant trois minutes. « Non… », a dit le Chinois. « J’ai trouvé un article intéressant sur Le Monde, selon lequel, la culture d’Internet est majoritairement dominée par l’anglais et le japonais, et les influences du français sont limitées aux pays francophones, ai-je dit. – Mais tu as préparé ? m’a-t-elle demandé. – Pas vraiment. – Ok, vous le ferez la semaine prochaine ».
 Je suis revenu à ma place. Le Coréen m’a demandé ce qu’elle m’avait dit. « Elle m’a demandé si le garçon chinois et moi avions préparé la revue de presse, ai-je dit. – Garçon ? c’est pas une fille ? », m’a-t-il demandé. « Je crois que c’est un garçon… », ai-je dit, mais je n’étais plus sûr de moi. Le Chinois avait en fait une voix aiguë un peu comme une fille. Il avait les cheveux ni longs ni courts et son visage était complètement imberbe. Sa poitrine était plate, mais parfois il y a des filles qui n’ont pas de seins. J’avais de plus en plus l’impression que c’était une fille et j’étais angoissé. Finalement, on a décidé de l’oublier et on a parlé de « Gatsby le magnifique » de Fitzgerald.
 Au fait, « Girls and Boys » de Blur est une chanson très joyeuse.

mardi 16 octobre 2018

La Symphonie pastorale


 Aujourd’hui, il est arrivé quelque chose d’un peu mystérieux. Ce matin, un bouquiniste vendait des livres d’occasion au rez-de-chaussée du Patio. Comme j’avais un peu de temps avant le cours, je regardais avec d'autres étudiants des livres dans des cartons. Quelques œuvres, comme le deuxième tome des « Confessions » de Rousseau, m’ont intéressé. De plus, le prix n’était pas élevé. La plupart de ces livres ne coûtaient qu’un euro. Les gros coûtaient deux euros. Dans un carton, j’ai trouvé « La Symphonie pastorale » d’André Gide. Je n’ai jamais rien lu de cet écrivain, mais ce roman m’intéressait depuis longtemps car quelques personnes m’en avaient parlé. Je ne savais pas de quoi il parlait, mais le titre a attiré mon attention car la sixième symphonie de Ludwig est mon morceau préféré. Le livre avait l’air ancien. On aurait dit qu’il avait longtemps dormi sur l’étagère de la vieille maison d’une personne âgée, sans jamais être ouvert. Il sentait un peu le moisi, mais il était plutôt propre. Je l’ai pris avant que quelqu'un le prenne. Dans le même carton, j’ai trouvé « L’Étranger » de Camus que j’avais déjà lu. C’est en fait le premier livre que j’ai lu en français. Je l’avais choisi parce que les phrases étaient simples et surtout parce qu’il était mince. Mais comme j’étais encore débutant à cette époque-là, j’ai laissé échapper beaucoup d’éléments importants. Le livre était propre comme neuf. J’ai demandé au bouquiniste, un homme aux cheveux blancs qui se tenait derrière les livres, combien coûtaient ces deux romans. « Deux euros », m’a-t-il dit. En fait, ce matin, avant de venir à l’université, j’avais sorti de mon porte-monnaie plusieurs pièces de cinquante centimes et d’un euro et les avais mises dans mon portefeuille, alors que je ne porte pas d’argent sur moi d’habitude. J’ai donc acheté ces deux livres.
 Ensuite, pendant le cours de dimensions énonciatives, la professeur nous a demandé de faire un exercice qui consistait en une analyse de texte. J’y ai jeté un coup d’œil, et un instant j’ai été saisi, car ce texte était extrait de l’introduction de la « Symphonie pastorale » d’Angré Gide, le livre que j’avais acheté quelques heures auparavant ! Ce n’est en effet pas grand-chose si l'on compare à la chance de gagner une somme énorme à la loterie, mais lorsqu’on pense à la possibilité que je choisisse la « Symphonie pastorale » d’André Gide parmi de nombreux livres, et que la prof demande d’analyser un extrait de ce livre, il faut cependant reconnaître qu'il s'agit d'une coïncidence bien curieuse.
 L’après-midi, j’ai assisté à la conférence de Monsieur Bechler sur Haruki Murakami. Elle était intéressante, mais j’avoue que je n’étais pas très concentré. Mon regard était attiré par les cheveux bouclés du vieil homme assis devant moi. Pendant que le conférencier continuait son discours, je suivais les courbes artistiques que ces cheveux grisonnants esquissaient comme un dédale dont le sommet était un rocher dénudé. Pendant une heure, il n’a pas bougé d’un iota. Son voisin, un autre homme âgé petit et potelé dormait les bras croisés.
 Après la conférence, assis sur l'escalier du Palais universitaire, je me suis un peu amusé à faire des bulles de savon. Les bulles ne se sont pas envolées aussi loin que je l’imaginais.

dimanche 14 octobre 2018

Bulles de savon


  J’ai eu envie de faire des bulles de savon en regardant des gens fumer à l’université. Ils mettent des cigarettes à leur bouche, et expirent de la fumée blanche, et finalement, ornent le sol de leurs mégots. Quand j’étais au collège, Saitô-kun, un peu voyou, m’avait donné une cigarette dans un parc. J’avais un peu froncé les sourcils pour faire du genre et l’avais allumé. L’instant suivant, je toussais comme un asthmatique. Je m'étais brossé les dents et j'avais sucé des bonbons chez moi, mais le goût de l’odeur corporelle d’un homme d’un certain âge restait dans ma bouche. Je ne peux donc pas fumer. En revanche, je peux faire des bulles de savon. Je peux mettre une paille dans ma bouche et souffler des bulles transparentes qui s’envolent vers le ciel. Je suis donc allé au Rivetoile aujourd’hui pour en acheter. Je suis d’abord entré dans un magasin de jouets. Un homme gros qui n’est apparemment pas très motivé pour son travail, errant de rayon en rayon m’a dit : « Bonjour Monsieur ». Je me suis promené dans le magasin en faisant semblant de chercher un jouet pour un neveu qui n’existe pas. Il y avait beaucoup de poupées effrayantes pour les filles et Lego qui m’attire mais trop cher. Cependant, je n'ai pas trouvé de bulles de savon. Je suis resté longtemps devant le rayon de peluches pour chercher un ami à mon ourson Talleyrand. Une peluche de manchot aussi grosse qu’un enfant m’a attiré. J’ai eu l’impression qu’elle voulait que je l’amène chez moi, mais finalement je suis sorti sans rien acheter.
 Ensuite, je suis allé au Leclerc. Leclerc du Rivetoile est grand, de sorte qu’on peut y trouver des bulles de savon. Au rayon de jouets, j’ai enfin trouvé des bulles de savon, vendues à un euro quatre-vingt-neuf. Sur le paquet, il est imprimé « Wonder kids – parce que je suis déjà un héros – », et que ce jouet est interdit aux enfants de moins de trois ans. Je ne comprends pas trop à quoi renvoie « parce que je suis déjà un héros ». C’est un peu dommage qu’il soit petit, on dirait que c'est pour les enfants, mais je l’ai acheté car il n’y en avait pas d’autre.
 Au Rivetoile, des policiers et des militaires faisaient une sorte d’exposition. Ils mettaient des brochures sur des tables et expliquaient quelque chose aux citoyens. J’ai regardé la démonstration d’un policier et d’un chien. Le policier, grand et musclé, expliquait comment le chien pouvait être utile pour neutraliser un terroriste. S’il disait « jambe ! », le chien se mettait entre les jambes de son maître. L’animal semblait aussi comprendre d’autres mots. Je suis sûr qu’il comprend le français mieux que moi.
Une moto de la police française était aussi exposée. J’ai un peu été étonné que ce soit une Yamaha. Je croyais que les motos de la police française étaient françaises. J’étais déçu. Chez moi, j’ai cherché par curiosité la marque des motos de la police japonaise. Il semble que le Japon ait adopté les Yamaha du même modèle à partir de 2014, mais ils ont longtemps utilisé des Honda. Chaque fois que je vois des produits japonais à l’étranger, je me jure de laisser quelque chose de mon vivant, mais ce désir n'a jamais duré plus de vingt-quatre heures.

