Aujourd’hui, j’ai payé des amendes à la
bibliothèque. J’avais emprunté un essai de l’écrivain américain Nicholson Baker
et « Les Mots » de Jean-Paul Sartre il y a plus d’un mois. Je les avais
complètement oubliés. Ce qui m’a rappelé que je devais rendre ces livres, c’est
un mail que j’ai reçu ce matin. Le titre disait : « Documents à rendre –
Amendes en cours ». J’ai eu peur et j’ai pleuré.
Je suis donc allé à la bibliothèque pour
rendre ces livres. Je les ai rendus à une bibliothécaire qui était assise au
comptoir. Elle a scanné Nicholson Baker et Jean-Paul Sartre, et a regardé l’écran de son ordinateur. Je me demandais si
je pourrais sortir de la bibliothèque sans payer d’amende si je ne lui disais
rien. Pendant que je pensais cela, elle regardait l’écran de l’ordinateur. J’ai
eu l’impression qu’elle fronçait légèrement ses sourcils, mais c’était
peut-être une illusion créée par mon angoisse ou c’était peut-être son visage
naturel. Incapable de supporter cette pression, je lui ai moi-même dit : « J’ai
peut-être des amendes à payer ou pas ». « Ah », m’a-t-elle dit. Ce « Ah » ne
m’a pas permis de comprendre si elle le savait ou non. Elle m’a dit de
descendre l’escalier et de régler en bas.
C’est ainsi que j’ai payé, la mort dans l’âme,
une amende de trois euros soixante à une dame âpre comme un rocher au premier
étage de la bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg à propos de
laquelle on murmure qu’elle cache des momies en sous-sol.
De retour chez moi, j’ai aussitôt
réalisé qu’il n’y avait pas Internet. Je me suis senti malade parce que je suis
accroc à Internet. Une personne qui n’a pas assez de sang peut tomber d’anémie.
C’est la même chose. Si je n’ai pas assez Internet, je tombe malade. Pour une
raison obscure, le wifi de ma résidence était coupé, et il semble que c’était
la même chose pour les autres. Au moment où j’écris ce journal, il n’y a
toujours pas Internet. Je me suis rendu compte que ma vie était une poubelle
vide sans Internet. Je ne pouvais pas faire mon devoir de latin sans Internet ;
je ne pouvais pas faire de traduction ; je ne pouvais pas aller sur Twitter ;
je ne pouvais pas répondre sur le Messenger (ce qui est bien) ; je ne pouvais
lire ni le Figaro ni the Guardian ; je ne pouvais pas aller sur Youtube. Je ne
pouvais rien faire. Je m’ennuyais. J’ai eu l’impression d’être seul au monde.
Mais je pouvais écouter de la musique ; je pouvais lire un livre ; je pouvais
faire une sieste ; je pouvais jouer avec un chat ; je pouvais jouer aux échecs
; je pouvais fermer mes paupières ; je pouvais les rouvrir ; je pouvais
explorer dans mes souvenirs et je pouvais écrire.
J’ai tué le temps de cette longue soirée en
lisant un livre sur les quatre sœurs Romanov.
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