jeudi 31 janvier 2019

Le piano en bois


 Je suis entré dans l'amphithéâtre quinze minutes avant le cours. L'amphi était vide. Deux filles étaient en train de gravir l’escalier pour sortir. Je suis descendu pour jouer au professeur. Je voulais me tenir sur l’estrade et dire « Monsieur ? Oui, le monsieur qui est là. Vous avez la parole. Vous pouvez sortir si vous voulez bavarder ». J’avais déjà entendu une professeur dire celà et j’avais toujours eu envie de l’imiter.
 Lorsque je suis arrivé devant l’estrade, je me suis aperçu qu’il y avait un piano droit. J’étais déjà entré dans cet amphi plusieurs fois mais je ne savais pas qu’il y avait un piano. Le piano était en bois et avait l’air vieux. Il semblait que personne ne l’avait touché depuis longtemps. J’ai appuyé sur une touche. Un bruit transparent s’est fait entendre. J’ai touché une autre touche. Un bruit plus grave d’une octave a retenti dans l’amphi vide. Puis j’ai commencé à appuyer sur toutes les touches comme un enfant. À ce moment-là, j’ai réalisé que les deux filles qui étaient en train de monter l’escalier, s'étaient arrêtées et posaient leur regard sur moi. Elles ont commencé à redescendre, et finalement elles sont venues jusqu’à moi. L’une d’elles, qui était brune, s’est assise, et a commencé à jouer du piano. « Je ne savais pas qu’il y avait un piano ici, m’a dit l’autre fille, la blonde. – Moi non plus. Vous êtes dans quelle filière ? ai-je dit. – Sociologie, et toi ? m’a-t-elle dit. – Lettres modernes », ai-je dit, pendant que la brune jouait du piano. Son interprétation était assez maladroite. Ses doigts étaient rigides comme un pianiste aux mains gelées et se trompaient de temps en temps de note, mais on pouvait reconnaître aisément qu’il s’agissait de la Gymnopédie de Satie. Ainsi, nous avons écouté le concert improvisé, maladroit et titubant de la fille brune. Après que la Gymnopédie instable s’est achevée, les deux filles inconnues m’ont souhaité un bon cours, et ont commencé à remonter l’escalier. Après qu’elles ont disparu de ma vue, je me suis remis à taper sur le clavier. Quelques instants plus tard, un groupe de filles de ma filière est entré dans l’amphi. « Il y a quelqu’un qui joue du piano », a dit l’une d’entre elles, et elles sont tout de suite sorties. Un instant plus tard, elles sont revenues l’air mécontentes, et j’ai arrêté de jouer du piano.
 Si je pouvais jouer du piano, j’aimerais interpréter la sixième symphonie « pastoral » transcrite pour piano par Franz List, ou les Variations Goldberg de Bach.

lundi 28 janvier 2019

J’ai rencontré ma partenaire Tandem


 J’ai rencontré ma partenaire Tandem de ce semestre. Au premier semestre, pendant le cours de FLE, on m’avait conseillé de faire le Tandem. Je m’étais inscrit sur le site de l’université. Quelques personnes m’avaient contacté. Mais quand j’essayais de les rencontrer, je perdais tout d’un coup ma motivation, ce qui fait qu'au final je n'ai rencontré personne.
 J’ai vu ma partenaire Tandem à la cafétéria du Portique. On l’appelle « cafétéria », mais en réalité, ce n’est pas vraiment une cafétéria. C’est juste une salle qui se trouve en sous-sol, avec quelques distributeurs de café bourdonnant, plusieurs tables et chaises.
 Quelques instants plus tard, une fille portant un pull sur lequel était imprimé « Crazy Love » est venue me parler. « Crazy Love… c’est quoi Crazy Love », me suis-je dit. Ensuite nous avons parlé en japonais et en français. Contre mon attente, je pouvais parler le français de manière beaucoup plus fluide que je ne l’espérais. Je voulais perdre mes mots. Je voulais bégayer. Mais je parlais couramment comme si c’était ma langue maternelle, et j’étais déçu par moi-même.
 Un certain moment plus tard, une autre fille, amie de ma partenaire Tandem, une étudiante en master de japonais, nous a rejoint. Elle m’a dit qu’elle écrivait une thèse sur Osamu Dazaï. Elle a sorti une lettre de son sac et s’est mise à découper le timbre. J’ai contemplé le timbre, détaché et posé sur la table. Le dessin représentait une montagne. J’ai pu déchiffrer « TANZANIE ». « Je collectionne des timbres, m’a dit ma partenaire Tandem. – C’est plutôt un hobby classique », lui ai-je dit. Je lui ai promis de lui donner des timbres si je recevais des lettres. Mais quand ai-je eu reçu une lettre de quelqu'un la dernière fois ? L'année dernière, j'avais écrit une lettre à quelqu'un, sans recevoir de réponse.

samedi 26 janvier 2019

Le cours d'anglais


 Je suis allé en cours d’anglais. Je connaissais la Britannique qui s’occupe du cours car c’était mon enseignante quand j’étais en première année. C’est une femme un peu excentrique, mais sympathique. Quand j’étais en première année, j’étais souvent stressé. Suite à un test d’anglais, j’avais été placé dans un cours destiné aux étudiants de niveau B2. Comme je n’étais pas habitué à comprendre l’anglais à l’oral (et je ne m’y suis toujours pas habitué), je devais me concentrer pour ne pas être perdu pendant le cours.
 En me souvenant de ma première année, j’écoutais distraitement ce que la prof nous disait. Elle nous demandait de choisir un livre en anglais, écrit par un auteur anglophone (donc, pas une traduction), puis de faire une courte dissertation ainsi qu'un exposé sur les livres que nous avons choisis. J’avais un bon nombre d’auteurs anglophones préférés. Finalement, j’ai décidé de profiter de ce cours pour lire en anglais « Animal Farm ».
 Ensuite la prof nous a fait faire un exercice pour « nous connaître ». Nous avons été obligés de parler avec au moins treize personnes pendant deux minutes. Cet exercice m’a stressé. À un moment donné, la prof est venue me parler, et m’a dit en anglais « Je suis contente de te revoir ». Étonné, je lui ai demandé si elle se souvenait de moi. « Oui, m’a-t-elle dit. Je n’oublie aucun de mes élèves. – J’ai pris votre cours quand j’étais en première année. It’s long long time ago », ai-je dit.
 Ma première année me semblait maintenant lointaine. J’étais étonné qu’elle se souvienne de moi bien qu’elle s’occupe de nombreux étudiants, et que j’étais loin d’être quelqu'un de remarquable.

