jeudi 5 juillet 2018

Le bras


 Aujourd’hui, je suis allé à un café de langues pour passer mon rhume à quelqu’un. Je sors rarement. La BNU est presque le seul endroit que je fréquente, mais environ une fois tous les six mois, je vais au café de langues comme une taupe qui sort de la terre pour voir ce qui se passe dans le monde. Lorsque j’y suis arrivé, le café était déjà animé, mais j’étais la seule personne venue y pratiquer une langue étrangère. Peu après, un homme d’un certain âge, grand et mince, est entré. Dès qu’il a trouvé un Asiatique perdu au milieu du brouhaha, Il m’a serré la main et m’a fait asseoir à une grande table. « Les autres arrivent normalement un peu plus tard, vers vingt-et-une heure », m’a-t-il dit. « En France, c’est souvent comme ça », ai-je répondu. Nous avons parlé de la pluie et du beau temps en buvant de la bière. Il m’a dit qu’il connaissait quelques Japonais dont il m'a cité les noms. La communauté japonaise de Strasbourg est très réduite. Je les connaissais, mais vaguement.

 Quelques instants plus tard, un garçon et deux filles nous ont rejoints. Le garçon avait la peau basanée ; il avait de grands yeux noirs et nous a dit qu’il était indien. L’une des filles parlait un excellent anglais, et l’autre aussi, mais avec un léger accent. Ils nous ont dit leurs noms que je n’ai pas retenus. Un peu plus tard, l’organisateur et la fille qui parlait un anglais impeccable sont sortis pour fumer. Je suis resté avec l’Indien et l’autre fille. « Et donc, vous êtes japonais ? », m’a d’abord demandé la fille en anglais. « Oui », ai-je dit, et la conversation s’est terminée. L’Indien et la fille se sont mis à bavarder. En écoutant leur conversation, j’étais impressionné par leur sociabilité. Ils passaient d’un sujet à l’autre, naturellement. Tantôt ils les développaient, tantôt ils les enchaînaient à un autre thème, comme un duo pour cordes. Pendant ce temps, je ne cessais de tousser pour leur filer mon rhume. Un long moment plus tard, l’Indien est sorti pour fumer (et il n’est jamais revenu). L’organisateur est rentré avec une Australienne à la poitrine énorme, et m’a demandé pourquoi je ne parlais pas avec la fille. « D’où venez-vous ? », ai-je demandé à la fille en français. « De France », m’a-t-elle dit. C’est alors que j’ai appris qu’elle était française. J’ai observé son visage, et j’ai constaté qu’elle était plutôt mignonne. Son nez était petit et ses cheveux tombaient jusqu’à l’épaule en dessinant des spirales comme un escalier à colimaçon. Derrière ses lunettes, elle semblait avoir sommeil. Mais ses bras étaient poilus. De sa blouse sans manches ornée de volants, sortaient deux bras livides sur lesquels s’agitaient des poils comme le gazon dans le jardin d’une famille aisée. J’ai regardé de nouveau son visage. Elle était mignonne. Puis j’ai regardé ses bras ; ils étaient poilus. J’ai paniqué parce que je croyais que les filles n’avaient pas de poils sur les bras. Au moins, c’est comme ça dans les animés. Mais c’était faux. Ou c’est peut-être lié à un mouvement féministe. Certaines femmes ont peut-être décidé de se faire pousser des poils pour détruire le monopole des hommes. J’ai jeté un coup d’œil sur les bras de l'Australienne à la poitrine énorme. Il n’y avait pas de poils. J’ai regardé ceux de l’organisateur. Ils étaient touffus. J’ai ensuite regardé les miens. Ils étaient couverts de multiples lignes horizontales blanches.

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