Il
m’est arrivé une fois de montrer Talleyrand à une inconnue. C’était une
après-midi ensoleille du début de l’été. J’étais dans le TER à destination de
Strasbourg dans lequel j’étais monté à Mulhouse. J’étais assis tout seul. Il y
avait beaucoup de places vides. Une dame assise avec son mari de l’autre côté
du couloir se levait pour la cinq ou la sixième fois pour aller aux toilettes.
Je lisais un roman. Au bout d’un moment, je m’en suis fatigué et je me suis mis
à regarder le paysage par la fenêtre : les champs dorés et l’horizon qui
s’étendaient à l’infini. À ce moment-là, sans aucune raison particulière, j’ai
sorti Talleyrand de mon sac à dos et je l’ai mis sur la place voisine qui était
inoccupée. Quelques minutes plus tard, le train s’est arrêté à Colmar, où
beaucoup de passagers sont montés. Les places vides ont été occupées les unes
après les autres, sauf la place à côté de moi, où était assis Talleyrand. Une
femme sans doute dans sa trentaine, en cherchant désespérément une place vide,
est passée près de moi. Quelques instants plus tard, elle est revenue et m’a
demandé si elle pouvait s’y asseoir. J’ai déplacé Talleyrand sur la table. La
femme est assise. « Il est mignon », a-t-elle dit. « Il s’appelle
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. Il a un an », ai-je dit. La
conversation épuisée, elle s’est mise à regarder son portable. Je me suis remis
à lire mon roman. Immobile, Talleyrand demeurait silencieux, jusqu’à ce que le
TER arrive à la gare de Strasbourg.
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