Il a neigé à Strasbourg














mardi 22 janvier 2019

La littérature, c'est hideux


 La littérature, c’est hideux. La littérature me fait vomir. Je le cachais, mais je n’aime pas du tout la littérature, voire je la hais. J’aime les histoires, mais pas les romans. Bien entendu, j’ai de temps en temps eu du plaisir à lire des fictions, mais d’habitude, je préfère les biographies et la littérature non fictionnelle. La littérature, ça devient hideux surtout quand l’auteur veut transmettre une certaine moralité. Les figures de style littéraires attisent également ma répugnance. D’habitude, je n’aime pas les descriptions psychologiques non plus. La littérature est belle d’autant plus qu’elle est froide et rigide, c’est-à-dire, les procès-verbaux, les tickets de caisses, les encyclopédies sont beaux.
 Je cite ici un de mes tickets de caisses.
T BROCOLI 1.49
T. ICEBERG 1.00
T. MANGUE MURE A POIN 3.99
T. CAROTTE 1.02
T. FILET POULET BLANC 4.69
(…)
 C’est aussi simple que les meubles IKEA et c'est beau.
 Un jour, j’aimerais détruire la littérature. Mais c’est en réalité impossible puisque la littérature a la vocation d’absorber tous types d’écritures dans son sein.

lundi 21 janvier 2019

''Mes cahiers préférés'' Yoko Ogawa


 J’aime les cahiers. Les cahiers ordinaires sans décoration et agréables au toucher sont mes préférés. Lorsque je contemple des pages blanches dans lesquelles s’alignent à l’infini des lignes droites, j’apprends alors, que je suis tout à fait libre dans le monde des mots.
 La période durant laquelle j’utilisais le plus souvent des cahiers, c’est quand j’étais étudiante. À chaque semestre, j’achetais de nouveaux cahiers. Avec un marqueur, j’écrivais sur leurs couvertures « littérature classique », « éthique » ou « mathématiques ». Si je regardais mes cahiers joliment superposés sur ma table, j’avais l’impression que j’avais déjà achevé mes études.
 Durant cette même période, j’utilisais un cahier d'étudiant ordinaire sans décor ni artifice, et je m'en servais en tant que journal intime. J'y consacrais d'ailleurs un temps considérable puisque j'écrivais dedans tous les jours. À l’adolescence, remplir des pages blanches de mes mots de manière si étroite qu’il n’y avait plus un seul espace, était ma seule façon de m’exprimer. À l’époque où il n’y avait ni traitement de texte ni ordinateur, le cahier était mon compagnon indispensable. C’était comme un miroir qui reflétait mon image. La machine n’est qu’une machine, mais les cahiers reflètent naturellement l’esprit des personnes qui les utilisent. L’écriture propre à soi, un pli au coin d’une page, des soulignements, des traces de doigts, des taches de boisson…….Les cahiers décorés de ces choses étaient quelque peu énigmatiques et adorables.
 Puis je suis devenue femme au foyer, et j’avais de moins en moins d’occasion d’utiliser un cahier. Je notais sur un bloc-notes qu’on m’a donné à la banque des dates de récupération des objets inutilisables et de nettoiement des égouts de ma ville, et collais ces notes au réfrigérateur.
 J’éprouvais une certaine insatisfaction. Sans vraiment savoir à quelle fin l’utiliser, je suis allée à la papeterie et j’ai acheté un cahier qui m’a plu. Je l’ai ouvert sur la table de cuisine. J’ai pris un crayon et j’ai écrit quelque chose. C’était une chose qu’on ne pouvait nommer autrement que « quelque chose ». Et c’est de là que sont nés mes romans.
 Même depuis que j’ai pris l’habitude d’écrire à l’ordinateur, j’utilise toujours un cahier pour faire un plan de roman. En même temps que je note mes quelques idées, que je colle un article de journal qui m’intéresse, et que je dessine un plan de maison, je vois petit à petit le contour de mon histoire. J’efface une partie ; je dessine une flèche ; j’entoure un élément important avec un stylo fluorescent ; j’ajoute une scène qui donnera des indices. Mon cahier devient de plus en plus désordonné, mais il n’y a pas à s’inquiéter, parce que plus mon cahier est chaotique, plus mon histoire s’approfondit. Il y a un moment où la lumière que même l’auteur n’attendait pas naît du fond de ce chaos. Bientôt on pourra écrire la première ligne.
 Lorsque je rouvre mon cahier après l’achèvement et la publication de mon roman, il m’arrive souvent de ne pas comprendre ce qui est écrit. Bien que je sois auteur et que je me trouve dans la position la plus proche de mon œuvre, je ne sais pas d’où est venue une histoire et comment elle s’est formée. Quel que soit le nombre de romans que j’écris, pour moi, l’histoire est un mystère.
 J’ai un autre cahier secret. C’est un cahier pour noter les mots que j’ai découverts pendant une lecture, qui expriment combien la littérature, les mots, l’art sont importants pour une personne.

