Je suis allé au restaurant de ramen
près de chez moi où j’allais autrefois de temps en temps. Il se trouve dans une
rue marchande déserte. La plupart des magasins qui auraient jadis animé le
quartier sont fermés depuis longtemps. Ce restaurant est presque le seul qui soit
resté ouvert ici. De surcroît, il est un peu caché. Si on n’habite pas le
quartier, il est presque impossible de le trouver. On entre d’abord dans un
immeuble qui est aussi mourante que la rue marchande ; on en sort ; on avance
dans une ruelle. Quand on voit un panneau sur lequel il est écrit à la main «
Kujira-ya (la baleine », c’est là. Cependant, il semble que ses nouilles soient
connues. Il y a toujours des clients. Sur les murs sont accrochés des photos et
des autographes de célébrités qui ont mangé ici. Dans un coin, il y a une
grande armoire qui a l’air très ancienne et sur laquelle sont disposées diverses
figurines. Personne ne sait ce qu’il y a dedans.
Le patron est un homme d’environ
soixante ans. Ses cheveux blancs sont coupés courts. Derrière le comptoir, il
fait bouillir des nouilles avec une grosse marmite en aluminium. Il fait aussi
la vaisselle. C’est aussi lui qui sert les ramens aux clients, car il tient ce
restaurant tout seul. Il n’est pas bavard et on a l’impression qu’il est
insaisissable. Il fait partie du paysage. Je n’arrive pas à imaginer comment il
est en dehors du restaurant.
C’est le seul endroit animé dans
cette rue marchande agonisante. Toutes les tables sont déjà occupées. J’attends,
assis sur un tabouret. À ma gauche, un jeune couple mange ses ramens. Ils sont
peut-être nés dans cette ville, y ont toujours vécu et y vivront toujours. J’ai
cette impression. Ils se parlent à voix basse. À ma droite, il y a un couple
entre deux âges. L’homme a l’air d’un travailleur manuel. Du moins, il ne
ressemble pas à un agent d'assurance. La femme n'a rien de remarquable, sauf
peut-être son visage sans expression. Au comptoir, il y a un autre couple entre
deux âges. L’homme est obèse. Sa femme semble aussi avoir commencé à prendre
l’embonpoint typique de la quarantaine.
La radio diffuse des informations
concernant les dégâts que la pluie torrentielle a causés dans l’Ouest du Japon.
« Au moins, cent personnes sont mortes. Soixante-et-une personnes sont portées
disparues. Dans la ville de S, X maisons ont été emportées par les torrents de
boue…… ».
Quelques minutes plus tard, le jeune
couple a fini son déjeuner. Ils paient l’addition, remercient le patron et
sortent en passant à côté de moi. Le patron me dit que je peux me mettre à la
table maintenant vide. « Avez-vous décidé ce que vous prendrez ? », me
demande-t-il. « Un ramen au miso, s’il vous plaît ».
Peu après, il m’apporte un ramen au
miso. Du bol monte de la vapeur. Trois morceaux de porc garnissent la soupe. Je
goûte une cuillerée de soupe. Elle est aussi bonne qu’avant. J’ai de plus en
plus chaud en mangeant et je transpire un peu. Les autres clients se lèvent
l’un après l’autre, et finalement je me trouve tout seul avec le patron. Il est
déjà 14 heures. Il ne fait pas chaud, mais il y a du soleil.
Après avoir avalé la dernière
nouille, je me lève et je paie l’addition. La radio parle toujours de la pluie
diluvienne qui a inondé l’ouest du Japon.
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