Comme la semaine dernière, j’ai vu ma
partenaire Tandem en sous-sol du Portique. Nous avons échangé des propos en japonais
et en français. Il s’est avéré aujourd’hui que nous avions des goûts quasiment
opposés. Je lui a dit que j’avais beaucoup aimé « Les Confessions » de
Jean-Jacques Rousseau que j’avais étudié au premier semestre.
« Ah, j’aime pas ça. J’aime pas du
tout la littérature du XVIIème, XVIIIème siècle, m’a-t-elle dit.
– Moi non plus, mais Rousseau est une
exception, ai-je dit.
– Mais j’aime Balzac.
– Je déteste Balzac.
– J’aime Racine !
– Je le déteste ! Trop ennuyeux. Et
Céline ? lui ai-je demandé.
– J’ai jamais lu, mais il est écrit
d’un ton familier, c’est ça ?
– En effet.
- Je pense pas que je vais l’apprécier.
J’aime les livres de jeunesse, les histoires fantastiques.
- Pas moi !
- Tu aimes Camus ? m’a-t-elle demandé.
- Oui, ai-je dit. Tu aimes Garcia
Marquez ?
- Oui », m’a-t-elle dit.
Ainsi, après de nombreux efforts,
nous avons enfin trouvé notre point commun de réconciliation que sont Albert
Camus et Garcia Marquez. Je la trouve un peu ennuyeuse bien qu’elle soit
intelligente et sympathique. Mais à vrai dire, je m’ennuie souvent avec les gens.
Pour une raison obscure, je suis souvent plus attiré par les gens qui ont des « défauts »
que ceux qui sont sains. Les gens fragiles, étranges ou qui sont en souffrances
m’intéressent, sans avoir affaire à leur apparence ou à leur intelligence. La
fille a peut-être lu dans mes pensées. Alors que je dissimulais mes sentiments,
au moment de dire au revoir, elle m’a dit d’un air humble : « J’espère
que ce n’était pas trop ennuyeux ». « Bien sûr que non », ai-je
dit, tout en essayant de sourire, mais en vain. En fait, mes muscles faciaux ne
sont pas assez développés.
Après que nous nous sommes séparés
(il s’est avéré aussi qu’elle est allergique aux chats), j’ai fait mes courses
au supermarché. Pendant que je lisais le cahier des avis des clients comme
d’habitude, ma main a touché, dans une poche de mon manteau, quelque chose de
solide. C’était un stylo. Pour la première fois, j’ai décidé d’écrire quelque
chose dessus, mais je n’avais rien à dire aux employés du supermarché.
Finalement j’ai écrit que j’aime les poissons. Comme c’était un peu triste,
j’ai orné mon humble prose d’un petit dessin représentant une sole. Peut-être
aurais-je dû écrire plus de chose, que j’étais étudiant en lettres mais que la
plupart des cours m’ennuyaient fort, que j’aimais bien en ce moment Simone de
Beauvoir, ou j’aurais peut-être dû demander si les poissons ferment les
paupières quand ils dorment.
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