Tout-à-coup, un désir violent de la posséder l'a envahi.
Le fait qu'elle n'était plus vivante l'a étrangement excité.
Après le vol de son âme, son corps s'était transformé en un objet.
Maintenant ce n'était qu'une masse de plusieurs organes dont le fonctionnement était complètement arrêté.
C'était un objet, telle une statue antique.
C'était une sculpture qui représentait une plénitude absolue, l'essence d'un moment précieux, qui était pétrifié à jamais.
Il l'a imaginée dans son appartement.
Il l'entreposerait dans une vitrine.
Ainsi, il pourrait vivre avec elle jusqu'à sa mort.
Il lui dirait bonjour chaque matin.
Il lui dirait bonne nuit lorsqu'il irait se coucher.
Mais cette idée était ridicule car c'était un cadavre.
Cela impliquait qu'elle pourrirait de jour en jour dans la vitrine.
Elle se déformerait peu à peu, son sourire magnifique serait lui aussi ingurgité par les innombrables vers.
Ce ne serait finalement qu'une masse grotesque de chair et de liquide.
Mais pour l'instant, c'était une fille dont le visage lui adressait immuablement un sourire doux.
Depuis qu'il l'a découverte tout à l'heure, cette expression angélique qui était remplie de bonheur n'a nullement changé.
L'instant où elle a esquissé ce sourire éthéré était rendu éternel par une force surnaturelle.
La noyée était vêtue d'une blouse ornée de volants.
Lorsqu'elle était vivante, sa blouse avait été impeccablement blanche, comme la neige lorsqu'elle venait tout juste de tomber.
Maintenant sa toilette était tachée de multiples souillures d'égout, de terre, d'herbe du fond du fleuve.
Sous la lumière nocturne de Paris, sa blouse émettait une faible clarté jaunâtre.
La blouse qui avait absorbé l'eau était devenue transparente et collait à la peau de la fille.
Au travers, il voyait l’entièreté de son corps nu.
Sa nuque gracile, ses seins plutôt discrets mais d'une bonne forme qui lui rappelaient deux pamplemousses.
Une dune blanche en pente douce se trouvait entre ses cuisses.
Ses longues jambes étaient écartées d'une manière libre en laissant tout son poids à la gravité terrestre.
Il céda finalement au désir sexuel.
Il frôla de ses doigts le profil de la noyée.
La courbe de son visage était aussi lisse que celle de la lune.
Passant par son cou, ses doigts descendirent jusqu'à sa poitrine.
La rigidité cadavérique envahissait petit à petit la fille.
Il sentait la peau froide et rigide comme le marbre contre sa paume.
Avec l'index, le majeur et l'annuaire, il est descendu jusqu'à la dune croissante.
En sentant encore une touche quelque peu élastique, ses doigts ont finalement cessé la descente au genou.
Au comble du bonheur, il a versé quelques larmes.
Ces larmes sont tomés dans l'interstice imperceptible entre les lèvres supérieure et inférieure de la noyée puis ont disparu à jamais dans l'abysse.
Toutefois, en même temps il était écoeuré.
C'était un écoeurement si fort qu'il n'en avait jamais ressenti de tel.
L'odeur qui montait de la Seine lui provoquait une nausée aussi féroce que son avidité sexuel était violent.
Il avait envie de vomir.
Il voulait complètement vider son estomac.
Malgré plusieurs tentative, rien n'est monté dans son œsophage.
Tout ce qu'il a pu verser étaient des larmes et du suc gastrique acide.
Il ne supportait plus cette situation à laquelle il était condamné.
Entre la paradoxe d'un sentiment de bonheur et de cette nausée atroce, son être était sur le point de se déchirer.
Avant d'appeler la police, il a embrassé la noyée.
L'odeur désagréable d'un poisson pourri a rempli sa bouche, puis est sortie par ses narines.
Lorsqu'il en est séparé, il a soudainement ressenti une montée de vomi.
Il s'est levé et a couru à la rive.
Il a rendu tout ce qu'il y avait dans l'estomac.
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