« Ils ont voulu écouter encore et encore les mots de Bill : ‘’Les autres ne peuvent pas faire ce que vous pouvez faire’’, même s’ils les connaissaient parfaitement par cœur » - ‘’Here but Not Here: A Love Story’’ Lilian Ross 
« Ce sont des mots du poète britannique du XVIIe siècle, John Donne. Alors que je ne l’ai jamais connu, et que je vis dans un pays et une époque différents, je peux connaître ses mots grâce au moyen de communication dit de livre. J’avais lu ce poème plusieurs fois jusqu’ici, mais il m’a fallu plus de vingt ans pour le comprendre. Ainsi, je suis rassurée que les livres m’attendent toujours » - ‘’L’Étagère du plaisir » Yûko Tsushima
 L’éditeur légendaire du magazine littéraire américain, « New Yorker », Bille Shawn a encouragé des auteurs en leur disant que personne d’autre ne pouvait écrire ce qu’ils écrivaient. Ce qui a rassuré Yûko Tsushima était le poème suivant : « Nul homme n’est une île, complète en elle-même (…) N’envoie donc jamais demander pour qui la cloche sonne : elle sonne pour toi ».
 Chaque fois que je n’arrive pas à écrire, j’ouvre ce cahier. Quelque part dans le monde, quelqu’un attend ce que seule moi peux écrire. Je remplis mon cœur de ce sentiment ; je ferme le cahier et je retourne dans l’univers de mon histoire.

dimanche 20 janvier 2019

Le micro-onde


 Je faisais la queue dans la cantine. Devant moi se tenait un homme maigre et très grand et je regardais distraitement son occiput. J'avais choisi mon sandwich et pendant que j’attendais en caisse, une fille au bonnet blanc est passée devant mes yeux et a pris un sandwich. Je pensais qu’elle allait rejoindre la fin de la queue après avoir choisi son déjeuner. Mais contre toute attente, elle est restée plantée devant moi, derrière l’homme grand et maigre. J’étais sidéré par ce qui venait de se produire. Comme elle est passée naturellement comme si elle y était depuis cent ans, je me suis demandé un instant si elle avait toujours été devant moi. Toutefois ma mémoire me disait autre chose. Ma mémoire me disait que cette connasse m'avait dépassé. J’ai eu envie de l'épouser, de vivre ensemble, de faire un enfant puis de divorcer. Nous pourrions fonder une famille heureuse, avec une maison, un gazon, un chien et une Renault Twingo. En transperçant son dos d’un regard haineux, je me suis demandé si j’allais lui dire que j’étais devant elle. « Est-ce que le sandwich que tu manges après m'avoir dépassé est bon ? », j'ai eu envie de lui demander. Mais comme je suis timide et pacifiste, je ne lui ai finalement rien dit. Je me suis borné à la maudire dans mon esprit. Ce qui m’agace le plus, c’est le fait qu’elle soit passée devant moi sans aucune hésitation parce qu’elle me sous-estimait. Imaginons, si j’étais un homme noir musclé de deux mètres ou un homme entière tatoué au visage plein de piercings ou un homme qui parle avec une Tinker Bell invisible aux autres en souriant bêtement ? Elle n’aurait jamais osé commettre ce mal. Elle m'a dépassé parce que je suis un homme asiatique qui a l’air docile et elle a raison. Son seul mécompte est qu’elle ne pouvait pas regarder dans ma tête. La fille au bonnet blanc, petite, aux cheveux noirs bouclés, à la peau légèrement bronzée, tandis que tu faisais la caisse avec ta carte bleue (oui, tu as essayé de payer en mode sans contact, mais la machine ne t’a pas reconnue. La machine te déteste, et moi aussi. Les arbres, les ruisseaux, les oiseaux, les chats, les insectes, tout le monde te déteste), je pensais à mettre ta tête dans un micro-onde et faire vibrer toute l’eau de ton corps pendant trente secondes.

Le planétarium


 Il y a quelques jours, tandis que nous contemplions les jambes des filles, un ami qui s’appelle O, m’a dit soudain qu’il voudrait aller au planétarium. J’allais au planétarium dans mon enfance, mais ces mots d’O que prononçait O m’ont rappelé que cela faisait déjà plusieurs années que je ne l’avais pas visité. « On y va », lui ai-je dit.
 Ainsi, nous sommes allés au planétarium cette après-midi. Nous nous sommes retrouvés à la gare centrale, et nous avons pris le tram pour un trajet de deux heures. Le planétarium était situé à côté de l’observatoire. Il y avait longtemps que j’avais envie d’entrer dans la partie ronde de l’observatoire, sans jamais en avoir l'occasion. Je me disais que ce serait chouette si j’observais le ciel nocturne depuis cet œil de bœuf. Le planétarium était un bâtiment blanc, moderne et carré. Il me faisait penser à un tombeau gigantesque. J’ai eu l’impression que le planétarium y avait soudain apparu comme un monolithe.
 Nous avons pris nos tickets à la réception au guichet. Nous nous sommes assis sur nos places et avons attendu que la séance commence. Le plafond hémisphérique était d’un blanc crème, et il semblait extrêmement loin. Pendant que je le regardais dans un second état, des motifs que l'on voit dans les tableaux de Raouls Duffy ont émergé et ébloui mes yeux. Au centre se trouvait un projecteur perforé de trous. Il y avait des spectateurs clairsemés dans la salle de projection. Quelques minutes plus tard, une alarme a retenti et la lumière s’est éteinte doucement.
 Quelques étoiles ont commencé à se dessiner sur le plafond obscur. L’obscurité s’est remplie d’innombrables petits points de lumière. Une voix douce de femme s’est mise à donner des explications sur les constellations que nous pouvions observer en hiver.
« Si on reliait Bételgeuse de l’Orion à Sirius du Grand Chien et à Procyon du Petit Chien, cela donnerait le célèbre Triangle d’hiver. Par ailleurs, si on prolongeait la ligne que forment les trois étoiles voisines de l’Orion vers la droite, on arriverait à Aldébaran du Taureau… »
 À la fin de la séance, le ciel nocturne s’est mis à tourner au-dessus de nos têtes. L’horizon a commencé à blanchir. L’aube était proche.
 « J’ai eu un vertige », m’a dit O, en sortant de la salle de projection. « L'Orion ne ressemblait pas à un chasseur, mais à un sablier », ai-je dit. Ainsi, nous avons fêté notre retour sur la Terre. 
 Mais maintenant que j’y pense, je ne suis pas allé au planétarium. Je n’ai pas d’ami qui s’appelle O. Je ne sais pas si c’est un bâtiment blanc, carré et qu’il se situe à côté de l’observatoire. Tout ce que j’ai fait aujourd’hui, c’est de regarder un vieux film de David Lynch, sans jamais sortir de chez moi.

dimanche 13 janvier 2019

Les aliments étranges que j’ai mangés jusqu’ici.


 Les aliments étranges que j’ai mangés jusqu’ici.

Baleine : Contrairement à l’image qu’ont les étrangers, les Japonais d’aujourd’hui consomment très rarement de la baleine, et il est difficile d’en trouver au supermarché. J’ai mangé deux ou trois sashimis de baleine minke. Il y a souvent des gens qui disent que la viande de baleine est mauvaise et pue, mais les sashimis que j’ai mangés étaient frais et très bon. La viande de la baleine ressemble un peu à la viande de bœuf avec des arômes marins.

Cheval : Le cheval est consommé principalement dans le sud du Japon, et dans ma région natale, on n’a pas l’habitude d’en manger. Mais j’en ai goûté à Tokyo parce que j’étais curieux. Dans un restaurant spécialisé dans la viande de cheval, j’ai pris un don-buri au cheval cru. La viande de cheval est peu grasse, et a une saveur particulière. Comme le cheval est un animal à la température corporelle élevée, on peut manger sa viande crue. J’en ai mangé aussi en France.

Shirako : le shirako est la laitance des poissons. C’est un aliment consommé dans tout le Japon surtout en hiver. On consomme principalement de la laitance de morue, de saumon et de fugu. J’ai mangé celle de la morue et du saumon. La laitance de morues ressemble un peu à de la cervelle, et on peut la manger soit en tempura, soit crue. Le shirako est fondant et crémeux. Toutefois il faut le préparer avec soin parce qu’il s’abîme très vite.  

Tête de veau : J’en ai mangé en France. La viande était moelleuse et incroyablement bonne. L’un des plats les délicieux que j’aie goûtés de ma vie.

Cervelle : J’en ai mangé en France. La cervelle ressemble beaucoup au shirako, mais elle est un peu plus solide. J’ai dit à une amie japonaise que j’ai mangé de la cervelle. Elle m’a dit que l’idée de manger de la cervelle la dégoûtait, mais je sais qu’elle a mangé des salamandres frites.

Escargots : J’en ai mangé en France. Chaque fois que je mange des escargots, j’ai l’impression que c’est la sauce qui est bonne, et que l’escargot n’a pas beaucoup de goût. A-t-on vraiment besoin de mettre de l’escargot dedans ? Un jour, j’ai lu un manga de Jyunji Ito, racontant l’histoire d’un garçon obèse et laid qui se transforme en un énorme escargot, et depuis lors, je n’ai plus envie de manger des escargots.

Boudin noir : J’en ai mangé en France. L’apparence est un peu choquante, mais c’était très bon.

Langue de bœuf : La langue de bœuf est consommée dans tout le Japon et très appréciée. J’ai vu des langues de bœuf vendues à un prix très bas en France. J’ai demandé à des Français pourquoi elles étaient vendues si bon marché. Ils m’ont dit que c’est parce que personne n’en mange. La langue de bœuf donne une sensation particulière dans la bouche. Il y a une partie peu grasse et une autre très grasse et les deux sont bonnes.

Lapin : J’en ai mangé en France. Les Japonais ne consomment pas de lapin, donc l’idée de manger cet animal si adorable m’a beaucoup étonné, mais j’en ai quand même mangé. Ça ressemble beaucoup au poulet.

Grenouille : J’en ai mangé en France. La grenouille a un goût entre le poulet et le poisson à chair blanche. Elle est bonne mais pleine de petits os.

Nattô : le nattô est du soja fermenté. On dit que c’est l’un des aliments japonais que les étrangers détestent parce qu’il a une odeur et une apparence dégoûtantes. Mais personnellement je n’ai jamais trouvé que le nattô pue. Il a une odeur appétissante.

L'ASMR


 J’ai du mal à dormir la nuit. Même si je suis fatigué, mes diverses préoccupations telles que l’avenir, l’université, la finance, le carré dans l’iris des chèvres, un cadavre enseveli dans une montagne quelconque, une gare déserte de la nuit, des histoires d’horreur que j’avais lues pendant la journée, les escargots prasités par le leucochloridium, le Kemuru-jin de « Ultraman » tourbillonnent dans ma tête et m’empêchent de dormir.
 Toutefois je me suis rendu compte récemment que je peux m’endormir plutôt aisément en écoutant l’ASMR. L’ASMR est l’abréviation de « Autonomous sensory meridian response ». En bref, il s’agit d’une sorte de bruit agréable à l’oreille. Sur Youtube, il y a bon nombre de gens qui pratiquent l’ASMR. Le contenu peut varier. C’est parfois le bruit de couper un savon solide, ou celui de manger quelque chose, ou un chuchotement. Mon préféré est celui de couper des savons solides, mais de temps en temps il y a des vidéos d’ASMR suspectes. Par exemple dans une vidéo des jumelles russes léchaient sans cesse un micro en forme d’oreilles pendant plus d’une heure. Je sais évidemment qu’il y a des gens appelés Youtubeurs, qui gagnent une certaine somme d’argent grâce aux revenus publicitaires de Youtube. On comprend aisément l’intention de ces jumelles russes de gagner facilement de l’argent en tournant cette vidéo un peu érotique qui doit attirer beaucoup d'hommes. Mais lorsque je regarde une vidéo comme celle-ci, je ne peux m’empêcher de me demander si elles n’ont jamais envie de se poser une question existentielle en léchant des oreilles en plastique pendant plus d’une heure. Ne se demandent-elle pas par exemple : « Pourquoi dois-je lécher pendant plus d’une heure cette oreille en plastique ? Ma langue est fatiguée. Euh, l’oreille pue à cause de ma salive. Je veux arrêter ». Ici, l’une des jumelles jette un coup d’œil à sa sœur qui continue à lécher d'un air extase, et elle se dit : « Mais je ne peux pas arrêter parce que ma sœur lèche encore son oreille en plastique. Je dois continuer à lécher la mienne. Euh, ça pue. Je ne me suis pas brossé les dents hier. Je veux arrêter. Pourquoi dois-je faire ça ? Je veux mourir ». Tout à coup, je suis pris par l'envie de montrer cette vidéo aux parents de ces filles et de leur demander ce qu’ils en pensent. J’aimerais aussi savoir si elles désinfectent leur micro en forme d’oreilles à la fin du tournage. Peut-être que ces Youtubeuses qui lèchent des oreilles en plastique ont une raison qui les obligent à le faire. Elles doivent peut-être payer leurs études, ou leur famille est endettée. Ce genre de vidéo me préoccupe et me rend insomniaque. Je préfère donc le savon.
 Au fait, Mon Youtubeur préféré est un homme qui s’appelle Kimaguré-Cook. C’est un homme qui découpe divers poissons et les cuisine.

