Le plateau à
la main, l’homme-chameau descendit l’escalier du sous-sol comme d’habitude. Il
était toujours laid et sale. Ou devrais-je dire, il devenait de plus en plus
sale et laid de jour en jour. Sa morve gouttait sur le sol, et ses yeux avaient
de grosses chassies. Ses dents saillantes étaient jaunies et abîmées, la
couleur de ses lobes d’oreilles était altérée à cause de la crasse, ses cheveux
longs étaient couverts de pellicules, à chacun de ses pas de la poudre blanche
tombait aux alentours. Son haleine était abominable. Il m'était impossible de
manger un plat apporté par un tel homme.
Dès que je le lui dis, l’homme-chameau cracha
dans l’assiette et dit joyeusement : « Fais comme t’veux ! Jé m’en fous
même si t’meurs de faim ! T’façon, t’mourras bientôt. C’pareil, c’pareil,
héhéhéhéhé. »
Si j’étais dans une situation normale, l’homme-chameau
ne serait pas un obstacle pour moi. Mais mes deux bras étaient fermement attachés
au mur par une grosse chaîne.
L’homme-chameau sortit un gros fer de marquage
qui était resté dans les flammes de la cheminée, en balançant son embout
entièrement rouge dans l'air, il la regarda d’un air content.
« Héhéhéhéhé,
quand mon maître sera revenu, t’pourras jouer avec lui tant que t’veux. Il t’fera
pleins de trucs drôles. Jé l’aiderai aussi. On ne t’tuera pas facilement. On t’laissera
vivant et t’fera souffrir pendant longtemps. Mais au final, t’mourras !
Toi, une bête qui ne craint même pas Dieu, devra payer pour avoir fait la cour
à Madame ! »
Dans le sous-sol, comme l’homme-chameau me l’avait
dit, il y avait beaucoup d’instruments de tortures. Il y avait un étau pour
broyer un doigt, des entonnoirs et des tuyaux pour la noyade, un pic à glace,
des tenailles, un fouet avec des épines. Sur l’étagère, il y avait tous les
albums de Tom Jones et Abba.
« Jé
pas fait la cour à Madame ! », lui dis-je. Puis je me repris, « Je
n’ai pas fait la cour à Madame ! » Je ne sais pas de quel dialecte il
s’agissait mais la manière de parler de l’homme-chameau était contagieuse.
« Je
lui ai juste servi du thé. »
L’homme-chameau rit bêtement et lâcha un gros
pet.
« Jé
sais, jé sais. Jé sais touuut. À ce moment-là, il y avait un éclat de désir
sexuel dans tes yeux. En lui servant du thé, t’pensais à la fellation dans té
tête. Jé comprends si jé regarde les yeux. Jé suis pas idiot.
- C’est
faux. À ce moment-là, je pensais au radis blanc râpé que j’allais manger au
dîner, dis-je.
- T’vois !
T’vois ! C’est exactement comme jé dit ! dit l’homme-chameau
triomphalement.
- Hé,
attends voir. Comment ça c’est ‘’exactement comme j’ai dit’’ » lui
répliquai-je mais il ne m’écouta pas.
« T’souffriras
à fond dans ce sous-sol et t’mourras petit à petit ! Héhéhéhéhéhéhéhé. »
Et pourtant je pensais vraiment au radis blanc râpé.
Et pourtant je pensais vraiment au radis blanc râpé.
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