samedi 17 novembre 2018

FLE (6)


 Ce matin, la voix de la femme de ménage de mon étage m’a arraché de mon sommeil paradisiaque. Sa voix est aiguë de sorte que je l’entendais nettement à travers la porte. Il semblait qu’elle discutait avec un autre résident. Il lui demandait qui occupait ma chambre. « C’est un petit garçon japonais habite ici ! », a-t-elle dit. Je me suis demandé de qui elle parlait. Un Japonais habite effectivement ici, mais il n’est pas petit. Étrange.
 Ce semestre approche bientôt de sa fin. Pendant le cours de FLE, notre enseignante nous a demandé de rédiger en quinze minutes un document sur le thème du « mal-logement en France ». Je me suis mis à écrire sur ce sujet, sur la feuille de papier qu’elle m’avait fournie. Je suis désolé, mais les sujets que les professeurs de français choisissent n’ont jamais été intéressants pour moi. Je n’ai pas beaucoup écrit. J’ai juste rempli une page. De toute façon, l’enseignante avait dit qu’elle ne voulait pas de texte trop long.
 Quelques minutes plus tard, elle a ramassé nos copies et nous a demandé de travailler individuellement. Comme d’habitude, j’ai passé le temps à bavarder avec le Coréen avec qui je m’entends bien. Comme nous discutons en français, ça peut être considéré comme exercice de français. Il m’a demandé si j’avais déjà lu « Les Misérables » de Victor Hugo. Je lui ai dit que oui.
« En français ?
– Non, en japonais. Quand j’étais au collège. Il y avait trois tomes, ai-je dit.
– En Corée, c’est cinq tomes !
– J’avoue que ça ne m’a pas vraiment impressionné.
– Il faut le lire en français ! ».
 J’essayais de me rappeler comment « Les Misérables » se termine, mais en vain. Je me souvenais seulement que l’inspecteur de police du nom de Javert se suicide en se jetant dans la Seine.  
 Le jeune garçon m’a dit que l'idée de rentrer en Corée du Sud lui faisait horreur, et que son rêve était d’obtenir la nationalité française. J’avais l’impression de comprendre ce sentiment, mais je ne savais pas comment lui répondre. Parfois, la société japonaise me paraît comme un immense système qui fonctionne tout seul en détruisant un grand nombre de ceux qui le gèrent. Il m’a dit qu’à l’âge de vingt-cinq ans, tous les Coréens sont obligés d’entrer dans l’armée.
« Même ceux qui habitent à l’étranger ? ai-je demandé.
– Oui, a-t-il dit.
– Et si tu ignorais la convocation ?
– Je serai arrêté à l’aéroport ».
 Je ne sais pas si c’est vrai. Je ne veux absolument pas entrer dans l’armée. J’ai du mal avec les systèmes étouffants. J’avais déjà beaucoup de mal avec le collège et le lycée.
À ce moment-là, notre enseignante est revenue. Elle s’est mise à corriger la rédaction du Coréen. Par la suite, elle est venue à côté de moi. On a corrigé ensemble ma dissertation bâclée, mais je n’avais fait qu’une seule erreur : j’avais oublié de mettre un s de pluriel à un mot. « Tu as un bon français. Mais tes phrases sont un peu trop simples, m’a-t-elle dit.
- C’est parce que je viens de finir ‘’L’Étranger’’ de Camus hier ».
 Mon propos l’a fait rire pour une raison obscure.
 Pour le cours de FLE, tous les étudiants sont obligés de présenter un dossier composé de productions écrites pour montrer qu’ils ont travaillé à améliorer leur français. Une Espagnole très joyeuse et bavarde comme une fillette qui viendrait d’apprendre sa langue, cherchait désespérément un moyen d’échapper à cette occasion, en discutant avec la prof. Elle ne semblait absolument pas vouloir accomplir ses devoirs. Elle lui demandait ce qui lui arriverait si elle ne faisait rien. Quand la prof lui a dit que cela dépendait du secrétariat de sa faculté, elle a gémi à plusieurs reprises.

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