Aujourd’hui,
j’ai regardé le match de football du Japon-Sénégal. Au début, je le regardais
dans ma chambre sur une chaîne Youtube en streaming. Cependant l’écran
n’affichait qu’une flèche qui expliquait très sommairement ce qui se passait,
comme « attaque dangereuse du Sénégal », « attaque du Japon » etc.
L’explication en anglais d’un ton surexcité et l’afflux des commentaires des
spectateurs ne parvenaient pas à compenser la monotonie de cette vidéo. Au bout
d’un moment, j’ai eu envie de regarder le véritable match avec des joueurs
réels qui courent après le ballon. Comme j’avais entendu dire que l’on
diffusait le match à la cafétéria de ma résidence, j’ai enfin décidé d’y aller.
Devant
l’entrée, des exclamations me parvenaient à travers la porte. Au moment où je
l’ai ouverte, une multitude de têtes noires sont entrées dans mon champ de
vision. Comme je me l’étais dit, il n’y avait que des Sénégalais ou des
Africains dans la salle, et j’étais le seul Japonais, le seul Asiatique, la
seule personne au teint livide comme un malade. J’avais un peu peur qu’ils me
regardent avec hostilité, mais aussitôt il s'est avéré que cette inquiétude
était inutile car ils étaient tous absorbés par le match, de sorte que personne
ne faisait attention à un petit Asiatique aussi discret qu’une pierre sur le
chemin.
Toutes
les chaises étaient déjà occupées. Certains regardaient debout l’écran accroché
au mur. J'ai un peu courbé le dos pour ne pas attirer l’attention, et j'ai
glissé au fond de la pièce, à côté d’un garçon noir qui était fasciné non par
le foot mais par son portable. À ce moment-là, le score était d’un à un.
Toutefois, peu après mon arrivé, le Sénégal a marqué un deuxième but. Les
Africains dans la salle ont poussé un cri de joie, et j’étais le seul à rester
silencieux. Après que les vagues de ces cris joyeux se sont retirées, un garçon
noir grassouillet, assis derrière moi m’a dit quelque chose qui a été couvert
par le brouhaha. Au moment où je me suis retourné, cette fois j’ai clairement
distingué son propos : « Tu es pour le Sénégal ou le Japon ? ». Je me suis
senti comme un espion dont les ennemis ont découvert l'identité, mais je savais
que, de toute évidence, je ne me ressemblais pas à un Sénégalais. « Le Japon »,
ai-je dit avec une certaine résignation. Les Africains autour de moi se sont
agités un court moment, surpris de la présence de l’intrus que j’étais. Mais
dès que le match a repris, ils m'ont vite oublié. Seules les deux filles noires
assises à côté de moi m’ont adressé un sourire ensoleillé, auquel j’ai répondu par
un clin d’œil maladroit.
Plusieurs
minutes se sont écoulés sans que les ''Samouraïs Bleus'' puissent reverser la
situation. Tandis que j’allais renoncer à la victoire du Japon, en un clin
d’œil, le ballon qu’a tiré notre as Keisuke Honda, esquissant une ligne droite
comme une fusée, est entré dans le but de l'adversaire ! Les Sénégalais dans la
salle ont poussé des gémissent douloureux. Cette fois, c’était mon tour de
pousser des cris de joie, mais j’ai été sage : je suis resté silencieux. L’une
des filles noires à côté de moi m’a adressé un regard significatif. J’ai
discrètement levé les bras et j’ai poussé des acclamations sourdes auxquelles
elle a répondu avec le même sourire que quelques instants plus tôt.
La
bataille de quatre-vingt dix minutes sur le gazon a fini par un match nul. Mais
le Sénégal est classé beaucoup plus haut que le Japon sur le classement de
FIFA, de sorte que la défaite des ''samouraï bleus'' était assez probable. Je
considère donc que ce résultat est acceptable pour le Japon dont le prochain
adversaire est la Pologne.
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