Aujourd’hui, c’était mon dernier jour
de repos, car mon patron reviendra demain. Je ne suis pas sorti. Je suis
resté chez moi et j’ai lu « Fouché » de Zweig toute la journée. Je vais bientôt
le finir, mais je lis lentement, et le style de cet écrivain autrichien est
plutôt alambiqué, quoiqu’élégant et que ses pensées soient claires. Depuis que je suis
arrivé dans ce village, je n’ai pas fait grand-chose. J’ai traduit quelques
documents du japonais au français et j’ai également transmis quelques messages.
Outre cela, faire des commentaires sommaires aux histoires de mon patron en
hochant de temps en temps la tête fait partie de mon travail, même si je ne suis
pas très éloquent. En revanche, je pense que je serai très occupé à partir de la semaine
prochaine, car ce sera le début de notre mission principale.
Je suis content d’avoir été seul ces
trois jours. J’ai lu quelques livres, j’ai joué aux échecs (j’ai perdu
d’innombrable fois contre l’ordinateur) et j’ai un peu dessiné. Il y a
peut-être deux types de personnes au monde : ceux qui ne supportent pas la
solitude et ceux qui l’apprécient. Bien entendu, j’appartiens au dernier. Dire que
je ne me sens jamais triste d’être solitaire serait mentir, mais il est aussi
vrai que je ne m’ennuie pas quand je suis seul. Au contraire, si je reste trop
longtemps avec quelqu’un, il me semble que j’étouffe, même si j’apprécie sa
compagnie. Parfois, il y a des gens qui trouvent ce caractère étrange. En
effet, aux yeux de ceux qui ne supportent pas la solitude, ce mode de vie
ressemblerait à celui d’un ascète. En l'occurrence, je dois m'efforcer de
sourire et leur expliquer que je n'y peux rien, et que c’est comme si on
demandait à un nuage pourquoi il prend cette forme, ou à une étoile pourquoi elle
se trouve là, loin des autres, ou à un éléphant pourquoi il possède une trompe
si longue.
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