samedi 25 mars 2017

L'être suprême

Hier, je détestais le soleil.
Aujourd'hui, je le haïs.
Demain, je le maudirai.

C'était un jour ordinaire sans plaisir ni particularité où j'ai vu pour la première fois l'être suprême.
J'étais en train de déprimer comme d'habitude.
Je maudissais le soleil qui brûlait ma peau.
J'attendais le bus qui m'amènerait à l'université.
Mais ce jour-là, je ne voulais pas y aller parce que ma dépression était profonde.
Je voulais rester dans ma chambre et je voulais admirer le plafond.
Si j'avais contemplé les taches abstraites du plafond qu'avait laissé l'ancien résidant, de diverses images seraient nées et ma dépression se serait dissipée comme un mistral déchire un nuage.
Cependant, je n'avais plus la force d'y retourner.

Je suis monté dans le bus.
J'ai dit ''Bonjour'' au chauffeur mais ma voix était trop fragile.
Comme j'étais parti de la soirée, il n'y avait guère de passagers dans le bus.
Je me suis assis dans le fond.
À ce moment-là, je me suis rendu compte que l'être suprême était assise juste derrière le compartiment qui séparait le siège du conducteur.
J'ai été étonné parce qu'auparavant, je n'avais jamais vu l'être suprême.
Certes, dans le monde il y a beaucoup de belles femmes, comme il y a des femmes moyennes et aussi des femmes dont la beauté est loin de la valeur humaine actuelle.
À vrai dire, je ne m'étais jamais intéressé à la femme.
Cependant, la beauté de l'être suprême dépassait la limite de ma raison comme un oiseau de passage franchit facilement les frontières.

Ma mélancolie s'est dissipée.
Un paysage que je n'avais jamais rencontré est apparu devant moi, comme une cité s'élève dans le mirage.
L'être suprême regardait indifféremment la fenêtre.
Si bien que je voyais bien son profil suprême.
Elle avait les cheveux entièrement noirs comme les miens, mais les siens étaient incomparables aux n'importe quels cheveux du monde.
Ses yeux qui étaient bruns foncés ou presque noirs n'étaient ni trop grands ni trop petits.
Son nez était relativement bas pour une femme occidentale mais il était soigneusement entassé telle une berge d'un beau jour du printemps.
Ses lèvres petites et rouges m'ont rappelé deux carpillons qui nagent ensemble.
Même De Vinci n'aurait pas pu réaliser un visage aussi parfait...
Je voulais mesurer avec une règle la proportion de chaque partie de ses traits comme héritage pour la postérité mais j'ai dû finalement renoncer à cette idée.

L'être suprême était étudiante à la même université que moi.
Après être descendu du bus, nous marchions dans la même direction.
Mais je ne pouvais plus la regarder parce que sa beauté suprême m'effrayait.
Lorsque je m’en suis rendu compte, elle avait disparu quelque part.

Plus tard, j'ai appris par hasard que l'être suprême était étudiante en japonais.
Mais je ne lui parlerai jamais, parce que le fait qu'un homme laid adresse la parole à une belle femme est considéré comme un grand crime.
Si j'avais engagé une conversation avec l'être suprême, j'aurais aussitôt été capturé par la police secrète, ils m'auraient bandé les yeux et les poignets et ils m'auraient fusillé devant le public.
Par la suite, mon corps aurait été exposé devant l'entrée de l'université et la photo aurait été partagée d’innombrable fois sur Facebook.
Je suis encore jeune.
Je ne veux pas mourir d'une telle manière.

Le fait que l'être suprême avait les traits d'une Japonaise (les cheveux et les yeux noirs, le nez relativement petit et les lèvres discrètes) m'a profondément déplu.
Avait-elle du sang asiatique ?
Le pays du soleil levant est un pays que je haïs autant que le soleil.
Une image vive de l'être suprême qui se brûle m'est venue à l'esprit.
Par la suite, le désir de brûler mon être l'a doublée.
L'être suprême s'est brûlée dans le brasier.
Ses cendres volant dans l'air ressemblaient à des cristaux de neige.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire