Comme plusieurs personnes m'en ont parlé, j’ai aussi regardé « Une affaire de famille » de Hirokazu Koré-eda. Je préviens mes lecteurs (s'il y en a) que je gâche la fin de ce film dans cet article pour écrire mon avis.
« Une affaire de famille » parle d’une famille pauvre qui vit dans un quartier populaire de Tokyo. Le père, Osamu, est un ouvrier journalier. La mère, Nobuyo travaille dans une usine de pressing. La fille, Aki, travaille dans une maison de « peep-show ». Le fils, Shôta, aide Osamu à voler à l’étalage. La grand-mère, Hatsué vit de ses pensions. Elle rend régulièrement visite chez la famille du fils de son ex-mari défunt pour leur demander des « dommages-intérêts ». La famille vit du salaire d’Osamu et de Nobuyo, des pensions de la grand-mère, et de vols à l’étalage. (Aki garde son salaire à elle).
Un soir d’hiver glacial, pendant qu'Osamu et Shôta rentrent ensemble chez eux, ils trouvent une petite fille qui tremble de froid dans le balcon extérieur d’un HLM. Osamu ne peut pas la laisser dehors, et l'amène chez lui. Après avoir partagé le dîner, Nobuyo et Osamu vont ramener la fillette au HLM, jusqu’à devant le balcon où elle tremblait de froid. À ce moment-là, ils entendent la dispute d’un couple, et le cri de la femme disant : « Je ne voulais pas de cette enfant non plus ! ». Abasourdis, Osamu et Nobuyo sont incapables de rendre la fillette, et ainsi un nouveau membre rejoint la famille qui vit de vol à l’étalage.
Ce qui est interrogé est le lien de la famille. En fait, dans la dernière partie du film, il s’avère que cette famille qui vit de vols à l’étalage n’a aucun lien de sang l’un et l’autre, et les (faux) parents, Osamu et Nobuyo, sont arrêtés par la police si bien que tous les autres membres se retrouvent séparés bien qu’ils vivaient comme une véritable famille. Aki retourne chez ses véritables parents qui la négligeaient. Shôta entre dans une institution qui accueille les orphelins, et la fillette est renvoyée à ses vrais parents qui la maltraitent. Le film se termine par la scène où elle joue toute seule dans le balcon de son HLM et qu’elle regarde l’extérieur comme lorsqu’Osamu l’avait trouvée, ce qui montre que la fillette est de nouveau maltraitée auprès de ses « vrais parents ». Cette scène de la fin m’a rappelé une véritable affaire de la mort d’une fillette agressée quotidiennement par ses parents, qui avait eu lieu il y a quelques semaines au Japon. Ainsi, une certaine critique envers la société japonaise de la part du cinéaste se transparaît dans ce film.
Par ailleurs, il est intéressant que l’idée d’une fausse famille qui vit de vols a une dimension très invraisemblable. Ce noyau imaginaire est entouré d’une dimension crue et si réaliste que le film fait penser de temps en temps à un reportage sur les gens d’en bas de la société.
J’avoue de ne pas connaître suffisamment de films japonais, mais j’ai l’impression que les cinéastes japonais ont traditionnellement tendance à construire un univers à partir de l’infime de la vie quotidienne. C’est aussi le cas d’« une affaire de famille ». Dans ce sens, je pense que Koré-eda s’inscrit dans la lignée du cinéaste Yasujirô Ozu, sur lequel Aki Kaurisumaki dit les propos intéressants : « Il n’a pas utilisé ni violence ni meurtre ni pistolet pour dire tout ce qui est essentiel de la vie humaine ». Cette esthétique ne correspond-t-il pas aussi à Koré-eda ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire