samedi 28 juillet 2018

Le stylo de verre


 Je suis allé à Otaru, une ville maritime au nord de Sapporo. La verrerie est la spécialité de cette ville. Je suis entré dans une boutique où divers articles de verre étincelaient. De petits verres pour boire du saké. Des verres de vin, des chopes et aussi de petits objets en cristal. C’était comme si j’étais entré dans un kaléidoscope. Tandis que je me promenais dans la boutique, j’ai trouvé des stylos de verre. Des stylos complètement transparents comme la glace étaient dans des boîtes. Des motifs complexes étaient enfermés dans les corps en verre. J’avais envie de les toucher, mais ils se trouvaient sous une fine membrane de cellophane. Certains étaient vendus avec de l’encre. Les cartouches si petites que des papillons de nuit pourraient y vivre étaient remplies d’un liquide bleu foncé. C’est incroyable que l’on puisse réellement écrire avec des stylos si fragiles qu'ils semblaient devoir s'écraser sitôt posés sur ma paume. La plume était fine et dessinait une courbe évoquant les reins d’une femme. À ce moment-là, la folle envie d’en acheter un, un désir si violent que j'avais même envie de pleurer, m’a pris. J'ai regardé le prix. Ce n’était pas bon marché, mais ce n’était pas exorbitant non plus. Je pouvais acheter si je sacrifiais mes quatre milles yens. Un long moment s'est écoulé ainsi dans la boutique silencieuse, et tout à coup, la raison m’a ramené à la réalité. Je me suis demandé à quoi me servirait un stylo de verre puisque j’écris toujours sur l’ordinateur. Je n’utilise presque jamais de stylo de bille, sauf lorsque je prends des notes à l’université. Mais pourrais-je apporter un stylo de verre en cours ? Je regretterais à jamais si je cassais un objet aussi précieux. J’avais l’impression que je pourrais écrire une jolie lettre avec cette encre bleue, en imaginant la sensation de froid que me donnerait le corps en verre, mais je n’avais personne à qui envoyer une lettre. Si j’utilisais ce stylo de verre, pourrais-je écrire une belle histoire qui toucherait tout le monde ? Ce n’était qu’une illusion. Je ne pourrais rien écrire et quelques gouttes tomberaient de la plume sur le papier, en laissant de minuscules taches insignifiantes.
 Finalement, je suis sorti sans rien acheter. Une paire de clochette en verre, attachée à un poteau électrique tintait de temps en temps dans le vent. Quelques jours se sont déjà écoulés depuis ce voyage. Je songe encore au stylo de verre que j’ai vu dans une boutique de verrerie à Otaru, par un jour particulièrement ensoleilé de l’été.



































 





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