samedi 30 septembre 2017

Words are flowing out like endless rain



L’Université est relativement déserte le vendredi. Je ne sais pas si c’est parce qu’il y a beaucoup d’étudiants qui aimeraient prolonger leur court week-end, ou si c'est pour une autre raison.

En cours de littérature générale et comparée, la professeure nous a demandé d’échanger avec des avis avec notre voisin. Toutefois, j’étais assis seul et je n’avais pas de voisin. (La semaine dernière, ma voisine était une Américaine. Elle cherchait dans sa tête le nom de l’auteur de ‘’En attendant Godot’’. Je lui ai dit le plus gentiment possible que c’était Samuel Beckett et que Truman Capote et Franz Kafka étaient deux de mes auteurs préférés.) Quand j’allais commencer à songer aux motifs répétitifs du troisième mouvement de ‘’La tempête’’ de Ludvig Van Beethoven pour passer le temps, quelqu’un m'a tapé sur l’épaule.
Je me suis retourné et j’ai vu qu’un chat géant me regardait. C’est un mensonge. En réalité, une fille de haute taille que j’avais déjà vue plusieurs fois, mais avec qui je n’avais jamais parlé, me souriait et m’a dit « Bonjour ».
 Malheureusement, je ne comprends pas la langue des humains, je ne comprends que la langue des chats, me suis-je excusé. Alors elle a commencé à me parler en langue des chats noirs. J’ai eu de la chance. Si elle m’avait parlé en langue des chats tigres, on n’aurait pas pu se comprendre.
 À vrai dire, je n’avais pas fait ce que la professeure nous avait demandé ; c’est-à-dire, je n’avais pas écrit mon avis sur la littérature générale et comparée. Parce que simplement lire l'essai de Steiner m'a pris trop de temps. Je le lui ai dit franchement, à la fille aux lunettes rondes à monture en or et aux cheveux bruns, qu’on comprenait tout de suite qu’elle n’est pas française, avec son fort accent. Elle m’a dit « C’est pas grave », et m’a montré sa note. Pendant qu’elle m’expliquait son point de vue, je hochais la tête en disant de temps en temps : « C’est vrai.; « C’est vrai. » « Vous avez raison. » « Je suis d’accord. » Elle était éloquente et ne cessait de parler. Il semblait que beaucoup d’idées naissaient comme des étoiles dans sa tête. J’ai regardé dans ma tête. Elle était vide. Mais ça ne m'a pas rendu particulièrement triste, parce que je suis vide. Je me suis dit juste ; « So it goes and so on. » en imitant le héros du roman de Kurt Vonneghut, Slaughter House Five.
Pendant qu’elle m’expliquait ses idées, qui étaient vraiment impressionnantes comparées à ma page blanche, j’étais attiré par ses lunettes. Au bout d’un moment, la curiosité a vaincu ma raison. Je lui ai demandé pourquoi elle portait des lunettes rondes. Au début, elle n’a pas compris ma question. Je la lui ai donc répétée en français, puis en anglais, en faisant attention à ne pas faire de fautes de grammaire. « Why are you wearing round glasses ? »
 Légèrement étonnée, elle m’a demandé : « Mes lunettes ? »


 Après avoir réfléchi un instant, elle a levé sa tête et m’a dit ; « Je ne sais pas. Parce que j’aime bien ? » Derrière ses lentilles, ses grands yeux marron remuaient comme deux créatures indépendantes. Puis elle a enlevé ses lunettes et m’a dit ; « Ce sont des lunettes John Lennon. » Sur la monture, les caractères minuscules gravés « John Lennon » reflétaient la lumière. Elle a remis ses lunettes. Je l’ai regardée de nouveau et je me suis rendu compte que sa coiffure était aussi celle de John Lennon vers la fin des Beatles. Je lui ai demandé si elle aimait Lennon. « Je ne sais pas. », m’a-t-elle dit de nouveau. J’ai quand même eu le bon sens de ne pas lui demander de chanter « Across The Universe ».

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