samedi 12 janvier 2019

J’ai changé de salon de coiffure


 J’ai changé de salon de coiffure parce que dans mon ancien salon, si je tombais sur le pseudonyme Mohamed, il me faisait la coupe de Kim Jong-Un. J’ai appelé un salon de coiffure qui avait l’air bien. La dame qui a décroché m’a dit que si j’arrivais dans cinq minutes, on pouvait s’occuper de moi. J’étais en train de boire tranquillement un café, mais j’en avais marre d’avoir les cheveux longs. « Dans dix minutes ? lui ai-je dit. – Ok, dans dix minutes », m’a-t-elle dit. Je me suis vite habillé et je suis allé chez le coiffeur d’un bon pas.
 Une grande jeune femme aux cheveux longs lisses m’a dit qu’elle s’occuperait de moi. Faire deviner la coupe que l’on souhaite aux coiffeurs dans une langue étrangère est en réalité très difficile. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment de préférence pour ma coupe. Je voudrais simplement que ce ne soit pas celle du dictateur de la Corée du nord. J’ai à peine réussi à faire comprendre à ma coiffeuse que je voulais que mes cheveux soient plus courts (logique. Comment pourrait-on avoir les cheveux longs quand on les coupe ?). Elle m’a dit qu’un massage de shiatsu était offert. J’ai été étonné que le mot « shiatsu » soit sorti naturellement de la bouche d’une Française. Une découverte. « Hentai », « Sushi », « Kamikaze », « Yakusa », « Nissan », « Manga » ne sont donc pas les seuls mots empruntés par les Français.
 Je n’aimais pas Mohamed parce qu’il utilisait la plupart du temps une tondeuse et que j’avais l’impression d’être un gazon. Je n’ai rien contre la tondeuse, mais entendre le bruit que font des ciseaux à côté de mes oreilles dans un salon de coiffeur me procure un certain plaisir. La coiffeuse a coupé soigneusement mes cheveux en mettant un temps considérable comme une sculpteuse. Quand sa main maniait les ciseaux à côté de mon œil gauche, je me suis aperçu qu’elle avait des gerçures qui avait l’air douloureuses.
 Je suis finalement satisfait du résultat. Je pense que j’y reviendrai.

''Partons en voyage'' Haruki Murakami


 Je vous ai parlé la dernière fois des meilleurs bagages à emporter en voyage. Cette fois, j’aimerais donner une suite à cet article en insistant sur le contenu de vos bagages.
 L'astuce, pour préparer un voyage, c'est évidemment de réduire la quantité de vos bagages. On a naturellement tendance à emporter de plus en plus d’affaires lors d’un voyage si bien qu’il faut s’astreindre à faire sa valise avec le moins d’affaires possibles. En effet, il y a souvent des gens qui s’inquiètent de ne pas avoir assez de vêtements. Mais leur voyage se termine souvent avec bon nombre d’habits qu’ils n’ont jamais enfilés.
 Je rassemble quotidiennement des vêtements pour voyages. En bref, ce sont des vêtements que je pourrai jeter pendant un voyage. Je vais emporter des T-shirts, des chaussettes et des sous-vêtements qui ne me sont plus nécessaires. Puis je m’en débarrasse les uns après les autres au fur et à mesure, dès que je les ai portés. Ainsi, je n’ai pas besoin de les laver, j’ai moins de bagages, et je fais coup double.
 Cependant, si vous êtes une femme, je vous déconseille fortement de faire de même pendant votre voyage de noces. Si vous dites à votre mari : « Je n’ai emporté que du vieux linge. Murakami disait que ce serait pratique comme ça », il se pourrait qu’il soit abasourdi. Il ne manquerait pas de vous demander qui est Murakami. Veillez donc à gérer la situation au cas par cas, pour que Murakami n’ait pas d’ennuis.
 En écrivant ainsi, je donne l’impression d’être un habitué des voyages. Mais j’ai moi-même un point faible : ce sont les disques. Lorsque je voyage à l’étranger, je vais toujours dans les boutiques qui vendent des disques d’occasion. S’il y en a de rares, j’en achète vingt ou trente. Si j’avais le temps, je pourrais les envoyer au Japon par la poste, mais c’est souvent difficile. Mon plan de voyage que j'avais si soigneusement préparé s'effondrerait alors d'un seul coup
 Et si ma femme est avec moi à cette occasion, elle ne manquera pas de se plaindre. Elle me dira par exemple : « Pourquoi tu en achètes autant alors qu’on en a déjà énormément chez nous ? ». Je n’y peux rien. C’est comme une maladie. Mais ma femme n’est pas bien placée pour me critiquer, parce qu’il lui arrive d’apporter chez nous un tas de jolies pierres qu’elle a trouvées au bord d’un lac. Elles sont encombrantes et très lourdes. Je me plains moi aussi. « Qu’est-ce qu’on va faire de toutes ces pierres, hein ? ». Voilà, on ne peut pas se critiquer ni l’un ni l’autre.
 En conclusion, je voudrais dire qu’un voyage n’est intéressant que s’il s’y passe des événements imprévisibles. Si tout se passe comme prévu, peut-être que le voyage perd tout son sens.
 Par ailleurs, c’est agréable de jeter de vieux vêtements les uns après les autres lors d’un voyage. Une chemise, une chaussette, ce n’est pas lourd, mais j’ai l’impression de perdre de plus en plus de poids. Vous pourrez essayer une fois si cela vous intéresse. Toutefois tout ce que je viens de vous raconter montre aussi que je suis incapable de jeter mes affaires lorsque je ne voyage pas. Avoir l'occasion de se débarrasser de ses affaires, c'est donc l'un des avantages du voyage.