jeudi 11 octobre 2018

Une femme et un homme


 Après avoir mangé mon sandwich sur un banc dehors, tandis que j’allais partir, le professeur d’ancien français de l’an dernier, Monsieur R. s’est installé devant moi. Je me suis rassis et je l’ai observé. L’air pensif, le portable à la main, il écoutait de la musique avec des écouteurs. J’ai essayé de regarder l’écran de son portable pour voir ce qu’il écoutait, mais c’était difficile de ma position. Si on pense normalement, il écoutait peut-être de la musique classique, mais rien n’empêche qu’il soit amateur du métal ou des chansons d’animé. Quelques instants plus tard, il s’est levé. J’ai décidé de le suivre.
 Il s’est mis à marcher dans la direction du Patio. Je n’avais jamais suivi quelqu’un dans la rue, mais suivre cet homme était plutôt facile. Il était grand d’une tête de sorte qu’on pouvait le reconnaître facilement même dans la foule. Il est entré dans le Patio et s’est mis à monter l’escalier. À ce moment, une multitude d’étudiants a descendu l’escalier et je devais le monter à contre-courant. J’ai perdu ma cible. J’ai regardé aux alentours, et j’ai aperçu à gauche un chapeau qui flottait au-dessus d’autres têtes. J’ai marché dans la vague de gens, et lorsque je suis sorti de la foule, j’ai vu Monsieur R. entrant dans un amphithéâtre pour donner un cours d’ancien français aux étudiants de L2. Ma poursuite s’est terminée en cinq minutes.
 Dans la soirée, lorsque je quittais la fac pour rentrer chez moi, au Patio, j’ai vu qu’une femme et un homme se disputaient. La femme était blanche, blonde et pas très jeune. Elle était excitée comme une bête en rut et criait à la réceptionniste qu’elle s’était fait frapper et insulter par un homme. Peu après, un Arabe barbu est venu en marchant lentement. Le gong a résonné. « Fight ! », a dit l’arbitre. Dès qu’elle l’a eu reconnu, elle a commencé à vociférer que c’était l’homme en question. Hélas, je n'avais pas de pop-corn. L’Arabe a tranquillement contredit qu’il ne l’avait pas frappée, sans pouvoir réussir à apaiser la femme en colère. Je pense qu’elle insultait son adversaire. Cependant, mes compétences de français était insuffisante pour déchiffrer ce qu’elle disait. Lorsque je pense à mes efforts que j'ai fournis pour apprendre le français, j’avais fait l’exercice de compréhension orale avec la radio, l’actualité ou l’enregistrement que mon professeur avait préparé, mais jamais avec la dispute. Cela me semblait donc normal que je ne comprenais pas les véritables insultes que lançait la dame. Pendant que j’observais le spectacle, des badauds se sont mis à se rassembler. Finalement, du fond de la réception, est apparu un grand homme musclé. La femme a crié quelque chose avant de partir, mais j'ai compris uniquement « la tête » et « caniveaux ». J'avoue que j’avais perdu un peu ma motivation d’apprendre le français récemment. Je me suis juré de me concentrer de nouveau sur le français et de retrouver ma passion.

mardi 9 octobre 2018

Le paresseux


 Je ne peux m’empêcher d’éprouver de la sympathie pour les paresseux. Le week-end, je ne bouge pas de mon lit comme les paresseux et j’ai besoin de dix heures de sommeil au minimum pour être bien réveillé. Si je ne dors que huit heures, j’ai la tête dans les nuages et je flemmarde. En revanche, si je dors plus de dix heures, mes pensées sont limpides et je flemmarde quand même. Ce week-end, j’ai un peu préparé mon exposé sur Jean-Jacques Rousseau, mais je n’ai pas beaucoup avancé, car chaque fois que j’avais écrit une ligne, je retournais au lit, ou je regardais des sketchs d'humoristes sur Youtube Aujourd’hui, je pensais réviser le latin pendant mon temps libre, mais j’ai dormi deux heures à la bibliothèque à côté d’un radiateur. Lorsque je me suis réveillé, j’avais la gorge sèche et je titubais. La fille qui écrivait désespérément son cahier lorsque je me suis couché sur le pouf, travaillait encore lorsque je me suis levé. On dirait un castor.
 J’aimerais bien avoir un paresseux chez moi. Je pense qu’on pourrait être de bons amis, le paresseux et moi. D’après ce que j’ai cherché sur Internet, un paresseux coûte environ un million de yens (on peut acheter une voiture avec cette somme). Il n’a besoin ni de beaucoup d’espace ni de beaucoup de nourriture. Cependant, il faut planter quelques grands arbres dans une pièce. Pourquoi dans une pièce ? Parce que le paresseux est un animal qui vit dans la zone tropicale, de sorte qu’on doit maintenir la température de la pièce à trente degrés et l’humidité à soixante-dix pour cent.
 Il semble plus simple d’avoir un chat qu’un paresseux.

dimanche 7 octobre 2018

Le pentatome


 Je suis enfermé dans ma chambre parce que devant la porte sont mortes une multitude de pentatomes. Le pentatome est un insecte en forme de minuscule bouclier qui dégage une odeur désagréable. Devant la porte de ma chambre, dans le couloir près de la fenêtre, il y a des cadavres de pentatomes dont la plupart sont immobiles et renversés. Je ne comprends pas pourquoi les insectes viennent ici pour se suicider en masse. Heureusement, les bestioles n’entrent pas dans ma chambre.

samedi 6 octobre 2018

L'atelier (2)


 Ce matin, je me suis levé à huit heures bien que je n’aie pas eu cours, pour aller à un atelier de français. Cette fois, je suis allé à un atelier du niveau C1. J’ai attendu que les étudiants de l’atelier précédent sortent de la salle de cours. Lorsque j’y suis entré, deux femmes, une blonde et une châtaine, aussi jeunes l’une que l’autre, étaient en train de discuter. En regardant la scène, je me suis dit sans raison particulière que la blonde était prof et la châtaine, étudiante. Peu après, la blonde a remercié l’autre et elle est partie. La prof était la châtaine.
 Elle était jeune et semblait avoir à peu près le même âge que moi. Elle était enrhumée. Elle était légèrement enrouée et elle se mouchait de temps en temps. Quelques instants plus tard, une autre femme souriante au teint un peu sombre nous a rejoints. C’était une Péruvienne. La prof nous a donné la liste des étudiants inscrits sur laquelle ne figuraient que deux noms. L’un était le mien, l’autre était celui de la fille.
 L’enseignante nous a demandé de débattre sur différents sujets qu’elle allait nous donner. Avant de commencer le débat, nous avons vérifié quelques mots utiles dans une discussion, comme « Je pense que… », « Je crois que… », « Tu as raison ». Elle nous a demandé si nous avions des idées de phrases semblables. Comme la Péruvienne s’est mise à citer des exemples, je me suis aussi hâté de chercher ce genre de phrases dans mon esprit. À ce moment-là, je me suis souvenu d’une vidéo qu’un ami m’avait montrée récemment. Dans cette vidéo, lors d’un débat, un certain Alain Finkielkraut s’échauffait et criait à son interlocuteur « Taisez-vous ! Taisez-vous ! ». J’avais adoré cette vidéo et l’avais regardée plusieurs fois. Sa voix criant « Taisez-vous ! Taisez-vous ! » résonnait dans ma tête. Je me suis également rappelé qu’en vociférant ces mots, il avait réussi à faire taire son adversaire, ce qui montrait que cette formule magique a pour effet d’étouffer les avis que l’on ne veut pas entendre. Mais je n’ai pas suggéré à l’enseignante « Taisez-vous ! » parce que mon éducation japonaise m’a appris à me taire dans certaines situations. J’ai dit humblement « En bref » et rien de plus.
 Ensuite, la Péruvienne et moi avons débattu sur différents sujets comme « Homme ou femme ? » ou « Livre ou film ? ». Finalement. nos propos ressemblaient plus à une discussion qu’une argumentation. Nous avons longuement parlé de Garcia Marquez. Elle était étonnée que j’aie lu ses livres en français et m’a appris que l’écriture de cet écrivain est difficile même dans le texte original en espagnol.
 Une chose étrange, c’est que la prof, une véritable Française des pieds à la tête, ne connaissait pas le mot « polar ». J’ai pensé que je l’avais mal prononcé et l’ai épelé. Elle ne comprenait toujours pas. « Je croyais que c’était un terme français…..ce mot désigne les romans policiers », ai-je dit. La Péruvienne le connaissait. J’ai montré à la Française la définition du mot « polar ». Elle a eu l’air convaincue quoiqu’intriguée.

