vendredi 8 juin 2018

Escalope viennoise





















 Aujourd’hui, je suis allé en Allemagne avec mon patron. Plus exactement, on est allés à la frontière entre l’Allemagne et la Suisse, parce que le but de ce petit voyage était de voir un artiste de ses amis qui va exposer ses œuvres à Art Basel. Pour ceux qui ne la connaissent pas, "Art Basel" est l’une des grandes foires artistiques mondiales à laquelle de nombreuses galeries de divers pays participent, et évidemment, c’est un grand honneur d’y exposer ses œuvres. Cependant, mon patron est un homme d’affaire et apparemment il ne s’intéresse pas du tout à l’art. Il appelle cet ami « faux désigner », « cinglé » d’un air humoristique et il dit également : « Je ne sais pas distinguer les designers des artistes. C’est pareil ». Maintenant vous devez sans doute vous demander comment ces deux hommes si différents se sont rencontrés et se sont liés d’amitié. Je me suis aussi posé cette question et j’ai demandé à mon patron hier. Il a laissé échapper un rire étouffé comme s’ii s’amusait tout seul d’une drôle de plaisanterie, puis s’est mis à raconter la longue histoire de leur rencontre, si bizarre et singulière que l’on a du mal à y croire. J’ai dit : « On dirait une fiction », et il a insisté que c’était réellement ce qui s’était passé. Cependant je ne mets pas son histoire en doute ; la preuve en est que ces deux hommes d’un tempérament si différent sont amis depuis plus de dix ans.

 On est arrivés dans une ville allemande, séparée de la Suisse par un grand fleuve, le Rhin. D’un appartement est sorti un jeune Japonais, habillé de manière décontractée, ressemblant à un paysan du bon vieux temps, avec des jeans et une chemise largement trop grands pour lui. Il m’a dit qu’il avait quarante ans, mais il faisait beaucoup plus jeune que son âge.
 Nous avons déjeuné dans un restaurant au bord du fleuve et mangé des escalopes viennoises. Comme les deux autres ne connaissaient pas un mot d’allemand, c’est moi qui ai parlé avec la serveuse. À mon grand étonnement, j’ai parlé allemand beaucoup mieux que je ne m’en croyais capable, et la serveuse m’a dit que je parlais bien cette langue. Mon patron et l’artiste étaient surpris, et moi aussi. Je ne me vante pas ; je suis aussi doué pour les langues qu’un nain qui vit secrètement sous les combles, mais je pense que si je vivais un peu dans cette nation voisine de la France, je ferais beaucoup de progrès en allemand.

 Après avoir pris un café, nous avons franchi la frontière. Nous avons pris un grand pont sur le Rhin. Au bout de quelques instants nous nous étions sur l’autre rive où flottait cette fois le drapeau de la Suisse. C’était vraiment étrange de franchir la frontière à pied si facilement. J’ai traversé un pont, et en instant, j’étais dans un autre pays.
 Pendant que nous nous promenions en Suisse, nous avons trouvé une église d’où s’échappait une mélodie d’orgue. L’artiste et moi avions envie d’y entrer. Mon patron protestait en disant qu’il n’était pas chrétien. On a tourné la poignée, mais malheureusement la porte était verrouillée. Nous nous sommes arrêtés un court moment devant l’église pour écouter l’orgue à travers la porte. J’ai imaginé un organiste qui s’exerçait tout seul de l’autre côté des murs blancs.

 Ensuite, nous sommes montés jusqu'à une ancienne forteresse qui s’élevait, solitaire, sur une colline. On a d’abord gravi un escalier en colimaçon, puis on est entrés à l’intérieur où nous avons trouvé un autre escalier en colimaçon. Lorsque nous sommes sortis, devant nous, s’étendaient la ville entière, une chaîne de montagnes et le Rhin. Tandis que les deux autres se penchaient sur le parapet, et disaient que c’était magnifique, j’essayais de ne pas m'en approcher car j’avais le vertige. Je me contentais de regarder, d’un trou de la forteresse, une petite Suisse découpée en carré.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire