mardi 28 mars 2017

La poupée de Robespierre(fin)

Je tenais la poupée au visage déformé pour l'examiner.
Son visage manifestait une certaine souffrance.
J'ai cru qu'elle était ratée mais en fait, la déformation de ses traits était due à sa douleur physique.
Une maladie dévorait son corps tels d'innombrables fourmis ingurgitent le cadavre d'une souris.
Une mort silencieuse  s'approchait déjà de lui.
La  Mort a donc pris la route dans un quartier lointain.
Elle est entré dans une ruelle et a traversé un vieux pont en pierre.
Elle a pris ensuite un train avec d'autres passagers. 
Là, elle a sorti ''Le château'' et s'est mise à lire la suite.
Le paysage défilait comme un vieux manège tournant à l'infini.
Et un jour, la Mort frapperait lentement mais d'une manière inflexible à la porte de l'entrée.

C'est ainsi que la Mort se présentait aux gens.

La poupée de la fille à la robe écarlate était posée dans ma main droite.
J'ai posé sa tête sur celle de l'homme agonisant.
Leurs lèvres se superposaient les unes sur les autres tel un théorème mal démontré.
Elles me rappelaient la collision de deux côtes découpées.
L'expression douloureuse ne quittait jamais le visage de l'homme tandis que la poupée gardait toujours un sourire angélique.
Je voulais la déshabiller, mais son habit  était trop compliqué pour moi.
A travers le vêtement, j'ai frôlé de mon index son corps.
Je craignis que ces poupées n'avaient pas de tronc, que seules les parties visibles telles que la tête, les mains, les jambes étaient soigneusement créées et qu'une masse en paille ou ouate ne remplissait leur taille, mais depuis l'étoffe du vêtement j'ai pu ressentir, que celle-ci possédait bien une poitrine et un ventre véritables.
Ma main a glissé et elle est tombée misérablement par terre.
L'agonisant fixait l'espace du regard comme s'il maudissait quelqu'un.
La poupée était couchée à plat ventre.
Comme si elle essayait de me cacher le secret de l'adolescence.
Ses longs cheveux se répandaient en étoile.
En la renversant, j'ai été aussitôt soulagé car elle me souriait comme à l’ordinaire.


La forme de la machine était si simple et raffinée qu'il n'y avait plus rien à ajouter.
Une lame triangulaire était suspendue par un fils entre deux supports de bois.
En direction de cette lame se trouvait une planche trouée pour qu'un condamné y soumette sa tête.
Ensuite un exécuteur lâche le bouton et en un clin d’œil, la tête du condamné est détachée de son corps.
Plus je la contemplais, plus je perdais la réalité.
Elle ressemblait à un instrument gigantesque tel un orgue.
Si la lame avait des trous qui étaient mis à la suite d'un calcul subtil, quel type de son créerait-elle lorsqu'elle tomberait ?
Le résultat devra ressembler aux cris harmonisés de femmes.
Elle m'a également rappelé une machine de calcul antique.
Par le mouvement répétitif de la descente et de la montée de la lame, les anciens pronostiquaient une saison néfaste.
Or, elle devait être le résultat de l'illusion d'un somnambule si bien que cet objet n'avait plus aucun sens.
La machine se dressait là tel le monolithe de ''2001, l'Odyssée de l'espace''.
Mais cette machine a-t-elle servi à l'évolution humaine ?

Je me demandais entre le roi et la reine.
Le roi avait une bonne mine, il souriait joyeusement comme un collectionneur de papillons lorsqu'il regardait son oeuvre.
Une serrure au bout d'un collier s'enfonçait dans son cou charnu.
La reine était vêtue d'un costume gonflé tel une montgolfière.
Une robe se superposait sur une autre et une autre doublait l'autre ainsi que l'entassement de tissus cellulaire de la peau humaine.
Sa tête était petite et ovale comme Humpty Dumpty.
Ses yeux étaient mi-clos en forme de croissant inversé.
Son nez et sa bouche se posaient discrètement comme si on les avait oubliés.
Sa mâchoire pointue esquissait la courbe d'une comète.

Je l'ai fixée sur l'échafaud.
Ses yeux étaient maintenant plus ouverts que lorsqu'elle était debout.
Elle regardait indifféremment vers le haut comme un enfant qui regarde les étoiles.
C'était le visage d'une femme qui avait tout abandonné.
Même la dernière goutte de l'espoir ne lui restait plus.
J'ai poussé son socle avant, j'ai ensuite baissé la planche trouée afin d'y figer sa tête.
J'ai dû soigneusement débarrasser les touffes de ses cheveux pour qu'ils ne se prennent dedans.
La lumière de l'après-midi lui donnait une ombre qui mettait ses traits en relief telle l'ondulation d'une chaîne de montagnes.
J'ai lâché le levier, la lame est tombée.
Elle s'est arrêtée à la racine du cou de la reine comme si quelqu'un avait suspendu une vidéo à ce moment précis.
La reine contemplait toujours les mouvements des astres inexistants.

Cette nuit, j'ai fait un rêve.
J'étais attaché sur l'échafaud.
Mes poignets étaient fermement liés par une corde âpre et ça me faisait mal.
J’essayais de remuer mais je ne pouvais même pas bouger d'une semelle.
Une ombre sans visage était debout à côté de moi.
Ses traits étaient flous comme ils s’étaient recouverts d’un nuage épais.
Au-dessus, je pouvais voir la lame triangulaire qui était tel un corps pendu à une branche d'un arbre.
La figure ombrageuse caressait ma joue du dos de sa main, puis elle descendait le long de ma poitrine.
La sensation que donnait cette main était aussi vague que son visage.
Je sentais un air tiède souffler.
La main me quittait et je voyais la lame tomber.

Ça a été un bruit imperceptible qui m'a réveillé.
Il ressemblait à un bruit de pas mais il était trop faible pour être celui que fait un adulte.
Quelqu'un faisait des allers-retours en faisant attention à ne pas me réveiller.
J'ai entrouvert mes yeux.
Mes rétines se sont habituée petit à petit  à l'obscurité de la pièce.
J'avais oublié de fermer les rideaux si bien que la lumière extérieure des réverbères s'introduisait par la fenêtre.
Je vis vaguement des figures danser sous le clair de lune.
C'était mes poupées.
J'ai mis des lunettes et à travers les verres je me suis rendu compte qu'elles ne dansaient pas.
Elles faisaient une ronde main dans la main autour de la guillotine
La reine riait, Robespierre trottait, la serrure au bout du collier du roi marquait une cadence, la robe écarlate de la poupée tremblait telle une feuille dans le tourbillon.
Leurs bouches qui n'étaient qu'une simple cavité ovale s'ouvraient et se fermaient.
Il semblait qu'elles chantaient en chœur mais dans un silence absolu.
L'agonisant n'était pas là.
Je cherchais sa silhouette et je vis qu’il était figé sur l'échafaud.
Le regard fixé dans le vide, il avait une expression de souffrance identique à celle de tout à l'heure à part le fait que sa bouche était maintenant pleine ouverte.
Aucun son ne sortait de sa bouche parce que la poupée n'a pas de cordes vocaliques.
Le roi s'est avancé d'un pas, après avoir pris une ultime respiration, il s'est incliné devant le public comme un chef d'orchestre avant l'exécution puis il a lâché le déclic.
En un clin d’œil, la tête de l'agonisant est tombée.
Ses yeux écarquillés, sa bouche ouverte à tel point que la mâchoire était sur le point de décrocher, se découpaient telle une peinture baroque sous la lumière de la nuit.
Tout à coup, les autres poupées  s’arrêtèrent et elles ont longuement applaudi telle une audience qui venait d'assister à un concert inoubliable.
Les applaudissements ont retenti comme la sirène d'un bateau perdu au milieu de la mer.

Le lendemain lorsque je me suis réveillé, toutes les poupées avaient perdu leurs têtes.
Alors que la nuit précédente encore, seul l'agonisant l'avait perdue.
Leurs corps s'étaient dispersés comme à la suite d'un génocide
Il n'y avait aucune trace de sang.
La découpe des cous était aussi plate que celle d'un fromage.
J'ai fouillé partout pour les retrouver.
J'ai tiré tous les tiroirs, je me suis faufilé sous le lit, j'ai cherché dans les toutes les poches de mes vêtements ainsi que le placard poussiéreux.

De temps à autre, je fais encore un rêve.
C'est un rêve dans lequel les têtes de ces cinq poupées sont juxtaposées.
Et la sixième est la mienne.

dimanche 26 mars 2017

''Assassinat du Commendatore'' d'Haruki Murakami


Haruki Murakami est sans doute l'écrivain japonais contemporain le plus lu au monde.
Il est également le seul écrivain que je lis en japonais (Je lis tous les autres romans en français ou en anglais)
Malgré son caractère introverti et individualiste, c'est une véritable vedette dans le monde de la littérature.
Son nouveau roman ''Assassinat du Commendatore(KIshidancyô-goroshi) a même été imprimé plus d'un million trois cent mille exemplaires avant la publication.
Le jour de la sortie de ce roman, quelques librairies à Tokyo se sont exceptionnellement ouvertes toute la nuit pour ceux qui ne pouvaient même pas attendre une seconde pour le lire.
Certains de ses fans façonnent leur vie à la manière de personnages de Murakami.
Ils sont appelés ''Harukistes''.
Ils vont au café littéraire pour lire ensemble ses romans et partagent leurs avis.
(Mais il me semble personnellement que ce type d'activité ne correspond pas du tout au caractère des héros des romans de Murakami voire il est contraire. J'ai lu tous ses romans mais il n'y avait même pas un personnage qui allait au café pour partager son avis avec des gens. À moins que je ne sois pas trop tordu de penser une telle chose ?)
Vers 2014 ou 2015 (je ne me rappelle pas la date exacte), un site temporaire dans lequel l'auteur échangeait avec ses lecteurs s'étaient ouvert.
La plupart des questions étaient en japonais mais il y en avait aussi en anglais.
Je me rappelle qu'il avait dit qu'il n'aimaient pas le mot ''harukiste'' à cause de sa frivolité et qu'il préférait le mot ''Murakamiste'' à la sonorité plus sérieuse.
Je préfère donc m'appeler Murakamiste à Harukiste.
Les Murakamistes ne vont pas au café, ils lisent les romans de Murakami en cachette comme il y avait des gens qui lisaient ''des romans dégradants'' sous le régime du Nazi.