vendredi 5 octobre 2018

FLE (3)

 Lorsque je suis arrivé au cours de FLE, les gens s’étaient déjà installés aux tables et ils écrivaient. Je me suis approché de mon enseignante. Elle était en train de discuter avec un autre étudiant asiatique qui, j’ai aussitôt deviné, n’était pas japonais. « Tu penses que tu as quel niveau ? lui a-t-elle demandé.
– C1 ? a-t-il répondu d’un air hésitant.
– As-tu passé le DELF ?
– Oui, j’ai B2.
– Ok…, a-t-elle dit d’un air pensif, je te mets quand même C1 ».
 Elle lui a attribué le niveau C1 alors qu’il n'a pas officiellement ce niveau ! Et elle m’avait mis dans le groupe de B2 tandis que je suis titulaire du niveau C1 depuis longtemps !
 Ensuite, elle m’a demandé de discuter avec ce garçon et de rédiger une dissertation sur le sujet qu’elle me donnait. « Tu es japonais et il est coréen. Vous ne parlez pas la même langue ? », nous a-t-elle dit. « Si, je connais quelques mots coréens. ‘’Bonjour’’, ‘’Je t’aime’’ et ‘’Comment allez-vous ?’’ ».
 Le sujet que l’enseignante nous a donné, c’était « Travailler le dimanche ». Je devais jouer le rôle d’une personne qui soutient cette idée, et mon interlocuteur, devait être contre. Le Coréen parlait en fait un excellent français bien qu’il n’apprenne pas cette langue depuis longtemps. J’étais à la fois impressionné et honteux. Au début, nous argumentions sérieusement, mais sans nous rendre compte, nous nous sommes mis à bavarder librement. Nous avons regardé sur Youtube des extraits de films coréens ou un discours d’Emmanuel Macron. Le son était mauvais et qu’on ne comprenait rien. Nous avons parlé d’André Gide et de musique classique. Nous étions contraints d’avoir des opinions différentes sur ‘’le travail le dimanche’’, mais nous étions d’accord sur le fait que le K-pop et le J-pop sont merdiques. À un moment donné, en parlant de nourriture, il m’a dit qu’il n’aime pas le kimchi. Un Coréen qui n’aime pas le kimchi ! C’est un Allemand qui n’aime pas les saucisses, un Français qui n’aime pas les fromages (il y en a pas mal quand même) ou un Japonais qui n’aime pas les sushis (mon frère) ! Même moi qui n’aime pas trop la nourriture épicée, j’aime le kimchi.
 Le Coréen était très sérieux et il réfléchissait beaucoup sur l’introduction de notre dissertation tandis que je soufflais à son oreille de la bâcler parce que ce ne serait pas noté. Au bout d’une heure, nous avons réussi à produire quelque chose qui ressemblait à une dissertation. Je craignais que l’enseignante ne relève nos dissertations avortées, mais elle est partie sans les ramasser.


Le coiffeur


 Aujourd’hui, je suis allé chez le coiffeur. Avant d’y aller, j’ai pris rendez-vous par téléphone.
« Allô. Est-ce que je peux prendre rendez-vous aujourd’hui pour dix-sept heures ?
– Oui. Avez-vous une préférence quant au coiffeur ?
– XXX.
- Ah, il ne travaille plus après dix-sept heures.
– Je n’ai pas de préférence ».
 Je suis entré dans le salon de coiffure. Mohamed est apparu et m’a dit bonjour. Je ne sais pas s’il s’appelle vraiment Mohamed. C’est un pseudonyme que je lui ai donné parce qu’il a un air de Mohamed. Du moins, il n’a pas l’air d’un Jean-François ou d’un Charles-Henri. Il y a quelques mois, il m’avait déjà coupé les cheveux. Il avait principalement utilisé une tondeuse et réussi à réaliser la coiffure exacte de Kim Jong-Un pour que je puisse voyager en Corée du Nord sans aucun problème.
 Lorsque j’ai aperçu Mohamed aujourd’hui à dix-sept heures devant le comptoir du salon de coiffure, j’ai perdu tout espoir. Je ne fais cependant pas trop attention à mon apparence. Si je me fais couper les cheveux, c’est parce que j’en ai assez de relever sans cesse ma mèche quand je lis un livre.
 Après qu’on m’a servi un café, le coiffeur a allumé le bouton de sa compagne, la tondeuse. Pendant qu’il la maniait plutôt brutalement, il m’a posé beaucoup de questions sur le Japon et l’abondance de mes cheveux blancs. Je me suis senti plein d’empathie pour les gazons qui se font tondre. En entendant le bourdonnement de la tondeuse, je me suis également dit que c’était finalement bénéfique qu’il n’utilise pas de ciseaux si je ne voulais pas perdre mon oreille. 
 Un certain temps plus tard, j’ai payé vingt-cinq euros au comptoir. Un café qui coûte vingt euros, je trouve ça plutôt cher.

