jeudi 28 mars 2019

Marque-page


 Depuis que la relation avec une amie que je considérais comme mon âme sœur s’est effondrée (ça s’est terminée comme si un film était soudainement coupé au beau milieu de sa projection), j'ai la tête dans les nuages. J’ai l’impression de rêver en étant réveillé. Par exemple, hier matin, j’ai été réveillé par l’alarme de mon portable. Au moment où j’ai essayé de l'éteindre, ma main a touché un verre qui était posé juste à côté ; il est tombé et s’est brisé en mille morceaux. Aujourd’hui, j’ai pris comme d’habitude le tram pour rentrer. J’ai sorti un livre de poche qu’une autre amie m’avait offert il y a quelques jours. Ce livre s’intitule « Si les chats disparaissaient du monde ». La personne qui me l’a offert m’a dit qu’elle ne l’a pas lu, et qu’elle l’a acheté parce que le titre et la couverture de ce roman (un chaton noir) lui a fait penser à moi. Je connaissais ce livre. C’est le livre que j’avais acheté pour ma meilleure amie qui ne me parle plus. Je le lui avais offert sans le lire. Et en ce moment, je lis ce roman, souvent dans le tram. C’est l’histoire d’un homme de 30 ans, solitaire, qui vit avec un chat, Chou. Un jour, il s’avère qu’il est atteint du cancer en phase terminale et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. À ce moment-là, un diable en chemise hawaïenne apparaît et lui fait la proposition suivante : s’il fait supprimer une chose sur Terre, sa vie se prolonge pendant vingt-quatre heures. Le héros, qui, selon le diable, va mourir le lendemain, accepte cette proposition. Il décide d’abord d’effacer le chocolat du monde, puis le téléphone portable… Voilà, c’est l’intrigue du livre. Lorsque j’ai relevé mes yeux de la page, j’ai réalisé que le paysage que je voyais tous les jours était différent de d’habitude. C’est alors que je me suis rendu compte que j’avais pris un mauvais tram et que j’étais allé jusqu’à l’arrêt Homme de fer. Descendu du tram, le livre dans la poche de mon manteau, j’ai dû rebrousser chemin jusqu’à la place de la République.
 L’amie qui m’a offert ce livre avait inséré dans le livre un marque-page sur lequel sont imprimés un haïku et un calendrier de mai. 
« Pourquoi mai ? On est encore en mars, lui-ai-je demandé.
- Parce que je sais que tu es né en mai, m’a-t-elle dit.
- Comment as-tu su que je suis né en mai ? Je n’ai dit mon anniversaire à personne.
- J’ai vu ta date de naissance quand les notes d’un examen étaient affichées, m’a-t-elle dit.
- Tu sais quel jour je suis né ?
- Au milieu de mai ?
- En effet. Devine ».
 Elle a dit 15, 14, 13…en s’approchant petit à petit de la date de mon anniversaire. C’est pourquoi sur le mini calendrier de ce marque-page, un jour de mai est entouré d’un petit cercle bleu.


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