Je ne raconterai pas tout pour ceux qui attendent la version traduite qui sortira quatre ou cinq ans plus tard.
Mais je résume l'histoire pour vous la présenter brièvement.
Donc, s'il y a des gens qui ne veulent pas la connaître, je vous conseille de fermer tout de suite l'onglet et de vous enfuir.
Ne vous inquiétez pas, je ne vous chasserai pas.

Le protagoniste est un peintre de 36 ans.
Il a un certain talent mais il n'est pas encore un grand artiste.
Récemment il a divorcé de sa femme car elle avait un amant.
Mu par le désir de fuir, il a voyagé un peu partout dans le Japon.
Lorsqu'il est rentré, il s'est retrouvé seul.
Un ami de longue date dont le père est un grand peintre (Tomohiko AMADA) lui a proposé d'habiter l'atelier que son père utilisait.
Le peintre légendaire souffre désormais de la maladie d'Alzheimer et il mène une vie tranquille en attendant sa mort dans une maison de retraite luxueuse à Izu.
Il n'a aucune raison pour refuser cette vie.
Il s'est résigné et sa vie solitaire à la montagne commence...

J'ai l'impression que cette oeuvre revêt un caractère synthétique de tous ses romans.
Dans les œuvres de la première période, les protagonistes sont souvent des hommes trentenaires, chômeurs, dont les femmes les quittent soudainement ou qui simplement disparaît.
C'est curieux parce que l'auteur s’est marié très tôt (Il était encore étudiant) et à ma connaissance sa femme ne l'a jamais quitté.
Mais en quelque sorte, la disparition de la femme est son obsession.
Dans ses romans, pas mal d'objets et de personnages ont disparu.
Le "souris", un éléphant dans un zoo, un chat...
Marie AKIKAWA disparaît dans "Assassinat du Commendatore".
Il paraît qu'il y a quelques jours, ''Des hommes sans femmes'' est sorti en France.
Comme le titre indique, c'est un recueil de nouvelles dont toutes les histoires sont consacrées à des hommes sans femmes.
''L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage'' qui avait été publié l'année précédente au Japon m'avait franchement déçu.
Mais ''Des hommes sans femmes'' comprend des histoires touchantes et j'ai remarqué que son style avait subtilement changé, il est devenu plus solide et structurel.
Peut-être ''L'incolore Tsukuru Tazaki'' était un point de transmission pour l'écrivain ?
Dans celui-ci, il y avait un passage où le héros pénètre dans le rêve d'une fille.
Ce rêve est si réaliste et érotique que la fille en est fortement bouleversée.
''Assassinat du Commendatore'' a aussi un passage similaire.
Or, la fosse sombre qui est liée à un autre monde est aussi un sujet fréquent dans ses romans.
L'histoire d'un puits que raconte Naoko dans ''Flipper, 1973'', le puits dans lequel le héros est enfermé dans ''Chroniques de l'oiseau à ressort''.
Un passage obscure et mystérieux est déjà apparu dans ''la fin des temps'', dans ''Kafka sur le rivage''. deux déserteurs guident le protagoniste dans la forêt pour qu'il ne se perde pas.
L'idée d'une maison isolée dans une montagne me rappele ''La course au mouton sauvage''.
En plus, l'image d'une fille mystérieuse(Marie AKIKAWA) est aussi sans doute liée
à Fukaeri de ''1Q84''.
Et bien sûr, une métaphore personnifiée est encore présente.
(D'ailleurs, le sous-titre du second tome est intitulé ''Utsurou Métaphor(Métaphore érrant)''.Le verbe ''utsurou'' me semble intéressant car on ne l'utilise presque jamais, de plus la sonorité du mot ''utsuro(vide)'' et ''utsurou'' est assez proche.)

Voici, la scène que j'ai aimée (J'ai traduit par moi-même, la traduction professionnel sera différente)

''-Qui êtes-vous ? Etes-vous aussi une sorte d'idée  ?
-Non, Monsieur. Je ne suis pas une idée, je ne suis qu'une métaphore. 
-Métaphore ? 
-Oui, Monsieur. Je ne suis qu'une pauvre métaphore. J'existe pour lier une chose à une autre. Donc pour l'amour de Dieu, pardonnez-moi'' 
Mon esprit s'est mis à divaguer. 
''-Si vous êtes une métaphore, dites-moi une métaphore à l'improviste. Vous pourrez le faire. 
-Je ne suis qu'une métaphore inférieure. Il m"est impossible de créer une métaphore spirituelle.  
-Elle n'a pas besoin d'être spirituelle. Dites-moi quelque chose.'' 
Le long-visage a réfléchi pendant un certain temps puis il a dit,

-Il était quelqu'un de très remarquable, comme un homme qui porte un chapeau à pointe orange dans un train de banlieue bondé. 
Bien entendu, ce n'était pas une métaphore excellente, ce n'en était même pas une. 
-Ce n'est pas une métaphore. C'est une figure, lui a-je dis. 
-Pardonnez-moi, j'en crée une autre, a dit le long-visage, la sueur sur son front. 
-Il a vécu comme s'il portait un chapeau à pointe orange dans un train de banlieue bondé. 
-Ça n'a pas de sens, d'ailleurs, ce n'est pas encore une véritable métaphore. Je ne peux pas croire que vous le soyez. Je vous tue.''

