Aujourd’hui,
je suis allé chez le dentiste pour enlever le tartre de mes dents inférieures.
C’était la fin du traitement. J’ai donné ma carte de consultation et ma carte
vitale à la secrétaire. Tandis que j’attendais qu’on m’appelle , je me suis aperçu
qu’une gravure qui était accrochée en haut, au-dessus de la télé. Elle semblait être la copie d’une gravure datant
d'entre le quinzième et le dix-huitième siècle. Les personnages présents
étaient tous vêtus un peu comme dans les tableaux de Vélasquez. Il semblait que
la gravure représentait une cure de dents de l’époque. Au centre de l’image
était assise une femme. À ses côtés, il y avait une petite table sur laquelle
quelques instruments en forme de pincettes, rappelant les outils de torture
étaient disposés. L’air effrayé, ses yeux écarquillés étaient rivés sur l’homme
habillé comme un clown qui mettait un appareil dans sa bouche. Quelques
spectateurs regardaient la scène en entourant ce présumé dentiste et sa
patiente. Certains se penchaient vers la femme pour mieux observer ce qui se
passait dans sa cavité buccale. Les autres se renversaient en arrière, l’air
terrifié. Le regard dans le vide, le dentiste souriait en montrant ses dents
blanches et impeccables. « Mesdames, Messieurs, regardez bien ! La quatrième
dent de la mâchoire inférieure est trouée et pourrie ! Afin d’empêcher
l’infection de la plaie, je vais maintenant l’arracher avec cet instrument ! »,
disait-il peut-être aux spectateurs. La cure des carries devait être pénible à
l’époque, car il n’y avait sans doute pas d’anesthésie. Mais pourquoi une telle
gravure est exposée chez le dentiste ? Pour effrayer les patients ? Dans la
salle d’attente moderne du dentiste, cette gravure était étrangement
anachronique et même un peu effrayante.
Tandis
que j’y réfléchissais, on m’a appelé. Cette fois, une autre dentiste s’est
occupé de mes dents. C’était une femme qui était peut-être dans la
cinquantaine. À première vue, elle ne ressemblait pas à une dentiste, mais à
une femme au foyer ou à une bibliothécaire. Elle parlait d’une voix si basse
que j’avais du mal à distinguer ce qu’elle me disait.
Comme
la dernière fois, je me suis allongé sur le fauteuil dentaire. Dès que j’ai
ouvert la bouche, elle a mis une serviette sur mes yeux et un appareil qui
absorbe la salive dans ma bouche. J’ai senti la sensation d’un instrument
pointu et elle s’est mise à décaper la surface de mes dents. « Ça va ? Ça ne
fait pas trop mal ? », m’a-t-elle demandé en maniant la machine. Mais je devais garder la bouche ouverte tant qu'elle
agitait l'instrument à l'intérieur. « Ne vous en faites pas. Ça fait un peu
mal, mais cela m’apporte un plaisir masochiste », ai-je répondu dans ma tête.
Quelques minutes plus tard, lorsque mes mâchoires étaient fatiguées, comme
avant, j’ai tout à coup eu envie de rire. J’ai essayé de me souvenir de la
scène de torture chez le dentiste de « Outrage ». Dans ce film, des yakuzas
s’introduisent dans un cabinet de dentiste et détruisent l’intérieur de la
cavité buccale de leur ennemie avec une perceuse. J’avais eu si peur que j’avais un
peu crié. Mais ça n’a pas marché. Même le visage effrayé de la victime semblait
drôle et je devais retenir mon rire. À ce moment-là, l’appareil qui absorbait
ma salive s’est collé à ma langue, puis à ma lèvre supérieure comme un
aspirateur. J’ai tremblé de rire sans faire de bruit.
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