Aujourd’hui, je suis allé à
un café de langues pour passer mon rhume à quelqu’un. Je sors rarement. La BNU
est presque le seul endroit que je fréquente, mais environ une fois tous les
six mois, je vais au café de langues comme une taupe qui sort de la terre pour
voir ce qui se passe dans le monde. Lorsque j’y suis arrivé, le café était déjà
animé, mais j’étais la seule personne venue y pratiquer une langue étrangère.
Peu après, un homme d’un certain âge, grand et mince, est entré. Dès qu’il a
trouvé un Asiatique perdu au milieu du brouhaha, Il m’a serré la main et m’a
fait asseoir à une grande table. « Les autres arrivent normalement un peu plus
tard, vers vingt-et-une heure », m’a-t-il dit. « En France, c’est souvent comme
ça », ai-je répondu. Nous avons parlé de la pluie et du beau temps en buvant de
la bière. Il m’a dit qu’il connaissait quelques Japonais dont il m'a cité les noms. La communauté japonaise de Strasbourg est très réduite. Je les
connaissais, mais vaguement.
Quelques
instants plus tard, un garçon et deux filles nous ont rejoints. Le garçon avait
la peau basanée ; il avait de grands yeux noirs et nous a dit qu’il était
indien. L’une des filles parlait un excellent anglais, et l’autre aussi, mais avec
un léger accent. Ils nous ont dit leurs noms que je n’ai pas retenus. Un peu
plus tard, l’organisateur et la fille qui parlait un anglais impeccable sont
sortis pour fumer. Je suis resté avec l’Indien et l’autre fille. « Et donc, vous
êtes japonais ? », m’a d’abord demandé la fille en anglais. « Oui », ai-je dit,
et la conversation s’est terminée. L’Indien et la fille se sont mis à bavarder.
En écoutant leur conversation, j’étais impressionné par leur sociabilité. Ils
passaient d’un sujet à l’autre, naturellement. Tantôt ils les développaient,
tantôt ils les enchaînaient à un autre thème, comme un duo pour cordes. Pendant
ce temps, je ne cessais de tousser pour leur filer mon rhume. Un long moment plus
tard, l’Indien est sorti pour fumer (et il n’est jamais revenu). L’organisateur
est rentré avec une Australienne à la poitrine énorme, et m’a demandé pourquoi
je ne parlais pas avec la fille. « D’où venez-vous ? », ai-je demandé à la
fille en français. « De France », m’a-t-elle dit. C’est alors que j’ai appris
qu’elle était française. J’ai observé son visage, et j’ai constaté qu’elle
était plutôt mignonne. Son nez était petit et ses cheveux tombaient jusqu’à
l’épaule en dessinant des spirales comme un escalier à colimaçon. Derrière ses
lunettes, elle semblait avoir sommeil. Mais ses bras étaient poilus. De sa
blouse sans manches ornée de volants, sortaient deux bras livides sur lesquels
s’agitaient des poils comme le gazon dans le jardin d’une famille aisée. J’ai
regardé de nouveau son visage. Elle était mignonne. Puis j’ai regardé ses bras
; ils étaient poilus. J’ai paniqué parce que je croyais que les filles
n’avaient pas de poils sur les bras. Au moins, c’est comme ça dans les animés.
Mais c’était faux. Ou c’est peut-être lié à un mouvement féministe. Certaines
femmes ont peut-être décidé de se faire pousser des poils pour détruire le
monopole des hommes. J’ai jeté un coup d’œil sur les bras de l'Australienne à la
poitrine énorme. Il n’y avait pas de poils. J’ai regardé ceux de
l’organisateur. Ils étaient touffus. J’ai ensuite regardé les miens. Ils
étaient couverts de multiples lignes horizontales blanches.
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