Mon personnage préféré est Menshiki.
C'est un homme mystérieux aux cheveux blancs, il habite dans une villa magnifique dans le voisinage du protagoniste.
Il a de la noirceur dans son cœur mais il n'est pas méchant.
Il est juste condamné à vivre avec cette obscurité.
Il avait choisi de vivre dans un lieu si incommode pour observer une fille censée être son propre enfant.
Suis-je le seul qui y ai remarqué une influence de ''Gatsby le Magnifique'' que l'auteur avait même traduit en japonais ?
Un homme riche et ombrageux qui mène une vie solitaire dans le voisinage du narrateur en cherchant l'occasion de s'approcher d'une femme...

Murakami a toujours été un écrivain qui cherche un nouveau chemin à travers la création de romans.
Lorsqu'on lit depuis ''L'écoute le chant du vent'' et toute son oeuvre, on comprend comment il y parvient.
Celui-ci est un ouvrage encore plus profond et élaboré qui laisse au lecteur de longues résonances après la lecture tel le dernier sifflet du train.

samedi 25 mars 2017

L'être suprême

Hier, je détestais le soleil.
Aujourd'hui, je le haïs.
Demain, je le maudirai.

C'était un jour ordinaire sans plaisir ni particularité où j'ai vu pour la première fois l'être suprême.
J'étais en train de déprimer comme d'habitude.
Je maudissais le soleil qui brûlait ma peau.
J'attendais le bus qui m'amènerait à l'université.
Mais ce jour-là, je ne voulais pas y aller parce que ma dépression était profonde.
Je voulais rester dans ma chambre et je voulais admirer le plafond.
Si j'avais contemplé les taches abstraites du plafond qu'avait laissé l'ancien résidant, de diverses images seraient nées et ma dépression se serait dissipée comme un mistral déchire un nuage.
Cependant, je n'avais plus la force d'y retourner.

Je suis monté dans le bus.
J'ai dit ''Bonjour'' au chauffeur mais ma voix était trop fragile.
Comme j'étais parti de la soirée, il n'y avait guère de passagers dans le bus.
Je me suis assis dans le fond.
À ce moment-là, je me suis rendu compte que l'être suprême était assise juste derrière le compartiment qui séparait le siège du conducteur.
J'ai été étonné parce qu'auparavant, je n'avais jamais vu l'être suprême.
Certes, dans le monde il y a beaucoup de belles femmes, comme il y a des femmes moyennes et aussi des femmes dont la beauté est loin de la valeur humaine actuelle.
À vrai dire, je ne m'étais jamais intéressé à la femme.
Cependant, la beauté de l'être suprême dépassait la limite de ma raison comme un oiseau de passage franchit facilement les frontières.

Ma mélancolie s'est dissipée.
Un paysage que je n'avais jamais rencontré est apparu devant moi, comme une cité s'élève dans le mirage.
L'être suprême regardait indifféremment la fenêtre.
Si bien que je voyais bien son profil suprême.
Elle avait les cheveux entièrement noirs comme les miens, mais les siens étaient incomparables aux n'importe quels cheveux du monde.
Ses yeux qui étaient bruns foncés ou presque noirs n'étaient ni trop grands ni trop petits.
Son nez était relativement bas pour une femme occidentale mais il était soigneusement entassé telle une berge d'un beau jour du printemps.
Ses lèvres petites et rouges m'ont rappelé deux carpillons qui nagent ensemble.
Même De Vinci n'aurait pas pu réaliser un visage aussi parfait...
Je voulais mesurer avec une règle la proportion de chaque partie de ses traits comme héritage pour la postérité mais j'ai dû finalement renoncer à cette idée.

L'être suprême était étudiante à la même université que moi.
Après être descendu du bus, nous marchions dans la même direction.
Mais je ne pouvais plus la regarder parce que sa beauté suprême m'effrayait.
Lorsque je m’en suis rendu compte, elle avait disparu quelque part.

Plus tard, j'ai appris par hasard que l'être suprême était étudiante en japonais.
Mais je ne lui parlerai jamais, parce que le fait qu'un homme laid adresse la parole à une belle femme est considéré comme un grand crime.
Si j'avais engagé une conversation avec l'être suprême, j'aurais aussitôt été capturé par la police secrète, ils m'auraient bandé les yeux et les poignets et ils m'auraient fusillé devant le public.
Par la suite, mon corps aurait été exposé devant l'entrée de l'université et la photo aurait été partagée d’innombrable fois sur Facebook.
Je suis encore jeune.
Je ne veux pas mourir d'une telle manière.

