dimanche 10 février 2019

Les Trois brigands


 La France n'était encore pour moi qu'un pays lointain dont je connaissais uniquement le nom comme un royaume dans un conte de fée, que déjà je lisais encore et encore des albums de Tomi Ungerer. Dans la bibliothèque de mon école primaire qui a été fermée il y a plusieurs années à cause du manque d’enfants, il y avait les « Trois brigands », et je contemplais ces dessins sans me lasser. Dans ma famille, on avait l’habitude d’aller à la bibliothèque au lieu d'acheter des livres. Les « Trois Brigands » a été l’un des rares livres que j’ai demandé à mes parents d’acheter pour que je puisse le lire quand je le voulais. Ce livre à dessin qu’ils m’ont ainsi offert il y a plus de quinze ans maintenant, lorsque j’étais en primaire, demeure toujours sur l’étagère de ma chambre chez mes parents, avec la date de l’achat : « le XX YY, la quinzième année de l’ère Heisei ».
 Cependant, j'ai toujours cru que l’artiste était américain, parce que sur le dos de la couverture du livre, accompagnant une photo avec un enfant, peut-être son fils, il était écrit qu’il vivait aux États-Unis. C’est beaucoup plus tard que j’ai appris qu’il était originaire de Strasbourg, et qu’il s’était expatrié aux États-Unis dans sa jeunesse pour tenter sa chance en tant que dessinateur. 
 Pendant ma première année à Strasbourg, j’empruntais souvent des albums de reproduction de Tomi Ungerer à la BNU. Admirer ses dessins caricaturaux, humoristiques, et un peu effrayants était mon divertissement du dimanche après-midi. J’ai évidemment visité le musée Tomi Ungerer qui expose des œuvres d’enfance de l’artiste que sa mère avait conservées avec soin. Les œuvres créées par Tomi Ungerer dans son enfance permettent déjà de comprendre que c’était un enfant doté d’un talent incomparable et unique. Son style n’est pas encore complètement abouti, mais les visiteurs s’étonneront que ces dessins, prophétisant ce que ce prodige deviendra dans l’avenir, manifestent déjà une grande originalité et un côté obscur.
 Je passe tous les jours devant le musée Tomi Ungerer pour aller à l’université. Dans le jardin, les trois brigands, aux chapeaux et manteaux de la couleur de la nuit, tournent leur regard vers la Place de la République. Ce n'est pas une rencontre mais des retrouvailles. Lorsque je leur jette un coup d’œil, ils me regardent.

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