Kazuki
Sakuraba est une femme écrivain qui a une carrière particulière. Elle a d’abord
débuté comme auteur de ‘’Light Novel’’. Qu’est-ce que ce ‘’Light Novel’’ ? Il
s’agit d’un genre de la littérature japonaise. Dans un sens large, ce terme
désigne « les romans avec des illustrations en animé, d’un style souvent
parlant et facile à lire ». Comme le mot
‘’light (léger)’’ l’indique, ce genre est souvent sous-estimé. Par exemple,
l’écrivain Otsuichi s’exprime ainsi dans la postface de « Goth ».
‘’(…) Lorsque je lisais un magazine de jeux vidéo, il était écrit dans un entrefilet : « Dans le monde d’édition, les light novels ne sont pas reconnus comme ‘’livres’’. Dans l’inconscient collectif, il s’agit de quelque chose de primaire destiné aux enfants ». Moi, je ne sais pas trop, mais les light novels étaient méprisés dans le monde d’édition. J’ai été choqué (…)’’
Après avoir eu du succès avec des lights novels
‘’Gosick’’ – je ne sais pas si cette façon de dire est correcte – Kazuki
Sakuraba a été reconnue en tant qu’écrivain ‘’normale’’. Et en 2008, par «
Watashi no otoko (Mon homme) », elle a reçu le prix Naoki, qui est aussi
prestigieux que le prix Renaudot en France.
Je
lisais ses livres avec plaisir quand j’étais au collège et au lycée. Mais
ensuite, je m’en suis peu à peu éloigné, naturellement. L’été dernier, je me
suis tout à coup souvenu de cet écrivain et j’ai eu envie de traduire un de ses
livres « Mademoiselle Nanakamado et sept adultes pitoyables (Shôjo Nanakamado
to shichinin no kawaisô na otona)». Je
l’ai donc traduit en français pour mon plaisir et pour améliorer mon niveau,
puis j’ai demandé à ma correspondante Pauline de corriger le texte. Une fois
terminée la traduction, j’en étais content tout seul. Par la suite, j’ai
commencé à traduire un autre de ses livres intitulé « Un bonbon ou une balle ?
(Satôgashi no dangan wa uchinukenai) » que j’avais adoré. J’ai acheté la
version originale sur Amazon Japan, et il a été livré chez moi à Strasbourg. Plus
tard, comme j’avais repris les cours, j’avais moins de temps libres que pendant
les vacances, mais je l’ai traduit petit à petit et je viens de terminer hier.
Et
aujourd’hui, j’ai découvert que « La légende des Akakuchiba » du même auteur,
avait été publié en France en septembre dernier, presqu’au même moment que
j’avais terminé la traduction de « Mademoiselle Nanakamado et sept adultes
pitoyables » alors que jusque-là, aucun de ses livres n’avait été traduit en
français. N’est-ce pas ce que Carl Jung appelle synchronicité ? Je pense que «
Mademoiselle Nanakamado et sept adultes pitoyables » et « Un bonbon ou une
balle ? » seront aussi traduits et publiés dans l’Hexagone, avec une meilleure
traduction que la mienne. Je suis déçu. Cela m'a coupé l'envie de traduire quoi
que ce soit pour un bon moment !
« Un bonbon ou une balle ? » est l’histoire
d’une fille de treize ans, Nagisa Yamada. Elle vit avec sa mère et son frère
dans un HLM. Son père est décédé dans un naufrage dix ans auparavant. Son frère
est un hikikomori (un terme japonais désignant les gens qui ne sortent pas de
chez eux pendant des mois, parfois des années), et elle pense à entrer à
l’armée d’autodéfense après le collège. Après les vacances d’été, en septembre,
une fille excentrique a été transférée de Tokyo à son collège. Elle s’appelle
Mokuzu Umino, et elle semble être la fille du célèbre chanteur Masachika Umino.
Lorsque le professeur de la classe lui demande de se présenter à ses nouveaux
camarades, après avoir bu de l’eau minérale, elle a prétend être une sirène.
Comme
Kazuki Sakuraba écrivait des polars au début de sa carrière, ce livre emprunte
des traits à ce genre. Par exemple, le
récit commence, d’une manière assez choquante, par l’extrait d’un article
disant que le cadavre démembré de Mokuzu Umino a été découvert dans la montagne.
D’autre part, il est difficile de classer ce livre comme roman policier,
puisque le lecteur peut facilement deviner qui est le tueur. L’essentiel de ce
roman se trouve dans la relation entre Nagisa et Mokuzu.
La
narratrice est Nagisa, si bien que le style est celui d'une fille de treize ans
qui parlerait à ses amis, en utilisant beaucoup d'expressions argotiques. On
trouve souvent des mots familiers et crus. Il y a même une sorte de
transgression des codes littéraires qui donnent un effet comique.
‘’ Il a chancelé deux ou trois fois puis il a dodeliné de la tête. Dès qu’il a baissé les yeux, il a vomi brutalement comme une cascade.
« Bleuuuurrrrp !
- F,f,f,f,f, frérot ?
- …….Ça va maintenant»
Tomohiko s’est mis à marcher en titubant.Mais il s’est arrêté. Il a fait à nouveau :
« Bleuuuuurrrp !
- Ouiiinn, frérot !
- …….Pardon. Maintenant je vais vraiment mieux. »’’
La
composition est aussi originale que le style. Dans ce roman, deux parties
avancent en parallèle, le présent et le passé. Dans la partie au présent,
Nagisa et son frère montent la montagne, dans l’autre qui est au passé, Nagisa
parle de ses souvenirs de Mokuzu. Et ces deux parties se rejoignent à la fin.
La psychologie des personnages est aussi remarquable. Le
jour où Nagisa et Mokuzu se rencontrent, cette dernière dit à la première «
Meurs » et elle prétend que c’est une façon d’exprimer son affection. Nagisa
lui réplique que c’est de la haine. Plus tard, il se révère que Mokuzu subit
quotidiennement la violence de son père, et le lecteur comprend que c'est pour
cela qu'elle n’arrive pas à distinguer l’affection de la haine. Lorsque Mokuzu
a dit à Nagisa « Meurs », elle pensait sérieusement devenir son amie.
J’ai
écrit longuement mais je n’ai pas l’intention de faire un commentaire composé,
ni dissertation. J’en fais assez à la fac. De toutes les œuvres de Kazuki
Sakuraba, je préfère ce « Un bonbon ou une balle ? ». Ce roman à la fois triste
et comique a quelque chose de sincère qui peut toucher le lecteur. Moi-même, je
suis resté sidéré un long moment après avoir traduit le dernier chapitre. Pour
l’instant, seule ma traduction permet de le lire en français. Mais si vous
voulez connaître l'histoire, la version en manga a déjà été traduite en
français sous le titre de « A lollypop or a bullet ? ».
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