Aujourd’hui, il est arrivé quelque
chose d’un peu mystérieux. Ce matin, un bouquiniste vendait des livres
d’occasion au rez-de-chaussée du Patio. Comme j’avais un peu de temps avant le
cours, je regardais avec d'autres étudiants des livres dans des cartons. Quelques
œuvres, comme le deuxième tome des « Confessions » de Rousseau, m’ont
intéressé. De plus, le prix n’était pas élevé. La plupart de ces livres ne
coûtaient qu’un euro. Les gros coûtaient deux euros. Dans un carton, j’ai
trouvé « La Symphonie pastorale » d’André Gide. Je n’ai jamais rien lu de cet
écrivain, mais ce roman m’intéressait depuis longtemps car quelques personnes
m’en avaient parlé. Je ne savais pas de quoi il parlait, mais le titre a attiré
mon attention car la sixième symphonie de Ludwig est mon morceau préféré. Le
livre avait l’air ancien. On aurait dit qu’il avait longtemps dormi sur l’étagère
de la vieille maison d’une personne âgée, sans jamais être ouvert. Il sentait
un peu le moisi, mais il était plutôt propre. Je l’ai pris avant que quelqu'un
le prenne. Dans le même carton, j’ai trouvé « L’Étranger » de Camus que j’avais
déjà lu. C’est en fait le premier livre que j’ai lu en français. Je l’avais
choisi parce que les phrases étaient simples et surtout parce qu’il était
mince. Mais comme j’étais encore débutant à cette époque-là, j’ai laissé
échapper beaucoup d’éléments importants. Le livre était propre comme neuf. J’ai
demandé au bouquiniste, un homme aux cheveux blancs qui se tenait derrière les
livres, combien coûtaient ces deux romans. « Deux euros », m’a-t-il dit. En
fait, ce matin, avant de venir à l’université, j’avais sorti de mon
porte-monnaie plusieurs pièces de cinquante centimes et d’un euro et les avais mises
dans mon portefeuille, alors que je ne porte pas d’argent sur moi d’habitude.
J’ai donc acheté ces deux livres.
Ensuite,
pendant le cours de dimensions énonciatives, la professeur nous a demandé de
faire un exercice qui consistait en une analyse de texte. J’y ai jeté un coup
d’œil, et un instant j’ai été saisi, car ce texte était extrait de
l’introduction de la « Symphonie pastorale » d’Angré Gide, le livre que j’avais
acheté quelques heures auparavant ! Ce n’est en effet pas grand-chose si l'on
compare à la chance de gagner une somme énorme à la loterie, mais lorsqu’on
pense à la possibilité que je choisisse la « Symphonie pastorale » d’André Gide
parmi de nombreux livres, et que la prof demande d’analyser un extrait de ce
livre, il faut cependant reconnaître qu'il s'agit d'une coïncidence bien
curieuse.
L’après-midi,
j’ai assisté à la conférence de Monsieur Bechler sur Haruki Murakami. Elle
était intéressante, mais j’avoue que je n’étais pas très concentré. Mon regard
était attiré par les cheveux bouclés du vieil homme assis devant moi. Pendant
que le conférencier continuait son discours, je suivais les courbes artistiques
que ces cheveux grisonnants esquissaient comme un dédale dont le sommet était
un rocher dénudé. Pendant une heure, il n’a pas bougé d’un iota. Son voisin, un
autre homme âgé petit et potelé dormait les bras croisés.
Après
la conférence, assis sur l'escalier du Palais universitaire, je me suis un peu
amusé à faire des bulles de savon. Les bulles ne se sont pas envolées aussi
loin que je l’imaginais.
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