jeudi 4 octobre 2018

Madame B.


 J’ai l’impression que Madame B est amoureuse de moi. Pendant son cours, dans l’amphithéâtre, j’ai l’impression qu’elle fixe particulièrement son regard sur moi. Aujourd’hui, nos regards se sont croisés au moins dix fois. À un moment, je m’ennuyais et j’ai regardé mon portable. Lorsque j’ai levé la tête, elle me jetait des regards affectueux. Je me suis demandé si je lui faisais un clin d’œil, mais je suis resté sage. Ou il se peut aussi que ce soit une illusion. J’ai entendu dire qu’il arrive qu’un acteur de théâtre, sur scène, regarde uniquement un spectateur comme point de repère. Yoko Ogawa écrit dans un essai que lorsqu’elle fait une conférence, elle est souvent attirée, sans raison, par un ou deux auditeurs. Il est donc possible que Madame B m’utilise comme point de repère lorsqu’elle parle en public. Comme je suis plutôt devant (je ne vois pas trop si je me mets derrière) et que je suis asiatique, elle me remarque peut-être plus facilement. Me donnera-t-elle des leçons de dissertations et d’éloquence ? Je me demande où je vais me mettre dès la semaine prochaine.

mercredi 3 octobre 2018

Le chat inconnu


 Avant d’aller me coucher, au moment où j’ai ouvert la porte, un chat s’est introduit dans ma chambre. Tout d’abord, j’ai pensé que j’hallucinais parce que j’habite au troisième étage et un code est nécessaire pour entrer dans mon bâtiment. J’ai fermé la porte et je me suis retourné. Un chat s’était installé sur mon lit, comme le maître de l’appartement. Ses poils étaient propres et lisses. Il était très câlin et habitué aux êtres humains, ou peut-être croyait-il que j’étais aussi un chat. Je l’ai caressé à plusieurs reprises et j’ai pu me convaincre que c’était un vrai chat.
 Ce chat qui ne cessait de fouler sur ma couverture, avait un collier rose, ce qui signifiait qu’il avait un véritable propriétaire. Je suis ailurophile. Toutefois, j’hésitais quand même à dormir avec un chat inconnu. J’ai essayé de le poser dans un carton, mais il a résisté. Finalement, je l’ai soulevé avec ma couverture qu’il semblait tant affectionner et j’ai réussi à le mettre dans le carton. Cependant, cette fois, il a abandonné la couverture et sauté sur le lit. Je devais me lever à huit heures le lendemain parce que j’avais un cours d’anglais. J’ai serré le chat dans mes bras, mis la couverture dessus et j’ai éteint la lumière.
 Ses poils étaient souples. Son corps était chaud et sentait bon. Si j’entrouvrais les yeux, je pouvais regarder deux adorables oreilles triangulaires dans la pénombre. De temps en temps, sa queue me chatouillait le bras.
 Vers six heures du matin, le chat m’a réveillé. Je me suis levé et dès que j’ai eu ouvert la porte, il est sorti. Le soir du même jour, lorsque je suis rentré de l’université, le chat ne m'attendait plus devant la porte et mon lit était vide. J’ai eu de nouveau l’impression d’avoir rêvé, mais je sais que j’ai dormi avec ce chat, car il reste des photos.