lundi 5 novembre 2018

L’apprentissage du français


 Lorsque j’ai commencé à apprendre le français, j’habitais à Tokyo pour une certaine raison. J’ai d’abord choisi une école de français qui se trouvait dans un immeuble d’un quartier résidentiel. C’était un immeuble ordinaire dont un appartement entier, assez spacieux, était occupé par une école de français. Je me rappelle aussi le nom de mon premier professeur. Il s’appelait « Robin » et parlait parfaitement le japonais. Il y avait aussi une autre professeur petite aux cheveux rouges, dont j’ai oublié le nom. Toutefois, je ne suis pas resté longtemps dans cette école parce que les cours consistaient majoritairement en dialogues et étaient destinés aux gens qui souhaitaient apprendre le français joyeusement. Je ne nie pas que cette méthode être efficace, puisque je ne suis pas spécialiste dans l’apprentissage des langues étrangères. Toutefois, je pense toujours que la grammaire est importante. Au bout d’un mois, je me suis mis à chercher une autre école.
 À Tokyo, il y a deux écoles de français réputées. L’un est l’Institut français, qui est reconnu par le gouvernement français, doté d’une une riche médiathèque et qui organise fréquemment des événements culturels. L’autre est l’Athénée français, qui n’est pas reconnu par le gouvernement français, mais qui existe depuis avant la première guerre mondiale et qui a engendré bon nombre d’écrivains et de spécialistes en littérature française. J’ai finalement choisi cette dernière, parce qu’elle était beaucoup moins chère.
 Chaque semaine, je prenais la ligne Chûo pour aller à Ochanomizu. J’avais appris les bases de la grammaire française en autodidacte. Je me suis donc inscrit au niveau intermédiaire. Mon professeur de français, un Blanc grand et maigre, habillé toujours de manière chic, contrairement à Robin, ne parlait pas trop le japonais, bien qu'il était marié à une Japonaise et vivait au Japon depuis longtemps. Le cours était centré sur la grammaire et ça m’a plu. Après les cours, j'aimais me promener à Ochanomizu où il y a beaucoup de librairies d’occasion. Parfois je marchais jusqu'à Kudanshita. J’achetais souvent des castella (gâteau japonais) en forme de clochette à la boulangerie.
 La plupart de mes camarades étaient des femmes d’un certain âge qui apprenaient le français en dilettantes. Il y avait aussi quelques jeunes. Nous étions que deux hommes. Cela m’a étonné que même des dames âgées apprenaient passionnément le français, parce que je ne sais pas si j’aurais envie d’apprendre une langue étrangère quand j’aurai leur âge. Je parlais de temps en temps avec une Coréenne d’un certain âge qui avait du caractère. Elle avait sa vie au Japon, et elle parlait le japonais si parfaitement que j’ai appris qu’elle était coréenne beaucoup plus tard. L’autre garçon venait de l’ouest du Japon. C’était un homme très extraverti qui parlait le dialecte du Kansai. Une fois, on est allés voir ensemble un film de François Ozon dans un petit cinéma. Il y avait aussi une dame qui m’a un jour dit qu’elle ne s’intéressait pas du tout à la France. Je lui ai demandé pourquoi elle apprenait le français. « J’ai envie d’émigrer au Sénégal, m'a-t-elle dit. – Je vois », ai-je dit. C'était aussi dans cette école que j'ai rencontré une dame, interprète professionnelle d'allemand et de japonais. Elle avait vécu longtemps en Allemagne de sorte qu'elle parlait un excellent allemand. Elle m'a dit qu'elle continuerait le français jusqu'à ce qu'elle obtienne le diplôme d'interprète de cette langue. Il y avait aussi une jeune fille qui étudiait la technologie astronomique, quelque chose de ce genre. Elle apprenait le français pour entrer dans une université française prestigieuse dont je n'ai pas retenu le nom. Il s’est révélé que nous avions des goûts très proches en musique et en cinéma, et elle m’a dit qu’elle n’avait jamais rencontré quelqu’un qui avait des goûts aussi similaires. Nous avons échangé nos adresses e-mail. Elle était jolie, mais je ne lui ai rien envoyé. J’avais la flemme.
 Tout le monde était passionné pour le français, et avait un rêve ou une ambition. Je n’avais rien de tout cela. Entre les deux choix de me suicider et d'aller à l'université française, j’avais choisi le second. Tout ce que je faisais, c’était de regarder de temps en temps de vieux films de Jean-Luc Godard et de lire Boris Vian. Mon premier objectif était d'obtenir le DALF C1, et je l’ai atteint il y a quelques années. Je continue encore le français, quoique je sois toujours apathique et dénué de grande ambition. Je me demande ce que ces gens que j'avais rencontrés sont devenus aujourd'hui.

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