vendredi 20 juillet 2018

Chez le dentiste


 Aujourd’hui, je suis allé chez le dentiste pour enlever le tartre de mes dents inférieures. C’était la fin du traitement. J’ai donné ma carte de consultation et ma carte vitale à la secrétaire. Tandis que j’attendais qu’on m’appelle , je me suis aperçu qu’une gravure qui était accrochée en haut, au-dessus de la télé. Elle semblait être la copie d’une gravure datant d'entre le quinzième et le dix-huitième siècle. Les personnages présents étaient tous vêtus un peu comme dans les tableaux de Vélasquez. Il semblait que la gravure représentait une cure de dents de l’époque. Au centre de l’image était assise une femme. À ses côtés, il y avait une petite table sur laquelle quelques instruments en forme de pincettes, rappelant les outils de torture étaient disposés. L’air effrayé, ses yeux écarquillés étaient rivés sur l’homme habillé comme un clown qui mettait un appareil dans sa bouche. Quelques spectateurs regardaient la scène en entourant ce présumé dentiste et sa patiente. Certains se penchaient vers la femme pour mieux observer ce qui se passait dans sa cavité buccale. Les autres se renversaient en arrière, l’air terrifié. Le regard dans le vide, le dentiste souriait en montrant ses dents blanches et impeccables. « Mesdames, Messieurs, regardez bien ! La quatrième dent de la mâchoire inférieure est trouée et pourrie ! Afin d’empêcher l’infection de la plaie, je vais maintenant l’arracher avec cet instrument ! », disait-il peut-être aux spectateurs. La cure des carries devait être pénible à l’époque, car il n’y avait sans doute pas d’anesthésie. Mais pourquoi une telle gravure est exposée chez le dentiste ? Pour effrayer les patients ? Dans la salle d’attente moderne du dentiste, cette gravure était étrangement anachronique et même un peu effrayante.
 Tandis que j’y réfléchissais, on m’a appelé. Cette fois, une autre dentiste s’est occupé de mes dents. C’était une femme qui était peut-être dans la cinquantaine. À première vue, elle ne ressemblait pas à une dentiste, mais à une femme au foyer ou à une bibliothécaire. Elle parlait d’une voix si basse que j’avais du mal à distinguer ce qu’elle me disait.

 Comme la dernière fois, je me suis allongé sur le fauteuil dentaire. Dès que j’ai ouvert la bouche, elle a mis une serviette sur mes yeux et un appareil qui absorbe la salive dans ma bouche. J’ai senti la sensation d’un instrument pointu et elle s’est mise à décaper la surface de mes dents. « Ça va ? Ça ne fait pas trop mal ? », m’a-t-elle demandé en maniant la machine. Mais je devais garder la bouche ouverte tant qu'elle agitait l'instrument à l'intérieur. « Ne vous en faites pas. Ça fait un peu mal, mais cela m’apporte un plaisir masochiste », ai-je répondu dans ma tête. Quelques minutes plus tard, lorsque mes mâchoires étaient fatiguées, comme avant, j’ai tout à coup eu envie de rire. J’ai essayé de me souvenir de la scène de torture chez le dentiste de « Outrage ». Dans ce film, des yakuzas s’introduisent dans un cabinet de dentiste et détruisent l’intérieur de la cavité buccale de leur ennemie avec une perceuse. J’avais eu si peur que j’avais un peu crié. Mais ça n’a pas marché. Même le visage effrayé de la victime semblait drôle et je devais retenir mon rire. À ce moment-là, l’appareil qui absorbait ma salive s’est collé à ma langue, puis à ma lèvre supérieure comme un aspirateur. J’ai tremblé de rire sans faire de bruit.

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