mardi 25 juillet 2017

'’Le meilleur endroit pour lire John Updike’’ Haruki Murakami

 Le printemps m’évoque John Updike. Et John Updike m’évoque le printemps de l’année 1968. C'est dans notre esprit qu'existe ce genre d’enchaînement. Ce ne sont que de petites choses, mais de temps en temps je ressens que l’essentiel de la vie ou du monde se trouve dans ces petits événements. 
 Au printemps de l’année 1968, j’ai déménagé à Tokyo pour mes études. Comme je ne voulais pas porter mes gros bagages, je les avais déjà envoyés à mon nouvel appartement. Avec un paquet de cigarettes, un briquet et ‘’Music School’’ de John Updike dans la poche de mon manteau, j’ai quitté ma maison. C’était un livre de poche de l’édition de Bandam ou de Del, je me rappelle que sa bonne vieille couverture était simple et raffinée. Après avoir déjeuné avec ma petite amie et lui avoir dit au revoir, j’ai pris le train.
  Lorsque j’y pense maintenant, partir pour Tokyo avec un livre d’Updike dans la poche est affecté, mais bon. Je suis arrivé à Tokyo vers le soir et je suis allé à mon nouvel appartement de Mejiro, mais mes bagages qui auraient dû être déjà livrés n’étaient pas encore là. Il n’y avait ni vêtements ni cendrier ni couette ni tasse à café ni bouilloire. Je me suis senti misérable. Il fallait penser que c’était pour me punir d'avoir cherché à faire bon genre. 
 La chambre était vide. Il n’y avait qu’une table très simple avec un tiroir et qu'un lit en fer. Sur le lit était mis un matelas dont la seule vue me déprimait. Je me suis assis dessus, le matelas était aussi dur qu’une baguette achetée il y a une semaine.
 C’était le soir d’un jour de printemps grisâtre. J’ai ouvert la fenêtre, quelqu’un écoutait la radio au loin. Elle était en train de diffuser ‘’In-agadda-da-vida’’ des Iron Butterfly. Bien que cela remonte à quatorze ans, je me souviens très bien de certains détails. 
 Je n’avais pas grand-chose à faire. J’étais totalement découragé ce jour-là. Finalement, j’ai acheté un coca-cola (c’était une bouteille. Imaginez une bouteille, s’il vous plaît) et des biscuits, je me suis couché sur le matelas dur, j’ai lu la suite de mon livre d’Updike. Avec le coucher du soleil, la chambre s’est assombrie, j’ai allumé les lampes fluorescentes du plafond. L’une des lampes a crépité. 
 Lorsque je l’ai fini à huit heures et demi, au fond de la bouteille de coca-cola, des mégots créaient une couche de cinq centimètres. J’ai déposé le livre à mon chevet, j’ai contemplé le plafond pendant une heure. J’étais laissé seul dans cette ville gigantesque, sans couette ni rasoir. Je n’avais même pas une personne à appeler. Mais ce n’était pas un mauvais sentiment. 
 Si on me demande quel est le meilleur endroit pour la lecture, je répondrai « sur le matelas dur dans la chambre vide en avril de l’année 1968 ». Un endroit où chaque ligne pénètre dans mon cœur, c’est mon bureau idéal. Une pièce avec un sofa d’Eames où la musique de Telemann coule d’une enceinte acoustique de AR n’est pas mal. Mais c’est encore une autre question. Je ressens qu’il existe quelque part au monde un endroit idéal pour la lecture de John Updike, et aussi celui pour lire Cheever.

''Two nights before he left for Harvard, he had taken her virginity. She had cried, and he had felt foolish, having, somehow, failed. It had been his virginity, too. Orson was sane, sane enough to know that he had lots to learn, and to be, witihin limits, willing. Harvard processes thousands of such boys and restores them to the world with little apparent damage.'' -The Christian Roommates (from ''Music School'' of John Updike)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire