Ce matin, la voix de la femme de
ménage de mon étage m’a arraché de mon sommeil paradisiaque. Sa voix est aiguë
de sorte que je l’entendais nettement à travers la porte. Il semblait qu’elle
discutait avec un autre résident. Il lui demandait qui occupait ma chambre. « C’est
un petit garçon japonais habite ici ! », a-t-elle dit. Je me suis demandé de
qui elle parlait. Un Japonais habite effectivement ici, mais il n’est pas
petit. Étrange.
Ce semestre approche bientôt de sa
fin. Pendant le cours de FLE, notre enseignante nous a demandé de rédiger en
quinze minutes un document sur le thème du « mal-logement en France ». Je me
suis mis à écrire sur ce sujet, sur la feuille de papier qu’elle m’avait
fournie. Je suis désolé, mais les sujets que les professeurs de français
choisissent n’ont jamais été intéressants pour moi. Je n’ai pas beaucoup écrit.
J’ai juste rempli une page. De toute façon, l’enseignante avait dit qu’elle ne
voulait pas de texte trop long.
Quelques minutes plus tard, elle a
ramassé nos copies et nous a demandé de travailler individuellement. Comme
d’habitude, j’ai passé le temps à bavarder avec le Coréen avec qui je m’entends
bien. Comme nous discutons en français, ça peut être considéré comme exercice
de français. Il m’a demandé si j’avais déjà lu « Les Misérables » de Victor
Hugo. Je lui ai dit que oui.
« En français ?
– Non, en japonais. Quand j’étais au
collège. Il y avait trois tomes, ai-je dit.
– En Corée, c’est cinq tomes !
– J’avoue que ça ne m’a pas vraiment
impressionné.
– Il faut le lire en français ! ».
J’essayais de me rappeler comment «
Les Misérables » se termine, mais en vain. Je me souvenais seulement que
l’inspecteur de police du nom de Javert se suicide en se jetant dans la Seine.
Le jeune garçon m’a dit que l'idée de
rentrer en Corée du Sud lui faisait horreur, et que son rêve était d’obtenir la
nationalité française. J’avais l’impression de comprendre ce sentiment, mais je
ne savais pas comment lui répondre. Parfois, la société japonaise me paraît
comme un immense système qui fonctionne tout seul en détruisant un grand nombre
de ceux qui le gèrent. Il m’a dit qu’à l’âge de vingt-cinq ans, tous les
Coréens sont obligés d’entrer dans l’armée.
« Même ceux qui habitent à l’étranger
? ai-je demandé.
– Oui, a-t-il dit.
– Et si tu ignorais la convocation ?
– Je serai arrêté à l’aéroport ».
Je ne sais pas si c’est vrai. Je ne
veux absolument pas entrer dans l’armée. J’ai du mal avec les systèmes
étouffants. J’avais déjà beaucoup de mal avec le collège et le lycée.
À ce moment-là, notre enseignante est
revenue. Elle s’est mise à corriger la rédaction du Coréen. Par la suite, elle
est venue à côté de moi. On a corrigé ensemble ma dissertation bâclée, mais je
n’avais fait qu’une seule erreur : j’avais oublié de mettre un s de pluriel à un
mot. « Tu as un bon français. Mais tes phrases sont un peu trop simples,
m’a-t-elle dit.
- C’est parce que je viens de finir
‘’L’Étranger’’ de Camus hier ».
Mon propos l’a fait rire pour une
raison obscure.
Pour le cours de FLE, tous les
étudiants sont obligés de présenter un dossier composé de productions écrites
pour montrer qu’ils ont travaillé à améliorer leur français. Une Espagnole très
joyeuse et bavarde comme une fillette qui viendrait d’apprendre sa langue,
cherchait désespérément un moyen d’échapper à cette occasion, en discutant avec
la prof. Elle ne semblait absolument pas vouloir accomplir ses devoirs. Elle
lui demandait ce qui lui arriverait si elle ne faisait rien. Quand la prof lui
a dit que cela dépendait du secrétariat de sa faculté, elle a gémi à plusieurs
reprises.
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