Le fait que l'être suprême avait les traits d'une Japonaise (les cheveux et les yeux noirs, le nez relativement petit et les lèvres discrètes) m'a profondément déplu.
Avait-elle du sang asiatique ?
Le pays du soleil levant est un pays que je haïs autant que le soleil.
Une image vive de l'être suprême qui se brûle m'est venue à l'esprit.
Par la suite, le désir de brûler mon être l'a doublée.
L'être suprême s'est brûlée dans le brasier.
Ses cendres volant dans l'air ressemblaient à des cristaux de neige.

lundi 20 mars 2017

Le film ''La Révolution française ; Les années lumières, les années terribles''



Ce film dure pendant six heures. 
La première partie est nommée ''Les années lumières'', la seconde partie, ''Les années terribles''. Ce long film couvre presque tous les événements historiques de la Révolution française depuis la prise de la Bastille jusqu'à la chute de Robespierre. 
Ce que j'ai apprécié avec ce film, c'est le fait que les deux cinéastes ont tenté de rester le plus neutre possible. 
Si bien que le film est réaliste sans enjolivement ni interprétation subjective.
J'ai eu la sensation que je regardais Paris en 1789 par le trou d'une serrure.
La Révolution française est attirante parce que le destin de gens s'entrecroise et vole comme le dernier feu d'artifice de l'été. 
La plupart d'entre eux, s'ils étaient nés dans une autre époque, auraient eu une vie différente. 
Louis XVI aurait pu mener une vie tranquille comme étant le roi de la bonté. 
Les cheveux de Marie Antoinette ne seraient pas devenus tout blancs. 
Robespierre aurait fini sa vie en tant qu'excellent avocat. 
Même les gens inconnus qui sont morts et enfouis sous un épais voile de l'histoire auraient aussi vécu différemment.

Maximilien Robespierre était un homme de parole. 
Doté de son intelligence et de son éloquence de naissance, il a d'abord commencé sa carrière comme avocat. Il est ensuite devenu député et quand il s'en est rendu compte, il était devenu l'un des premiers dictateurs de l'humanité.
C'était quelqu'un de progressiste et humaniste (au moins, au début). 
En France, la guillotine a fonctionné pour la dernière fois en 1977, elle a finalement été abolie avec la peine capitale sous le gouvernement de François Mitterrand en 1981.(La France est l'un des derniers pays européens qui l'a abolie. Même à l'époque, environ soixante pour-cent de la population était favorable à la peine capitale) 
Mais Robespierre avait déjà réclamé l'abolition de la peine de mort en 1791. 
On peut encore lire ce discours sur Internet. 
La vivacité de cette harangue m'étonne.
 
''Mais la société, quand la force de tous est armée contre un seul, quel principe de justice peut l’autoriser à lui donner la mort ? Quelle nécessité peut l’en absoudre ? Un vainqueur qui fait mourir ses ennemis captifs est appelé barbare ! Un homme qui fait égorger un enfant, qu’il peut désarmer et punir, paraît un monstre ! Un accusé que la société condamne n’est tout au plus pour elle qu’un ennemi, vaincu et impuissant ; il est devant elle plus faible qu’un enfant devant un homme fait.''
 

Si on m'avait dit que ce discours avait été écrit la veille par un homme politique quiconque, je l'aurais cru.

Cependant, plus tard depuis le trône du tribunal révolutionnaire, il a envoyé plus de deux milles personnes à l'échafaud. (Certains spécialistes disent qu'il y en avait encore plus). 
Dans le film, le jour de l'exécution de Danton, Robespierre est resté dans sa pièce dont touts les volets étaient fermés et dans la pénombre il méditait sur quelque chose. 
Une servante ou la propriétaire de sa pension lui avait proposé de les ouvrir mais il a refusé cette proposition d'un ton tranchant.
Il y a une anecdote célèbre où lorsque Louis XVI a visité le Lycée-Louis-le-Grand après son couronnement de Reims, Robespierre dans sa jeunesse s'était mis à genoux devant le roi en tant que représentant de tous les élèves et il lui avait adressé des félicitations en latin sous la pluie.
À ce moment-là, une moindre idée avait-elle traversé son esprit pour faire exécuter cet homme un jour ?
Il y a une scène qui s'est gravée dans ma mémoire. J'ai oublié si c'était le Palais des Tuileries ou le château de Versailles ou une auberge où ils étaient restés une nuit lors de la fuite de Varennes ; C'est le bâtiment où était la Reine qui fut soudainement entouré d'une foule surexcitée. 
Par une fenêtre, elle a vu danser la tête d'une femme décapitée. 
En réalité, c'était une tête qui se balançait au bout d'une pique. 
Elle a failli s'évanouir. 
Peut-être avait-elle reconnu son visage dans la tête de cette femme inconnue dont les yeux la fixaient.
Le 27 Juillet en 1794, l'homme de parole a perdu ses mots. 
Les députés et les citoyens qui ne supportaient plus la Terreur ont renversé les pouvoirs de Robespierre. 
Lui et ses partisans ont fui dans l'hôtel de ville de Paris. 
Comme son armée (dont le général était complètement ivre) attendait son ordre pour intervenir, s'il l'avait voulu, il aurait pu réprimer la révolte. 
Mais il ne voulait pas être appelé dictateur. 
Il ne devait pas comprendre pourquoi il était appelé tyran.
''Je me battais toujours pour la République, je me dévouais toujours à la réalisation de l'idéal de la Révolution et j'étais toujours à côté des opprimés...''
Durant l’invasion des soldats de l'Assemblée, Robespierre s'est grièvement blessé la mâchoire. Le corps de son ami fidèle, Le Bas, qui s'était suicidé avec un pistolet créait une mare de sang sur le sol.
On ne sait toujours pas comment il s'est blessé au menton. 
Les deux hypothèses principales sont les suivantes ; 1. Il a simplement échoué dans sa tentative de suicide (mais cette hypothèse me semble bizarre. Quand on se suicide, on ne tire pas sur son visage. Sa main tremblait-elle ? ). 
2.Il avait reçu une balle qu'avait tiré un soldat. 
Alors, comment cette scène était-elle dépeinte dans le film ? 
Dans le tumulte, un soldat s'était jeté sur son dos, et dû à son élan de ce saut brusque, au moment où Robespierre était tombé sur le sol, il avait tiré avec son pistolet par accident et la balle l'avait touché au menton. 
En tous cas, il ne pouvait plus rien dire. 
Dans le film, Robespierre blessé a été allongé sur une table, Saint-Just qui le regardait avec une certaine compassion mélangée au mépris, en jetant un coup d’œil sur l'affiche des droits de l'homme, a murmuré ''Au moins, nous avons fait quelque chose...''
Le lendemain, au tribunal révolutionnaire, le magistrat Fouquier-Tinville, qui exécutait de nombreuses peines de mort selon les instructions de Robespierre, a prononcé à son encontre la peine capitale. (Lui-même a été guillotiné plus tard)
Vers dix-huit heures, Robespierre est monté sur l'échafaud de la place de la Révolution auquel il avait envoyé des milliers de personnes. 
Comme il avait ressenti le besoin de l'exécution du roi pour mettre fin à l'ancien régime, les citoyens ont eu besoin de sa mort pour terminer la Révolution. 
La chute de sa tête était la cloche qui annonçait la fin de la Terreur.

