Dans la cour de l'université, j'ai trouvé un doigt.
J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un ver blanc.
Il avait l'air souple et immobile.
Je m'en suis approché et je me suis accroupi pour le contempler de
près.
Ce ver blanc était légèrement courbé.
Il n'avait ni œil ni bouche.
Je l'ai pris dans ma main et c'est à ce moment-là que je me
suis rendu compte que ce n'en était pas un.
Ce n'était pas un ver.
C'était un doigt.
Le doigt était froid et rigide comme s'il était en
céramique.
Sans doute coupé par un couteau tranchant tel qu'un bistouri, il
était coupé à la troisième articulation au niveau de la paume.
L'ongle était lisse et dur.
À la coupe on voyait encore de la chair et les traces de
nerfs qui étaient pétrifiées.
Par sa longueur et sa forme frêle, j'en ai déduit qu'il
s'agissait de l'index qui un jour avait appartenu à une femme.
Le lustre de la peau prouvait que son ancien propriétaire
était encore jeune.
Cependant imaginer une femme à partir d'un simple index était
assez difficile.
Je l'ai soigneusement couvert d'un mouchoir et je l'ai mis
dans la poche.
C'était le début de l'automne.
Les arbres avaient commencé à perdre leurs feuilles.
Les couples en pull-over se promenaient main dans la main en
respirant l'air frais à pleins poumons.
Je n'avais même pas une fille avec qui j'aurais pu réchauffer mes mains gelées.
Tout ce que j'avais, c'était cet index dans ma poche.
La nuit est tombée.
J'ai posé l'index sur un mouchoir à côté de la fenêtre.
Je l'ai contemplé pendant un certain temps comme un
scientifique étudie minutieusement l'aspect d'un virus.
J'ai caressé cet index avec le mien.
Il n'a manifesté aucune réaction.
Ensuite je l'ai piqué avec un crayon pointu.
C'était pareil.
L'index restait paralysé.
Son sommeil était aussi profond qu'une grotte insondable.
Pour l'empêcher de s'enfuir, j'ai bouché le goulot avec un bouchon de liège.
Je l'ai provisoirement nommé ''Mitsouko''.
J'ai écrit dans mon cahier, '' 21 Octobre, index trouvé dans
le buisson de la cour de l'université, nommé Mitsouko''
Le lendemain matin, lorsque je me suis réveillé, Mitsouko s'était affaiblie.
La surface de sa peau était asséchée, elle était allongée comme
si elle était au bout de ses forces.
J'avais oublié d'aérer la fiole.
Je l'ai tout de suite débouchée et j'ai percé le liège de
trous pour qu'elle puisse respirer.
J'y ai également ajouté un peu d'eau.
On dirait qu'elle a repris des forces maintenant.
Son lustre est revenu, elle a imperceptiblement levé la tête
comme en signe de remerciement.
''Je vous en prie'', lui ai-je dis.
J'ai fait une affiche et j'en ai collé les copies partout dans l'université.
Le texte de l'affiche était comme suit ;RECHERCHE PROPRIÉTAIRE D'UN DOIGTtaille ; 7 centimètrespoids ; 1,5 grammescouleur ; blanclieu de la découverte ; le buisson
En bas, j'ai mis mon numéro de portable.
J'ai même illustré l'affiche d'un portrait du doigt.
Je suis plutôt doué pour le dessin.
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