Il était évident aux yeux de tous que mes
chaussures venaient à la fin de leur vie. Elles étaient entièrement fatiguées,
ma chaussure gauche avait deux trous, ma chaussure droite en avait trois dont
l’un était grand. Je me suis promené en faisant attention aux pieds des
piétons. Il y a diverses sortes de gens au monde ; les enfants, les vieillards,
les adultes, les adolescents, les hommes et les femmes, etc. Mais j'étais la
seule personne qui marchais avec des chaussures trouées. Même un mendiant
portait des chaussures de cuir de couleur maronne qui n'avaient pas de trou.
Mes chaussures m’étaient confortables. Lorsque je sortais avec, j’oubliais même
leur présence. C’était normal parce que je les porte depuis deux ans. Je les
avais achetées chez ABC Mart qui se trouvait dans la gare de Sapporo.
Maintenant elles sont tout à fait ajustées à la forme de mes pieds. Mais les
trous ne disparaissent pas. La semelle est devenue extra-fine à cause de
multiples frottements sur le sol. C’était le moment d’en changer.
Par chance,
j’avais un billet de cent euros que mon patron m’avait donné. Je l’ai mis dans
ma poche et je suis sorti en ville. Aujourd’hui, il m'a semblé qu’il y avait
encore moins de monde que d’habitude à cause du mauvais temps. Mais quand je
suis sorti, il ne pleuvait plus. J’ai pris le tram E et je suis descendu à la
station République. Je pouvais prendre le tram C pour me rendre à la station
Brogile mais j’apprécie de marcher dans ce quartier. De plus, aujourd’hui était
le dernier jour du travail de mes sneakers noirs. Je ne m’étais pas rendu
compte jusqu’à présent, mais il y avait beaucoup de magasins de chaussures au
centre-ville de Strasbourg.
Près de la station Brogile, je suis entré dans
une ruelle déserte. Aussitôt j’ai trouvé un magasin de chaussures. Dans la
vitrine était discrètement exposée une variété de chaussures. Le prix que les
étiquettes indiquaient était un peu cher, mais j’y suis entré. Le magasin
n’était pas grand, mais il était calme et propre. La radio diffusait ‘’Show
must go on’’ de Queen d’un petit volume. Au comptoir, un homme robuste d’âge
mûr aux cheveux blancs était assis. Visiblement, j’étais le seul client. Après
lui avoir dit bonjour, j’ai regardé des produits. Après un moment, il m’a dit,
« Et si je vous aidais ? ». À vrai dire, je ne connaissais même pas ma taille
en France. Je lui ai donc demandé de m’aider. Il m’a demandé si je voulais des
chaussures de sport ou des chaussures en cuir. Je lui ai dit que je préférais
les chaussures de sport. Le costume, la cravate, les chaussures en cuir, ce
sont des choses que je n’aime pas beaucoup. « Quelle est votre taille ? m’a-t-il
demandé.
- Je ne
connais pas ma taille. Mais au Japon, c’était entre vingt-cinq et vingt-six
centimètres, lui ai-je dit.
- Ah. C’est
comme ça au Japon. »
Quelques
instants plus tard, il m’a apporté des chaussures bleues. Il m’a dit que ces
chaussures étaient du 40. Je ne comprends pas pourquoi la France n'adopte pas
le système métrique pour les vêtements et les chaussures alors que cela a été
inventé en France. (A-t-il été adopté sous Napoléon ? Plus tard, il s’est
répandu dans le monde entier sauf aux États-Unis.) Mais ce n’était pas le
moment d’argumenter. C’était le moment d’essayer des chaussures. Et elles
étaient innocentes. Toutefois celles que le patron m’a suggérées étaient trop
petites. J’avais un peu mal au bout de mes pieds. Et j’ai mis un peu de temps
pour les mettre. Il a fait un commentaire sur mes pieds en disant qu’ils n’étaient
pas petits mais larges. Il a ensuite apporté d’autres chaussures. Cette fois,
elles étaient noires. Je les ai essayées. Celles-ci étaient beaucoup mieux que
les bleues mais elles étaient un peu trop larges. Il a alors apporté les mêmes
chaussures noires mais d'une pointure plus petite. C’était le moment de la
rencontre entre mes nouvelles chaussures et moi. Elles n’étaient ni trop petites
ni trop grandes, elles étaient confortables. Le design était simple et chic.
Au départ,
elles coûtaient 179 euros, mais grâce aux soldes elles étaient à 80 euros.
J'ai
remercié le Dieu des soldes et le patron. Lorsque je suis sorti du magasin, je
portais mes nouvelles chaussures. Elles faisaient un bruit sec à chaque pas.
À la place
Kléber, un bouquiniste vendait des livres d’occasion comme d’habitude. J’ai
trouvé dans le wagon ‘’Le procès-verbal’’ du Clézio et ‘’Madame Bovary’’ de
Flaubert mais je ne les ai pas achetés. Je me suis dit qu'il me fallait d'abord
finir ‘’Les frères Karamazov’’ et ‘’La montagne magique’’.
Il a
commencé à pleuvoir. Mais je n’ai pas pris le tram. Même si la pluie mouillait
mon corps, je voulais marcher jusqu’à ce que je sois fatigué.
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