Une Strasbourgeoise qui regardait la scène par hasard, a pris à la dérobée la tête de Robespierre qui se trouvait avec d'autres têtes dans le chariot. 
Dans son atelier, elle a secrètement créé son masque mortuaire.

dimanche 12 mars 2017

La poupée de Robespierre (3)

Une pensée métaphysique sur la guillotine 

Je lui ai dit que j'aimerais acheter la poupée de l'homme à lunettes et celle de la fille sobre.

''-Je vous ai dit que c'est la série Révolution, m'a-t-elle dit.
-C'est-à-dire ?
-C'est un assortiment.Ils ne sont pas séparables comme un service à thé, comme les Gémeaux, comme deux amants qui s'aiment ! Vous ne pouvez pas choisir celle-ci ou celle-là. Ne vous en souciez pas, de toute façon, le prix ne changera pas...''

C'est ainsi que j'ai acheté ces poupées pour seulement soixante-dix euros.
La vieille m'a gentiment offert la maquette de guillotine.
J'ai fait un bon achat.

Ma préférée était la fille sobre.
Contrairement aux autres poupées qui étaient habillées en couleur douce, celle-ci était habillée d'une robe écarlate.
Ses grands yeux bleus purs comme un ciel d'été m'ont beaucoup plu,
Un jour, dans un livre je suis tombé sur le portait d'une jeune femme qui lui ressemblait.
Cette femme avait le même éclat dans ses yeux que ma poupée.
Elle souriait timidement, une masse de cheveux châtains était tombée sur son épaule comme un écureuil dormant.
Sur l'annotation il était écrit que ce portrait en pastel avait été dessiné en prison, le jour même de l'exécution de cette femme.
Malgré le fait qu'elle allait être guillotinée dans quelques heures, elle gardait sa sérénité.
Elle portait une chemise blanche, qui était dorée sous l'effet de la lumière.
D'après ce qui était écrit dans ce livre, juste avant son exécution, elle avait souhaité mourir en portant sa robe écarlate et c'est pourquoi elle avait changé d'habit.
Le bourreau qui l'avait accompagnée jusqu’à la place de la Révolution avait laissé une note détaillée.
Il décrivit la scène comme le suivant ;

''Nous montâmes dans la charrette. Il y avait deux chaises, je l’engageai à s’asseoir, elle refusa. Je lui dis qu’elle avait raison et que, de la sorte, les cahots la fatigueraient moins, elle sourit encore, mais sans me répondre. Elle resta debout, appuyée sur les ridelles. Firmin, qui était assis derrière la voiture, voulut prendre le tabouret, mais je l’en empêchai, et je le mis devant la citoyenne, afin qu’elle pût y accoter un de ses genoux. Il plut et il tonna au moment où nous arrivions sur le quai ; mais le peuple, qui était en grand nombre sur notre passage, ne se dispersa pas comme d’habitude. On avait beaucoup crié au moment où nous étions sortis de l’Arcade, mais plus nous avancions, moins ces cris étaient nombreux. Il n’y avait guère que ceux qui marchaient autour de nous qui injuriaient la condamnée et lui reprochaient la mort de Marat. À une fenêtre de la rue Saint-Honoré, je reconnus les citoyens Robespierre, Camille Desmoulins et Danton. Le citoyen Robespierre paraissait très animé et parlait beaucoup à ses collègues, mais ceux-ci, et particulièrement le citoyen Danton, avaient l’air de ne pas l’écouter, tant ils regardaient fixement la condamnée. Moi-même, à chaque instant, je me détournais pour la regarder, et plus je la regardais, plus j’avais envie de la voir. Ce n’était pourtant pas à cause de sa beauté, si grande qu’elle fût ; mais il me semblait impossible qu’elle restât jusqu’à la fin aussi douce, aussi courageuse que je la voyais, je voulais m’assurer qu’elle aurait sa faiblesse comme les autres, mais je ne sais pas pourquoi, chaque fois que je tournais mes yeux sur elle, je tremblais qu’elle n’eut défailli. Cependant, ce que je regardais comme impossible est arrivé. Pendant les deux heures qu’elle a été près de moi, ses paupières n’ont pas tremblé, je n’ai pas surpris un mouvement de colère ou d’indignation sur son visage. Elle ne parlait pas, elle regardait, non pas ceux qui entouraient la charrette et qui lui débitaient leurs saletés, mais les citoyens rangés le long des maisons. Il y avait tant de monde dans la rue que nous avancions bien lentement. Comme elle avait soupiré, je crus pouvoir lui dire : « Vous trouvez que c’est bien long, n’est-ce pas ? » Elle me répondit : « Bah ! nous sommes toujours sûrs d’arriver », et sa voix était aussi calme, aussi flûtée que dans la prison.Au moment où nous débouchâmes sur la place de la Révolution, je me levai et me plaçai devant elle pour l’empêcher de voir la guillotine. Mais elle se pencha en avant pour regarder et elle me dit : « J’ai bien le droit d’être curieuse, je n’en avais jamais vu ! » Je crois, néanmoins, que sa curiosité la fit pâlir, mais cela ne dura qu’un instant et presque aussitôt son teint reprit ses couleurs qui étaient fort vives. Au moment où nous descendions de la charrette je m’aperçus que des inconnus étaient mêlés à mes hommes. Pendant que je m’adressais aux gendarmes pour qu’ils m’aidassent à dégager la place, la condamnée avait rapidement monté l’escalier. Comme elle arrivait sur la plateforme, Firmin lui ayant brusquement enlevé son fichu, elle se précipita d’elle-même sur la bascule où elle fut bouclée. Bien que je ne fusse pas à mon poste, je pensai qu’il serait barbare de prolonger, pendant une seconde de plus, l’agonie de cette femme courageuse, et je fis signe à Firmin qui se trouvait auprès du poteau de droite, de lâcher le déclic.''

J'aime bien cette parole, « J’ai bien le droit d’être curieuse, je n’en avais jamais vu ! », puisqu'on y reconnaît tout de même une sorte de bravade d'une fille de son âge.
A-t-elle au moins regretté à ce moment-là son acte brave ?
Peut-être un peu ou un instant, mais je suis sûr qu'elle dirait ''non''.

Il y a une anecdote célèbre sur l'exécution de cette fille.
Un adjoint de ce bourreau, probablement surexcité par l'exaltation de la foule, a frappé sa tête maintenant détachée de son corps.
L'enthousiasme du grand public a vite changé en une frayeur car ils ont vu la tête rougir et transpercer l'adjoint d'un regard haineux.
Malheureusement l'époque était encore loin de l'invention du smartphone.
Personne n'a pu filmer la scène.
D'après certains spécialistes, à cause du rayon du soleil du crépuscule et à la suite du changement brusque de la pression artérielle, sa tête semblait rougir et indignée.
Mais cette opinion ne dépasse pas la limite d'hypothèse car nul ne sait ce qui se passe après être guillotiné.
Cependant, d'après un de ses parents, c'était une fille décidé ;
''Elle ne faisait que ce qu’elle voulait. On ne pouvait pas la contrarier, ceci était inutile, elle n’avait jamais de doutes, jamais d’incertitudes. Son parti une fois pris, elle n’admettait plus de contradiction.''
Ce témoignage n'est guère douteux.
Sinon comment une jeune femme de son âge aurait pu assassiner ''l'ami du peuple'' d'un seul coup de couteau ?
Si elle avait un caractère opiniâtre, le fait que le grand public ait cru que sa tête rougit d'indignation serait devenu probable.

J'imagine encore et encore le moment où le tranchant de la guillotine s'est enfoncé dans la chair de sa nuque, l'instant où sa tête est tombée sur le plancher, le moment précis et éphémère où une jeune fille charnelle a été transformée en une poupée gigantesque.
Qui aurait cru que le temps était sans retour ?
Quand j'étais enfant, mon psychiatre m'a demandé de ne jamais dire aux autres, puis il a chuchoté à mon oreille qu'en réalité, chaque instant est éternel et que le temps est sporadique.

Maximilien Robespierre reviendra infiniment pour guillotiner un millier de citoyens, le tranchant de la guillotine tombera pour la millionième fois, afin de décapiter la poupée de la fille.

vendredi 10 mars 2017

La poupée de Robespierre (2)


Le 30 Juillet, 30 de la rue des Cordeliers

J'avais acheté des poupées aux marchés aux puces lorsque j'ai voyagé à Paris.
Il y avait de la brume.
Le ciel était grisâtre et instable comme une femme qui était sur le point de sangloter.
Je longeais les stands en jetant un coup d’œil sur les vieilleries.
Les affiches des années vingt, les bouquins qui sentait la moisissure, les poteries dont je ne connaissais pas la valeur....
Sur un stand, des jolies poupées ont tout à coup attiré mon regard.
Malgré un tas de vieilleries qui les entouraient, elles étaient facilement remarquables comme si cette rencontre était prédestinée.
Il semblait qu'elles me fixaient du regard.
J'ai été aussitôt ensorcelé.
Au fond de ce stand, une vieille dame dont les yeux étaient dépolis était assise.
Elle m'a jeté un coup d’œil mais elle était indifférente à ma présence.
Ses yeux étaient brouillés telle une rivière après l'orage, je me suis demandé si elle n'était pas aveugle.
Elle s'était rendue compte que j'étais attiré par ses poupées.

-C'est la série Révolution, m'a-t-elle dit d'une voix rauque, très désagréable à entendre.

Il y avait la poupée d'un homme coquet, celle d'une fille sobre et d'une femme en robe splendide et d'un homme potelé.
En outre, il y avait aussi la poupée d'un homme dont le visage était étrangement déformé.
Le dessous de son visage était courbé comme s'il était tiré par une main invisible.
Son teint était livide comme s'il agonisait, son expression semblait à fois douloureuse et voluptueuse selon les aspects.
Je me suis convaincu que le créateur de ces poupées avait raté celui-ci.
À côté de lui, se trouvait un objet étrange qui ressemblait à une porte immense et dépouillée.
Deux supports en bois noirâtre s'étendaient vers le ciel comme des cyprès juxtaposés.
Je me suis rappelé soudainement que dans une nouvelle de Kafka, il y avait une histoire dans laquelle un homme était exécuté par une machine étrange.
Elle ressemblait à deux coffres.
Un prisonnier a été attaché fixement sur l'un des coffres, puis l'aiguille qui était fixée sur l'autre s'est mise à graver petit à petit le verdict sur son dos.
Lorsque cette machine a achevé son travail, l'homme n'était plus qu'un cadavre.
Au moment où je songeais au cadavre de ce condamné sur le coffre, je me suis rendu compte que cet objet était une guillotine minuscule.
Elle avait même un tranchant triangle.
Le tranchant était partiellement rouillée comme elle avait réellement été utilisée.
Or, était-ce des traces de sang ?

''-C'est comme une vraie guillotine !, fis-je.
-Voulez-vous l'essayer ?, m'a-dit la vieille.''

Cette idée m'a un peu terrifié, mais je me suis dit que même si elle était vraisemblable, elle n'était qu'une maquette.

J'ai mis mon auriculaire dans le trou où les condamnés à mort devaient poser leurs têtes.
La vieille riait en me montrant ses dents jaunies.
Elle avait l'air à la fois triste et joviale.
Aussitôt qu'elle a lâché le déclic, la lame minuscule est tombée.
J'ai eu la sensation du fer froid sur mon doigt.
Je l'ai tiré et j'ai confirmé qu'il n'était pas tranché.
Peut-être le tranchant était-il factice ou peut-être était-il trop rouillé.

J'ai poussé un soupir.

jeudi 9 mars 2017

La poupée de Robespierre



J'avais une poupée de Robespierre. 
Il y a quelques semaines, j'ai lu sur Internet un article sur la reconstitution faciale de ce fameux dictateur de la Révolution française.
En bref, contrairement à ce que les documents historiques disaient, le visage reconstitué de Robespierre était laid.
À travers l'écran, ses petits yeux bleu-gris me transperçaient, son nez était bas telle une colline érodée.
Ses lèvres opiniâtrement serrées m'ont rappelé un coquillage bivalve qui ne s'ouvrait jamais.
D'ailleurs, sa peau était couvert de multiples petits trous comme la surface de la lune.
Cependant, ce Robespierre reconstitué à nouveau avait quand bien même des traits communs avec son portait peint au XVIIIe siècle.
Le profil, les lèvres droites, ses sourcils montraient sa volonté obstinée de ne jamais renoncer à la Révolution.
Par contre, sur ce portrait, sa peau est lisse comme une mer sans vague.
Ce fait prouve que l'auteur de ce portrait, qu'on a jamais pu identifier avait réellement vu ce jeune révolutionnaire.
Mais si ce visage a été reconstitué correctement, ça veut dire que ce portait est beaucoup plus embelli que la réalité.
Alors pourquoi ce peintre inconnu l'avait-il embelli ?
Il était sans doute un de ses partisans.
Il devait le voir comme un ange qui venait d'arriver sur la terre, et l'ange ne contracte jamais la variole.
Sinon, il peut-être avait peur d'être envoyé à l'échafaud s'il avait peint un portait réel de Robespierre.
Heureusement, ma poupée se différait de la reconstitution faciale.
Elle était plus proche du portait historique.
Ce Robespierre miniature, mesurant environ vingt centimètres, avait la peau lisse telle une faïence.
Ses lèvres roses esquissaient un sourire angélique.
Son visage cependant était aussi dénué d'expression qu'un masque de nô, mais il me semblait toujours qu'il fronçait un peu le sourcil à travers ses lunettes de poupée comme s'il essayait de voir au loin.
Cette poupée était minutieusement faite, pas seulement son corps, mais aussi l'habit qu'il portait et la note qu'il tenait à la main.
C'est comme si ces objets avaient été rapetissés par une force surnaturelle.
Il avait des articulations sphériques aux membres.
Ainsi je pouvais lui donner la position que je le voulais.
Je l'ai mis dans une boîte en verre, je l'ai posée à côté de la fenêtre.
Je me plaisais à le contempler.
À cause de la douceur de la lumière matinale, ses joues avaient un effet rosâtre comme s'il était réellement en vie.
Il lisait attentivement sa note sur une chaise de poupée en bois.
Peut-être était-ce une liste des gens à guillotiner.
Le verre a reflété de temps à autres mon visage qui l'admirait.