''Manga-michi'' de Fujiko Fujio A


« Devant Shigeru Saino et Michio Maga s'ouvrait un chemin infini.Maintenant les deux garçons ont mis le pied sur cette voie !Ce chemin n'était autre que le "manga-michi", la voie du manga qui s’étendait à perte de vue !! »
 Je parle de mon manga préféré, « manga-michi » (littéralement « le chemin vers le manga, ou le chemin du manga », de Fujiko Fujio A. J’ai vu que de nombreux mangas sont traduits en français, mais cette œuvre n’est pas, et ne sera peut-être pas publiée en France malgré sa qualité et son importance incontestables.
 Avant de présenter l’intrigue, il faut souligner qu’au Japon, il y avait un duo de dessinateurs de manga légendaire, le défunt Fujiko F Fujio, auteur de « Doraemon » (Hiroshi Fujimoto) et Fujiko Fujio A (Moto-o Abiko). Ce duo a dessiné pendant longtemps de nombreux mangas, jusqu’à ce qu’ils se séparent naturellement en 1987. « Manga-michi » est une œuvre de Fujiko Fujio A, qui a été prépubliée de 1977 à 1982 dans le magazine « Weekly Shônen King ».
 Il y a plusieurs années, il y avait un manga des auteurs de « Death Note », sur un duo de dessinateurs imaginaires, intitulé « Bakuman ». « Manga-michi » est un peu comme « Bakuman », sauf que le premier est beaucoup plus ancien et que c’est une non-fiction.
 « Manga-michi » est un manga autobiographique racontant le parcours de Fujiko F Fujio et Fujiko Fujio A, remontant jusqu’à leur rencontre à l’école primaire à la campagne au Japon. Leurs noms ont été modifiés. Dans le manga, Fujio F Fujio s’appelle « Shigeru Saino », et Fujiko Fujio A « Michio Maga ». Un garçon qui aime dessiner, Miciho Maga, rencontre un autre garçon talentueux et fasciné par les mangas, Shigeru Saino. Ils deviennent tout de suite très intimes, et commencent à dessiner des mangas ensemble. Au collège, ils créent un magazine de manga écrit à la main, qui a énormément de succès auprès des garçons de leur village. Au lycée, ils commencent à envoyer leurs œuvres sous le pseudonyme de « Shigemichi Ashizuka » à un magazine de manga « Shônen Gahô » qui a réellement existé. On est à l’aube du manga japonais où Osamu Tezuka est encore très jeune, mais est déjà l’un des auteurs les plus populaires. À l’époque, le manga désignait principalement « yon-koma (manga en quatre cases) » et il s’agissait le plus souvent de gags. Et c’est surtout Osamu Tezuka qui a développé le manga que l’on connait aujourd’hui, qui raconte une histoire originale et une aventure. À un moment, le duo « Shigemichi Ashizuka » obtient pour la première fois sa place dans un journal local, avec son manga en quatre cases « Tenshi no Tama chan (Tama l’ange) », ainsi que leur salaire. Cependant, le journal arrête un jour de publier leur manga sans prévenir les auteurs. Cela a été à la fois leur succès et échec. A la même époque, Saino et Maga envoient une lettre d’admirateur accompagné de leur premier long manga, à Osamu Tezuka qui leur répond plus tard et les invite chez lui ! Saino et Maga qui habitent la préfecture de Toyama, dans le nord du Japon, partent pour Osaka où vit Tezuka. Tezuka exhorte les jeunes lycéens à continuer à dessiner. Saino et Maga apprennent que Tezuka avait dessiné plus de 1000 pages pour un manga de 400 pages, et ils en sont étonnés. Devant eux, Tezuka se met à travailler sur le premier épisode de son nouveau manga en feuilleton « Leo, le roi de la jungle ». Cette rencontre a laissé une forte impression aux jeunes garçons qui rêvent de devenir dessinateurs de manga. De retour à Toyama, ils jettent les manuscrits de « L’Utopie », l’œuvre sur laquelle ils travaillaient et décident de tout recommencer.
Ils continuent à dessiner et leurs mangas ont été publiés dans plusieurs magazines, mais ils terminent leurs études secondaires sans parvenir à devenir professionnels. Maga commence à travailler pour le bureau d’un journal et Saino pour une entreprise. Toutefois, le lendemain, Saino avoue à Maga qu’il a démissionné, et qu’il va se consacrer uniquement au manga. Maga est choqué de cette nouvelle parce que Saino est quelqu’un de très sérieux et de consciencieux. Maga va toujours travailler pour le bureau du journal, tout en continuant de dessiner avec Saino……
 On est encore au début de l’histoire. Ce manga devient encore plus intéressant dès que le duo prend la décision de s’installer à Tokyo. Au début, ils louent une chambre incroyablement petite (de seulement deux tatamis de superficie, soit guère plus de 3 mètres carrés) dans la maison de la tante de Maga, jusqu’à ce qu’ils emménagent dans le célèbre appartement « Tokiwa-sô » qu’habitaient beaucoup de dessinateurs légendaires, Osamu Tezuka, Shôtarô Ishinomori, Hiroo Terada, Fujio Akatsuka etc. À Tokyo, le duo a quand même assez de succès quoique les deux dessinateurs soient toujours pauvres. Mais obtenir une place dans les magazines est tellement difficile. Même si on y réussit, si l'œuvre n’attire pas suffisamment de lecteurs, elle sera immédiatement retirée. Un jour, le duo subit un grave échec et perd sa position dans les milieux du manga.
 Ce manga est non seulement palpitant, mais il permet également de comprendre de quelle manière le manga japonais s’est développé. L’art de la narration de Fujiko Fujio A est si habile que j’ai lu tous les tomes d’une traite. J’espère qu’il sera traduit et publié en France, le deuxième pays consommateur de mangas.

lundi 7 janvier 2019

L'interview de Kenzaburô Oé




 Je profite des vacances pour lire des livres que j’avais laissés sur mon étagère. Pour l’instant, je lis « Le Jeu du siècle » de Kenzaburô Oé que l’on m’avait offert l’an dernier.
 Aujourd’hui, j’ai regardé sur Youtube une interview de Kenzaburô Oé qui date de 2010. L’un des plus grands romanciers du Japon dit des choses intéressantes dans cette vidéo. Par exemple, il dit que pour lui le poème est la forme la plus aboutie de la littérature. Dans sa jeunesse, il a essayé de lire des poèmes en anglais en tant que texte original, mais à un moment, il s’est demandé s’il comprenait vraiment l’esthétique de ces poèmes. Finalement, il eut l’impression qu’il comprenait mieux les poèmes, avec leur version traduite en japonais par un traducteur qui avait un sens de l’écriture avec la langue originale. Comme quelqu’un avait dit que le poème est fondamentalement intraduisible, ce point de vue selon lequel on comprend mieux les poèmes traduits, est intéressant pour moi.
 Par ailleurs, Monsieur Oé dit que beaucoup d’écrivains japonais de l’ère Taishô (de 1912 à 1926) à l’instar de Shinichi Makino, Motojirô Kajii, Atsushi Nakajima, Shimei Futabatei, dans le but de créer un nouveau style, faisaient l’effort d’importer le rythme et la sonorité d’une langue étrangère tels que l’anglais, le français, le grec, le chinois, le russe dans leur japonais. Il dit ensuite qu’à l’ère de Shôwa (de 1926 à 1989), surtout après-guerre, les écrivains ont commencé à interroger des sujets lourds dans leurs œuvres si bien que leur style a perdu une certaine légèreté. Et durant cette ère, Monsieur Oé dit qu’il essayait toujours de faire retentir la sonorité de la langue étrangère, et selon lui, celui qui a achevé ce travail, et qui a réussi à acquérir une importance internationale est Haruki Murakami.
 J’apprécie ces deux écrivains depuis longtemps et je trouvais toujours qu’il y a une ressemblance entre eux (la présence de la violence et de citations, un univers mystérieux etc), mais je n’avais jamais regardé leurs œuvres de ce point de vue. Dans l’interview, Kenzaburô Oé parle de l’importance de l’élaboration de ses romans en montrant ses manuscrits remplis d'innombrables ratures et ajouts. Il dit qu’il élabore si obstinément que lorsqu’il achève un roman, les traces de la première version sont presque invisibles. Haruki Murakami disait la même chose dans un de ses essais. Mais la différence, c’est qu’Oé écrit à la main, et Murakami, avec un Mac.

''Face aux gens'' Haruki Murakami


 Je n’aime pas être observé quand je fais quelque chose, de sorte que j’essaie de rester chez moi autant que possible et d’y travailler seul. Toutefois, ma position sociale (oui, même une personne comme moi a une position sociale) m’oblige de temps en temps à paraître en public.
 Quoique j’y sois réticent, si je me dis : « Je ne peux plus rebrousser chemin » et que je me résous à le faire, normalement tout se passe bien. Pour une raison obscure, je ne suis jamais tendu devant une foule. Une fois, j’ai parlé environ trente minutes devant deux mille personnes dans une université américaine, et j’étais totalement à l’aise. J’étais détendu et j’ai pu parler sans problème. Mon audience a bien ri et ç’a été un moment agréable.  
 Il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir à parler devant plus de mille spectateurs, mais le nombre n’a jamais été un problème. C’est peut-être parce que j’ai une mauvaise vue et que je ne vois pas clairement les visages des spectateurs. Je me dis : « Ah, il y a du monde » et c’est tout.
 Toutefois si je me tiens devant vingt à cinquante personnes, il m’arrive de perdre mes mots. Pourquoi ? Suis-je tendu parce que je vois bien les visages des gens ? Et s’il y avait beaucoup plus de monde ? J’ai l’impression d’avoir plus envie de parler une fois devant 50 000 personnes dans un endroit aussi énorme que le stade de Tokyo. « Hé, lisez-vous mes romans ? ». C’est une plaisanterie, bien sûr.
 Quoi qu’il en soit, je n’aime pas paraître en public. Même si je me débrouille une fois sur place, je serai épuisé plus tard. J’éprouve souvent un sentiment ressemblant à un dégoût de moi et je n’arrive plus à travailler. C’est pourquoi j’évite le plus possible de paraître en public. Merci de votre compréhension.
 Je ne suis donc jamais passé dans un programme télévisé. Comme je mène une vie ordinaire en prenant le bus, en me promenant et en achetant des poireaux et des radis blancs, ce serait compliqué si on m’abordait fréquemment dans la rue. Je ne voudrais pas qu’on dise : « Regarde, maman. Haruki Murakami passe à la télé. Il a une drôle de tête ». Mon visage ne regarde pas les autres.
 Il y a très longtemps, la NHK m’a demandé de parler dans une émission éducative. Comme d’habitude, j’ai poliment refusé cette proposition en disant : « Je ne veux pas montrer mon visage », le directeur de l’émission m’a dit : « Écoutez Monsieur Murakami. Mon émission fait moins de deux pour cent d’audimat. Il n’y a que peu de monde qui la regarde. Il n’y a pas à vous inquiéter ». « Ah bon », me suis-je dit, mais j’ai pensé aussitôt : « Mais attends, ce n’est pas la question ! ».
 Je connais quelqu’un qui demandait un rapport sexuel à une femme en lui disant : « Ça va vite finir » (il y a bon nombre de gens bizarres au monde). La logique du directeur de la NHK ressemble un peu à ça. J’imagine qu’il n’y a aucune femme qui se dit : « Ok, je vais le faire si ça finit vite » et qui accepte. Ce n’est pas comme un don du sang qu’on fait par devoir.
 Ainsi, je ne suis jamais passé à la télé. Serai-je tendu devant une caméra ou pas ?

samedi 5 janvier 2019

La chose la plus intéressante


 La chose la plus intéressante que j’aie vue récemment. Quelqu’un a modifié le cri d’un homme enfonce son pénis couvert de papier aluminium dans une prise, et il l’a posté sur Twitter en disant qu’il s’agissait du cri d’une baleine qui se laisse attraper pour sauver son bébé. Ce tweet a été repris de nombreuses fois, et une femme contre la chasse aux baleines a mis en commentaire : « Je ne peux m’empêcher de pleurer » alors qu’en réalité, c’est le cri douloureux d’un homme qui enfonce son pénis dans une prise.
 Aujourd’hui, j’ai regardé un documentaire sur l’hôpital psychiatrique en France. J’ai eu l’impression que je pourrais me faire beaucoup d’amis si j’y étais interné. Dans la vidéo, un homme schizophrène nommé Jean-Luc disait qu’il aimait jouer avec des animaux parce qu’ils sont gentils.
 Comme je suis moi aussi dépressif, j’ai souvent une vague envie de mourir, mais je ne me le permettrai pas avant d’avoir lu le dernier épisode de « One Piece » et d’avoir dit du mal d'Eiichirô Oda sur Internet.

TCF


 Plus de deux ans se sont écoulés depuis que j’ai commencé mes études de lettres en France. J’ai lu de nombreux livres et j’ai rédigé bon nombre de dissertations. Tantôt j’ai eu de bonnes notes, tantôt j’en ai eu de catastrophiques. Quand j’étais au Japon, je faisais des entraînements pour le DALF (Diplôme approfondi de la langue française) et le TCF (Test de connaissance du français). Depuis mon installation en France, j’ai arrêté de me consacrer uniquement au français, puisque tous les cours sont en français et c’est comme si j’apprenais cette langue sans fournir d’efforts particuliers. Étant donné que je pense passer le DALF C2 cet été, j’ai décidé de passer l’épreuve de TCF, plus simple que le premier, pour mesurer mon niveau.
 C’est pourquoi j’ai passé le test de TCF dans une école de langues aujourd’hui. Nous étions quatre candidats en tout. Il y avait une femme qui avait l’air arabe et deux Chinoises. On nous a conduits dans une salle équipée d’ordinateurs. Il y avait quelques questions dont je n’étais pas sûr, mais l'épreuve était globalement simple. À la fin de l’examen, nous avons tout de suite eu notre résultat provisoire affiché sur l’écran des ordinateurs. C'est alors que j’ai été profondément déçu. Mon résultat était C1, comme avant que je vienne en France. Mais ce qui m’a particulièrement déprimé est le fait que les notes des trois parties constituées de compréhension orale, maîtrise de structure de la langue, compréhension écrite, étaient largement plus basses que lorsque j’avais passé le TCF à l’Alliance française de Tokyo en 2015. À ce moment-là, j’avais obtenu 599 sur 700 dans toutes les parties, et j’atteignais presque le niveau C2. Étonnement, mon niveau de français a baissé en France ! En effet, lorsque j’avais passé ce test au Japon, je faisais des exercices pour le TCF quotidiennement. J’alimentais mon cahier de vocabulaire en soulignant les mots inconnus dans les livres, et j’étais beaucoup plus passionné par le français qu’aujourd’hui. Cette fois, je n’avais rien préparé. Ça peut être la cause de ce résultat décevant, mais c’est une excuse. J’étais si triste qu'en rentrant j’ai acheté une bouteille de bière, ce qui n'est pas dans mes habitudes. L’alcool était amer et a exacerbé ma migraine.

mercredi 2 janvier 2019

Les habitudes surprenantes des Français


Les habitudes surprenantes des Français :

1. Il semble assez fréquent que les Français prennent leur température anale.
 Ce fait a été mis en lumière quand j’ai dit à une Française qu’au Japon, la température de 37 degrés est considérée comme une « fièvre légère ». Elle m’a répliqué en disant que la température moyenne de l’humanité est de 37 degrés quelle que soit la race. J’ai persisté à lui dire que les Japonais pensent vraiment que la température moyenne est de 36 degrés et que moi-même, quand j’ai 37, je me sens malade. Alors, elle m’a demandé comment les Japonais prennent leur température. « Normalement sous l’aisselle », lui ai-je dit. Tout à coup, elle a eu l’air triomphant, et m’a dit fièrement que les Français prennent leur température dans l’anus et c’est la température la plus exacte. Au début, j’ai pensé qu’elle plaisantait. Mais il s’est avéré qu’elle était sérieuse. Plus tard, j’ai demandé à plusieurs Français s’ils prenaient leur température dans l’anus. Certains ont dit oui, d’autres ont dit non. Mais quoi qu’il en soit, il semble assez fréquent que les Français prennent leur température dans l’anus.

2. Les Français ne se déchaussent pas chez eux.
 Les rues sont sales. Il y a des mégots, des ordures et des crottes de chien (à moins que ce ne soit des excréments humains). Malgré cela, j’ai remarqué qu’il est assez normal de ne pas se déchausser chez eux. Si on marche avec des chaussures dans une maison, des morceaux de crottes et des microbes seront dispersés sur le plancher. De plus, si on porte toujours des chaussures en été, les pieds seront étouffés et émettront sans doute une mauvaise odeur. Une fois, j’ai demandé à un Français s’il dort avec des chaussures. Il m’a dit qu’il dort les pieds nus et j’ai été rassuré. En même temps, je trouve cette différence culturelle intéressante, puisqu’elle représente la manière de percevoir l’espace des Français et des Japonais, ou des Occidentaux et des Asiatiques.

3. Les Français se mouchent-ils avec un mouchoir en coton ?
 Une fois, pendant un cours, une prof âgée s’est mouchée. Se moucher n’est pas du tout un acte choquant. Je me mouche mille fois par jour au printemps. Mais ce qui m’a choqué, c’est qu’elle s’est mouchée dans un vrai mouchoir en coton. Au Japon, on utilise un mouchoir en coton pour s’essuyer la sueur ou les mains. « Mais si on se mouche avec un mouchoir en coton, on ne peut l’utiliser qu’une seule fois… », me suis-je dit. Quelques minutes plus tard, elle a sorti de nouveau le mouchoir et s’est mouchée une deuxième fois. J’ai été sidéré. Toutefois, c’est le seul cas où j’ai constaté qu’une personne se mouche avec un vrai mouchoir de sorte que je ne sais pas s’il s’agit d’un acte répandu.