« Au printemps en 1878, une
Anglaise un peu potelée au regard brillant d’intelligence a débarqué à Yokohama.
Son nom est Isabella Bird. Elle a pris le bateau à San-Francisco et a traversé
l’océan pacifique pour venir au Japon. Elle avait
quarante-sept ans »
Isabella
Bird est arrivée au Japon en 1878. À cette époque-là, la situation politique du
Japon était instable. L’année précédente avait eu lieu la guerre civile, la
rébellion de Satsuma. Sous l’ordre de Takamori Saigô, les samouraïs du clan
Satsuma s’étaient révoltés contre le gouvernement japonais qui cherchait à
moderniser le pays aux dépens de la féodalité. En même temps, l’instabilité
politique causait une famine qui dévastait tout le Japon. Jusqu’à 1877, quarante révoltes paysannes contre le
gouvernement avaient lieu chaque année. Le Japon était en train de se
moderniser. Les élites commençaient à porter des costumes occidentaux que,
selon Isabella Bird, n’allaient pas du tout au physique pauvre des Japonais. On
commençait à ériger des bâtiments occidentaux, et à construire des voies
ferrées. Cependant, il faut attendre encore vingt-sept ans et la guerre
russo-japonaise, pour que le Japon soit vainqueur de la flotte de la Baltique à
la guerre-russo japonaise, avec le cuirassé Mikasa acheté à l’Angleterre.
C’est
à cette époque qu’Isabella Bird a voyagé au Japon, un pays extrêmement pauvre à
l’époque. L’économie reposait sur la riziculture et l’industrie textile. Le
savoir-faire manquait et les canons et les cuirassés devaient être importés d’Europe.
Comme
le titre l’indique, Isabella Bird a choisi exprès les chemins qui n’étaient pas
battus qu’aucun Occidental n’a jamais foulés. D’abord, elle a dû trouver un
interprète. Plusieurs Japonais, une lettre de recommandation à la main, ont
postulé à ce travail. Ils connaissaient en effet quelques mots anglais, mais étaient
loin de maîtriser la langue. Finalement, un garçon qui n’avait même pas de
lettre de recommandation est venue. Isabella Bird l’a trouvé laid et quelque
peu insolent. Elle a aussi eu l’impression qu’il avait un côté rusé, mais
c’était lui, Itô qu’elle a embauché. Comme l’avait deviné Isabella, Itô avait en effet un côté arrogant (il dit que les étrangers sont impolis et que
les Aïnous sont des chiens) et rusé (il détourne de l’argent), mais c’était un
interprète compétent qui s’occupait aussi des contacts avec l’habitant et du
ménage. Itô, qui se plaint souvent de ce rude voyage, est le clown qui allège sa sévérité.
Ainsi,
Isabella et Itô montent vers le nord pour atteindre Hokkaidô. Son plus grand
objectif était de vivre avec les autochtones, les Aïnous qu’elle qualifie
souvent d’incultes’’. Comme il n’y a ni voiture ni train à l’époque, ils sont
obligés de voyager à cheval. Selon Isabella, les chevaux sont gâtés au Japon de
sorte qu’ils se comportent de manière vraiment capricieuse. En montant vers le
nord, ils passent des nuits dans des auberges. La situation hygiénique du Japon
est terrible. La plupart des villageois souffrent de maladie de peau parce
qu’ils lavent rarement leurs kimonos. Dans les auberges, les puces sautent des
tatamis et la nourriture est décevante dans la plupart des cas. D’ailleurs, à
chaque village, les villageois se rassemblent pour regarder l’étrangère. En
même temps, Isabella trouve les Japonais travailleurs et gentils. Elle dit
qu’elle n’a jamais eu d’expérience dangereuse pendant son voyage.
À
Hokkaidô, elle vit quelques mois avec des Aïnous. Selon elle, les Aïnous ont
une chevelure abondante, de grands yeux, un nez droit et ils sont souvent plus
musclés que les Japonais qui sont jaunes et maigres. Leur vie et religion sont
plutôt primitive, mais ils sont honnêtes et ne cherchent pas à tromper les
gens. Ils vénèrent les ours, mais les tuent et décorent la maison du chef avec
la tête d’un ours mort. Les deux choses qu’ils craignent sont les Dieux et le gouvernement japonais.
Des Aïnous lui disent souvent : « S’il vous plaît, ne dites pas aux Japonais
qu’on vous a parlé de notre vie ». La seule chose qu’Isabella trouve lamentable
chez les Aïnous, c’est qu’ils boivent beaucoup d’alcool (mais ils tiennent
l’alcool beaucoup mieux que les Japonais).
Le
voyage hors des sentiers battus se termine à Hakodate, le 12 septembre de la
même année. Elle a pris le bateau et arrive à Yokohama cinq jours plus tard.
Trois mois c’étaient écoulés depuis qu’elle est partie de Tokyo. Elle ne rentre
pas toute de suite en Angleterre. Cette fois, elle fait le ‘’voyage sur les
sentiers battus’’. En octobre, elle va à Kôbe en bateau et visite Kyoto et le
sanctuaire d’Ise. Elle revient à Tokyo le 17 décembre pour quitter l’Archipel.
La
voyageuse a revisité le Japon environ cinq fois entre 1894 et 1896. À part les
villages ruraux, elle a vu Tokyo, Kyoto, Osaka, Kumamoto et Nagasaki. Pendant
ce temps, les sentiers sauvages qui avaient retardé sa marche ont été revêtus.
Des chemins de fer ont été construits. L’économie s’est développée. La position
diplomatique du pays s’est améliorée, et l’extraterritorialité a été abolie. Vingt
ans après son premier voyage, elle est devenue le témoin de la modernisation du
Japon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire