lundi 25 juin 2018

Le Japon contre le Sénégal






 Aujourd’hui, j’ai regardé le match de football du Japon-Sénégal. Au début, je le regardais dans ma chambre sur une chaîne Youtube en streaming. Cependant l’écran n’affichait qu’une flèche qui expliquait très sommairement ce qui se passait, comme « attaque dangereuse du Sénégal », « attaque du Japon » etc. L’explication en anglais d’un ton surexcité et l’afflux des commentaires des spectateurs ne parvenaient pas à compenser la monotonie de cette vidéo. Au bout d’un moment, j’ai eu envie de regarder le véritable match avec des joueurs réels qui courent après le ballon. Comme j’avais entendu dire que l’on diffusait le match à la cafétéria de ma résidence, j’ai enfin décidé d’y aller.

 Devant l’entrée, des exclamations me parvenaient à travers la porte. Au moment où je l’ai ouverte, une multitude de têtes noires sont entrées dans mon champ de vision. Comme je me l’étais dit, il n’y avait que des Sénégalais ou des Africains dans la salle, et j’étais le seul Japonais, le seul Asiatique, la seule personne au teint livide comme un malade. J’avais un peu peur qu’ils me regardent avec hostilité, mais aussitôt il s'est avéré que cette inquiétude était inutile car ils étaient tous absorbés par le match, de sorte que personne ne faisait attention à un petit Asiatique aussi discret qu’une pierre sur le chemin.
 Toutes les chaises étaient déjà occupées. Certains regardaient debout l’écran accroché au mur. J'ai un peu courbé le dos pour ne pas attirer l’attention, et j'ai glissé au fond de la pièce, à côté d’un garçon noir qui était fasciné non par le foot mais par son portable. À ce moment-là, le score était d’un à un. Toutefois, peu après mon arrivé, le Sénégal a marqué un deuxième but. Les Africains dans la salle ont poussé un cri de joie, et j’étais le seul à rester silencieux. Après que les vagues de ces cris joyeux se sont retirées, un garçon noir grassouillet, assis derrière moi m’a dit quelque chose qui a été couvert par le brouhaha. Au moment où je me suis retourné, cette fois j’ai clairement distingué son propos : « Tu es pour le Sénégal ou le Japon ? ». Je me suis senti comme un espion dont les ennemis ont découvert l'identité, mais je savais que, de toute évidence, je ne me ressemblais pas à un Sénégalais. « Le Japon », ai-je dit avec une certaine résignation. Les Africains autour de moi se sont agités un court moment, surpris de la présence de l’intrus que j’étais. Mais dès que le match a repris, ils m'ont vite oublié. Seules les deux filles noires assises à côté de moi m’ont adressé un sourire ensoleillé, auquel j’ai répondu par un clin d’œil maladroit.
 Plusieurs minutes se sont écoulés sans que les ''Samouraïs Bleus'' puissent reverser la situation. Tandis que j’allais renoncer à la victoire du Japon, en un clin d’œil, le ballon qu’a tiré notre as Keisuke Honda, esquissant une ligne droite comme une fusée, est entré dans le but de l'adversaire ! Les Sénégalais dans la salle ont poussé des gémissent douloureux. Cette fois, c’était mon tour de pousser des cris de joie, mais j’ai été sage : je suis resté silencieux. L’une des filles noires à côté de moi m’a adressé un regard significatif. J’ai discrètement levé les bras et j’ai poussé des acclamations sourdes auxquelles elle a répondu avec le même sourire que quelques instants plus tôt.

 La bataille de quatre-vingt dix minutes sur le gazon a fini par un match nul. Mais le Sénégal est classé beaucoup plus haut que le Japon sur le classement de FIFA, de sorte que la défaite des ''samouraï bleus'' était assez probable. Je considère donc que ce résultat est acceptable pour le Japon dont le prochain adversaire est la Pologne.

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