dimanche 1 octobre 2017

La saison mortelle

 Comment tuer le temps entre les cours est une question cruciale à l’Université. Au début, j’allais à la bibliothèque U2-U3 pour dormir jusqu’à ce qu’ils enlèvent les gros coussins.
À cause de la tension nerveuse, je n’arrive pas à lire lorsqu’il y a des gens autour de moi. J’ai toujours l’impression qu’un assassin va me tirer une balle dans le dos. Le deuxième problème, c’est que je ne peux pas écouter de la musique trop fort à la bibliothèque. Je souffre aussi de myiodésopsies qui m'empêchent de fixer les choses dans un endroit lumineux, et c'est pourquoi je ne supportais pas la cantine de la bibliothèque U2-U3. En en faisant la liste, je me rends compte que j’ai un tas de problèmes,
Si bien que je m’enferme souvent à la cantine du Patio, qui est, d’après Tony, ‘’ l'enfer, le pire endroit du monde". Je suis d’accord, et je tue le temps en traduisant un livre, sinon simplement je sombre dans la dépression. 
 Aujourd’hui je voulais déjeuner dehors. Mais la plupart des bancs étaient déjà pris par des gens qui s’amusaient et riaient alors qu’il n’y avait rien d’intéressant. Ils souffraient d’hallucination malgré leur âge ; c’est triste. Je me suis donc assis sur un banc juste devant la porte, et j'ai commencé à déjeuner en respirant le vent frais. Au bout d’un moment, un garçon du groupe qui était à côté de moi a allumé une cigarette. Mon sandwich, qui est toujours trop gros pour un Japonais, avait un goût de fumée blanche. J’ai toussoté à plusieurs reprises, et je suis retourné au ‘’ pire endroit du monde, autrement dit l’enfer’’.
 À la fac, je n’avais même pas le droit de manger dehors sous le beau ciel. J’étais triste. Dans ma dépression profonde comme le fond de la mer, j’ai trouvé une feuille que quelqu’un avait laissée sur une table. Je l’ai prise. Je ne l’ai pas lue attentivement, mais il m'a semblé que c’était à propos de la liberté de l’avortement, ou quelque chose comme ça. L’avortement ne m’intéressait pas. Je n’ai jamais touché une femme. Pour moi, la défense de l’avortement, c’est comme la météo de la planète Mars. Aujourd’hui, une grande tempête de sable dévastera la Terre, il faudra se cacher sous terre jusqu’à ce qu’elle se dissipe…

 Le revers de cette feuille était tout blanc. Inconsciemment, je me suis mis à écrire en japonais ‘’Shinitai (Je veux mourir)’’ jusqu’à ce que cette phrase remplisse la page. Pendant que j’écrivais cela, d'un trait comme un soutra, mon cœur s’est un peu apaisé. Aussitôt que j’ai terminé ce travail, j’ai remis l'imprimé à sa place d’origine.
 Quelques minutes plus tard, deux hommes d’âge mûr, qui ne sont peut-être pas étudiants sont venus et se sont assis devant moi. L’un était blanc, l’autre était noir. Ils bavardaient gaiement au début, mais une fois leur conversation épuisée, l’un d’eux a trouvé l'imprimé pour la liberté de l’avortement. Après avoir échangé quelques commentaires sur l’avortement, l'un d'entre eux a retourné la feuille et il a trouvé les nombreuses phrases que j’avais écrites ; ‘’Shinitai’’.
Après avoir fait la grimace, il a levé la tête et m’a regardé. Il a demandé à voix basse si c’était moi qui les avais écrites. J’ai essayé de faire semblant de ne pas avoir entendu, mais j’ai dû y renoncer parce que j'avais pouffé.
« ‘’Shinitai’’, ça veut dire ‘’Bonjour’’ en japonais », lui ai-je expliqué.
J’ai fait une grimace pour faire semblant de me concentrer sur ma traduction.
La tête baissée, j’ai entendu les deux hommes dire ‘’Shinitai, shinitai’’.
Sans jamais lever le regard, je leur ai répondu ; Shinitai. 

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