samedi 23 juin 2018

Les Japonais et le suicide


 Parmi les pays développés, le Japon est le seul où la première cause de la mortalité des jeunes est le suicide. Ailleurs, les jeunes meurent d’abord de maladie ou d’accident, et le suicide ne vient qu’après. Le Japon est en effet une nation sûre, avec une solide infrastructure, de sorte que les jeunes meurent rarement de maladie ou d’accident, ce qui est aussi le cas des autres pays développés, car les nations avec lesquelles le pays du soleil levant est comparé ne sont pas ceux du tiers monde. Ici apparaît l’anormalité de cette situation. D’ailleurs, un curieux phénomène se produit. Le taux du suicide global du Japon diminue petit à petit chaque année. Au contraire, celui des adolescents ne cesse d’augmenter, quoique cette croissance soit très douce. Je pense personnellement que l’on voit se refléter l’anormalité de la société nippone à travers cette tragique situation.

 Pourquoi les jeunes japonais se suicident-ils autant ? Plusieurs explications sont possibles. D’abord, la pression de la société. Par exemple, le système scolaire japonais, de l’école primaire au lycée, n’admet aucune manifestation d’individualité de la part des élèves. La plupart des collèges et des lycées obligent leurs élèves à porter un uniforme, leur interdit de se teindre les cheveux ou de porter un accessoire, et impose de nombreuses règles inutiles du même genre. En niant l’identité de chaque enfant, l’éducation japonaise a pour but de créer des soldats dociles qui écoutent leur maître sans se poser de question et qui travailleront plus tard comme des esclaves. En même temps, il y a évidemment des élèves qui ne parviennent pas à se fondre dans le groupe, puisque nous sommes tous différents. Qu’ils soient doués ou qu’ils se sentent inférieurs aux autres, le résultat est souvent le même : ils font l’objet de harcèlement scolaire. Par conséquent, ''la rentrée scolaire au Japon rime avec pic de suicide des enfants''. Par ailleurs, un article que j'ai lu il y a quelques jours semble faire aussi preuve de la sévérité japonaise. Jeter un œil au titre suffit pour comprendre à quel point la société nippone est absurde et ridicule : « Un salarié fait des pauses déjeuner de trois minutes, ses supérieurs le sanctionnent ».

 Ce chemin vers les enfers continue même après les études. Ensuite, les travaux supplémentaires qui s’accumulent et le harcèlement au bureau vous attendent. J’aimerais cependant souligner pour éviter l’exagération ou le malentendu que ce n’est pas le cas de toutes les entreprises japonaises, mais, c’est très fréquent. J’imagine que vous pensez : « Si leur travail ne leur plaît pas, qu'ils démissionnent et trouvent un autre emploi ! ». Le Japon a en fait un système de recrutement particulier qui privilégie les nouveaux diplômés. Les étudiants, le plus souvent en troisième année, tous vêtus du même costume noir, commencent en même temps à postuler un poste auprès des entreprises qui les intéressent. Les gagnants sont embauchés, les perdants sont obligés de faire de petits boulots ou d'être chômeur. Cette coutume, née lorsque le Japon était à l’apogée de la croissance économique, traitement spécial accordé aux nouveaux diplômés, signifie que lorsqu’on n’est plus ‘’nouveau diplômé’’, il devient tout à coup difficile de trouver un emploi stable. C’est pourquoi beaucoup de gens sont contraints de continuer un travail qui ne leur convient pas.

 Ma dernière remarque, c’est le fait que le Japon n’a pas d’avenir. Pour l’heure, le pays du soleil levant garde son apparence propre, mais il ne faut pas oublier que c’est le pays le plus vieillissant du monde. Chaque année, la population diminue d'une manière accélérée. En 2015, le Japon a perdu 270 000 habitants. C'est un nombre presque égal à celui de la population de Strasbourg. Imaginez, au Japon, une ville entière de la taille de Strasbourg ne cessera dorénavant de disparaître tous les ans, et ce n'est que le début de la misère qui nous attend. La diminution de la population n’est en fait pas un problème si grave. Ce dont il est question, c'est la difformité de sa proportion démographique. La politique japonaise privilégie les personnes âgées parce qu’elles sont beaucoup plus nombreuses que les jeunes. Il n’y a presque aucune aide pour les jeunes parents malgré la richesse du pays. Même les lycées et les universités nationaux sont payants, ce qui oblige de nombreux étudiants à être endetté très tôt. Les impôts que paient les jeunes japonais, ce n'est pas pour eux, mais c'est pour les vieillards dont ils ne connaissent même pas le visage. Ce phénomène engendre un cercle vicieux : la situation financière des jeunes japonais devient de plus en plus précaire : ils ne font pas d’enfant : la population continue à diminuer progressivement et la politique privilégie de plus en plus le troisième âge  

 Après tout, il se peut que j’aie tort, puisque je ne suis pas très intelligent et que je me trompe souvent. Mais ce sont mes analyses basées sur mon observation au Japon en tant que Japonais. Lorsqu’on tue quelqu’un, ça s’appelle un meurtre. Lorsqu’un certain nombre de personnes tuent massivement un groupe ethnique, c’est un génocide. Si une nation pend un condamné à mort, on appelle ça une exécution. Nous avons souvent l'impression que le suicide est la conséquence d’une décision personnelle. Mais est-ce vraiment le cas ? Je me demande si le suicide n'est pas un meurtre commis par la société, d'une façon invisible et implicite. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire