vendredi 22 mars 2019

Carte vitale


 Aujourd’hui, je suis allé chez l’oto-rhino-laryngologiste. Son cabinet se trouvait dans un appartement ordinaire. La réceptionniste m’a demandé de lui montrer ma carte vitale. Mais je n’en avais pas. Je n’avais que ma carte d’adhérent de mon assurance privée MGEL. La réceptionniste m’a dit que c’était bizarre. Je lui ai dit que je pensais moi aussi que c’était bizarre. Puis elle m’a dit d’attendre dans la salle d’attente. J’ai tué le temps un lisant un magazine avec Isabelle Adjani en couverture. L’article que j’ai lu parlait de jeunes auteurs américains millionnaires. J’ai tourné les pages ; des photos de femmes en lingerie se succédaient les unes après les autres. À ce moment-là, on m’a appelé.
 L’oto-rhino-laryngologiste était une femme blonde d’un certain âge. Elle m’a demandé ce que j’avais comme problème. Je suis allergique aux pollens des bouleaux blancs. J’ai le nez qui coule. Lorsqu’il ne coule pas, il est bouché, lui ai-je dit. Elle m’a demandé de me coucher sur une longue chaise comme celle qu’on voit chez le dentiste. Ensuite, elle a pris un instrument fin en aluminium et l’a enfoncé dans ma narine droite, puis gauche, à l’aide d’une sorte de torche électrique. Pendant qu’elle observait l’intérieur de mes narines, je me suis dit que je n’ai jamais regardé l’intérieur du nez de quelqu’un, et qu’il se pouvait que cela ne m’arrive jamais dans la vie. Mais ce fait ne m'a pas particulièrement déçu parce que je n'ai pas particulièrement envie de le regarder. Cette oto-rhino-laryngologiste avait sans doute regardé l’intérieur des narines de plusieurs centaines de personnes. Elle a retiré l’appareil, et a dit : « Parfait ». Je voulais savoir ce qui était parfait, mais je me suis tu.
 Elle m’a demandé ce qu’on me prescrivait au Japon. Je ne sais pas, lui ai-je dit. Était-ce un spray et des comprimés ? m’a-t-elle dit. C’était en fait un spray et des comprimés, lui ai-je dit. Elle m’a dit qu’elle me prescrivait un spray et des comprimés pour trois mois. En faisant son ordonnance, elle m’a demandé si je connaissais quelqu’un qui enseignait le japonais. Après avoir réfléchi un instant, j’ai dit : « Moi-même » parce que je donne des cours de japonais une fois par semaine. Elle m’a dit que sa fille voulait apprendre le japonais. « Sinon, à l’université, il y a le département de japonais », lui ai-je dit. « Elle a onze ans », m’a-t-elle dit.
 Après avoir réglé, je suis allé à l’agence de MGEL pour demander ma carte vitale. Je ne savais pas que c’était anormal que je n’en ais pas car je n’étais jamais allé chez le médecin en France. Une employée qui s’est occupée de moi, une femme d’un certain âge, corpulente et de bonne humeur, m’a dit que je devais déclarer mon médecin traitant, et que si je ne le faisais pas, je pouvais avoir des pénalités. J'ai eu peur et pleuré. Je paye de l’argent pour ne pas payer trop au cas où je tombe malade, mais il se peut que je doive payer des pénalités parce que je suis adhérant à une assurance. « Mais il faut que je tombe malade pour déclarer mon médecin traitant, n’est-ce pas ? lui ai-je demandé. – Oui, mais il faut déclarer le médecin traitant, m’a-t-elle dit. – Mais il faut que je tombe malade pour déclarer mon médecin traitant, n’est-ce pas ? lui ai-je demandé. – Oui, mais il faut déclarer le médecin traitant, m’a-t-elle dit. – Mais il faut que je tombe malade pour déclarer mon médecin traitant, n’est-ce pas ? lui ai-je demandé. – Oui, mais il faut déclarer le médecin traitant, m’a-t-elle dit. – Mais il faut que je tombe malade pour déclarer mon médecin traitant, n’est-ce pas ? lui ai-je demandé. – Oui, mais il faut déclarer le médecin (…) »
 Demain, je reviens chez le MGEL pour chercher ma carte vitale.

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