mardi 10 juillet 2018

Le restaurant de ramen


 Je suis allé au restaurant de ramen près de chez moi où j’allais autrefois de temps en temps. Il se trouve dans une rue marchande déserte. La plupart des magasins qui auraient jadis animé le quartier sont fermés depuis longtemps. Ce restaurant est presque le seul qui soit resté ouvert ici. De surcroît, il est un peu caché. Si on n’habite pas le quartier, il est presque impossible de le trouver. On entre d’abord dans un immeuble qui est aussi mourante que la rue marchande ; on en sort ; on avance dans une ruelle. Quand on voit un panneau sur lequel il est écrit à la main « Kujira-ya (la baleine », c’est là. Cependant, il semble que ses nouilles soient connues. Il y a toujours des clients. Sur les murs sont accrochés des photos et des autographes de célébrités qui ont mangé ici. Dans un coin, il y a une grande armoire qui a l’air très ancienne et sur laquelle sont disposées diverses figurines. Personne ne sait ce qu’il y a dedans.
 Le patron est un homme d’environ soixante ans. Ses cheveux blancs sont coupés courts. Derrière le comptoir, il fait bouillir des nouilles avec une grosse marmite en aluminium. Il fait aussi la vaisselle. C’est aussi lui qui sert les ramens aux clients, car il tient ce restaurant tout seul. Il n’est pas bavard et on a l’impression qu’il est insaisissable. Il fait partie du paysage. Je n’arrive pas à imaginer comment il est en dehors du restaurant.
 C’est le seul endroit animé dans cette rue marchande agonisante. Toutes les tables sont déjà occupées. J’attends, assis sur un tabouret. À ma gauche, un jeune couple mange ses ramens. Ils sont peut-être nés dans cette ville, y ont toujours vécu et y vivront toujours. J’ai cette impression. Ils se parlent à voix basse. À ma droite, il y a un couple entre deux âges. L’homme a l’air d’un travailleur manuel. Du moins, il ne ressemble pas à un agent d'assurance. La femme n'a rien de remarquable, sauf peut-être son visage sans expression. Au comptoir, il y a un autre couple entre deux âges. L’homme est obèse. Sa femme semble aussi avoir commencé à prendre l’embonpoint typique de la quarantaine.
 La radio diffuse des informations concernant les dégâts que la pluie torrentielle a causés dans l’Ouest du Japon. « Au moins, cent personnes sont mortes. Soixante-et-une personnes sont portées disparues. Dans la ville de S, X maisons ont été emportées par les torrents de boue…… ».
 Quelques minutes plus tard, le jeune couple a fini son déjeuner. Ils paient l’addition, remercient le patron et sortent en passant à côté de moi. Le patron me dit que je peux me mettre à la table maintenant vide. « Avez-vous décidé ce que vous prendrez ? », me demande-t-il. « Un ramen au miso, s’il vous plaît ».
 Peu après, il m’apporte un ramen au miso. Du bol monte de la vapeur. Trois morceaux de porc garnissent la soupe. Je goûte une cuillerée de soupe. Elle est aussi bonne qu’avant. J’ai de plus en plus chaud en mangeant et je transpire un peu. Les autres clients se lèvent l’un après l’autre, et finalement je me trouve tout seul avec le patron. Il est déjà 14 heures. Il ne fait pas chaud, mais il y a du soleil.
 Après avoir avalé la dernière nouille, je me lève et je paie l’addition. La radio parle toujours de la pluie diluvienne qui a inondé l’ouest du Japon.

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