Aujourd’hui, je suis allé chez le
coiffeur. Je voulais y aller avant de partir pour le Japon, car les salons de coiffure
sont généralement moins chers en France. J’ai pris rendez-vous au téléphone
comme à l’accoutumée. J’ai marché sous le crachin sans parapluie. Devant moi,
une jeune femme aux cheveux longs marchait en balançant les fesses comme si
elle dansait. Curieusement, elle suivait le même chemin que moi. Au bout d’un
moment, elle est entrée chez le même coiffeur et m’a tenu la porte.
Lorsque nous sommes entrés, il n’y
avait personne, comme d’habitude. Peu après, le coiffeur qui s’occupait
toujours de mes cheveux, un jeune homme petit et potelé, toujours gai comme
s’il n’avait jamais connu la tristesse, est sorti de la pièce du fond, et nous
a dit bonjour. À ce moment-là, je pensais qu’il allait me couper les cheveux
comme toujours. « Vous êtes avec moi », a-t-il dit à la jeune femme, et pas à
moi. Tandis que je restais debout, de la même pièce du fond, un homme grand au
visage à moitié caché par la barbe et ressemblant à un Égyptien est apparu, et
m’a dit : « Vous êtes avec moi » d’une voix grave.
Choisir un coiffeur en France est
difficile, puisqu’ils ne sont pas vraiment habitués à traiter les cheveux des
Asiatiques, et j’ai l’impression que la coupe pour les Occidentaux ne va pas
souvent aux Japonais. Le petit était l’un des rares coiffeurs qui comprenait
bien ce que je souhaitais malgré mon vocabulaire limité. J’ai commencé à
m’inquiéter, mais il était trop tard pour arrêter la roue qui s’était déjà mise
à rouler.
J’ai ôté mes lunettes et je ne voyais plus rien. Le monde était troublé comme sous un verre dépoli. M’ayant fait asseoir devant un grand miroir, mon nouveau coiffeur (pseudonyme Mohamed) m’a demandé quelle coiffure je souhaitais. « Euh, plus court…, mais pas trop court… », ai-je bredouillé en cherchant mes mots. Aussitôt, Mohamed a sorti une tondeuse et a commencé à tondre mes cheveux. Ensuite, il a tiré mes mèches si brutalement que j'ai cru qu'il allait les arracher, et s’est mis à parler de la coupe du monde en faisant marcher ses ciseaux.
« Vous êtes de quelle origine ?
m’a-t-il demandé.
- Japonaise, ai-je dit.
- C’est dommage pour le foot. Je
supportais le Japon, a-t-il dit.
- On a perdu contre la Belgique, mais
je pense qu’ils ont plutôt bien joué. Parce que c’est comme si un coq se
battait contre un Tyrannosaure, ai-je dit.
- Pourtant le Japon a de bons
joueurs, Nagatomo, Sakai, Kagawa, Inui aussi…
- Ils sont bien disciplinés, mais
plus petits et ils manquent souvent d’endurance.
- Honda était à A.C. Milan avant,
n’est-ce pas ? Où il joue aujourd’hui ?
- Au Mexique ».
Le coiffeur a sorti de nouveau la tondeuse pour mettre la dernière
main à la coupe. Il utilisait la tondeuse beaucoup plus que les ciseaux. Je me
suis demandé pourquoi il est devenu coiffeur et pas tondeur. L’appareil ne
cessait de bourdonner à côté de mon oreille et j’avais l’impression d’être une
pelouse.
Lorsque notre conversation allait
s’épuiser, il a apporté un miroir à trois faces et m’a demandé de remettre mes
lunettes. J’ai retrouvé la vue, et pour une raison obscure, il y avait un Kim
Jong-Un maigre dans le miroir.
Heureusement que je suis en vacances
et que je ne sors pas tous les jours. Pendant un certain temps, j'essaierai de
ne pas me regarder dans la glace.
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