lundi 23 janvier 2017
La noyée
C'était un soir en 1900 à Paris.
Un homme se promenait seul le long de la Seine.
Il aperçut soudainement un objet étrange dans la Seine.
Cet objet était échoué sur la rive opposée à celle qu'il longeait.
Ayant été balancé par les vagues douces, il oscillait lentement et paisiblement.
Il était blanc.
De loin, il était semblable à une méduse.
Était-ce le débris d'une ombrelle ?
Non, une ombrelle devait bien avoir des ossatures.
Était-ce un chapeau feutre ?
Non, il n'y avait pas de chapeau aussi grand.
La lumière des réverbères était trop faible pour l'éclairer.
Il ne voyait que très vaguement.
Les quelques personnes qui se baladaient autour de lui ne s'en étaient pas rendus compte ou du moins, ils étaient indifférents.
Il entendit au loin les cris d'un fou insomniaque qui semblait s'adresser à lui-même.
La nuit était déjà tombée.
Il essaya de se débarrasser de la présence de cet objet étrange dans sa tête.
Mais plus il essaya de l'oublier, plus sa curiosité s'élargissait sans cesse.
Il décida finalement d'aller le vérifier.
Pour s'en rapprocher, il descendit par l'escalier.
Une mauvaise odeur sortait de la Seine.
En s'approchant peu à peu, son cœur battait de plus en plus rapidement.
Il commençait à sentir mal.
Il voulait vomir.
Mais maintenant il lui était impossible de rentrer chez lui sans l'avoir vu.
Il reconnu d'abord une masse de cheveux noir de jais.
Il réfléchit quelques instants puis se rendit compte que c'était une femme.
C'était le cadavre d'une noyée.
''Elle'' se couchait à plat ventre.
Sa partie inférieure du corps était dans l'eau glaciale de la Seine.
Il ne voyait donc pas son visage.
Il frôla de ses doigts son épaule frêle.
Sa chair morte était si souple qu'il crut qu'elle s'effriterait en un coup.
Sa peau qui avait absorbé l'eau était aussi transparente qu'il vit même ses veines bleuâtres.
Curieusement, il n'eut pas peur.
Le temps s'était arrêté autour de lui.
Il était submergé par un sentiment de bonheur, comme s'il venait de retrouver une amante qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.
Il avait hâte de découvrir son visage.
Il glissa son bras sous sa poitrine, la renversa ensuite tout en soutenant le poids de son corps.
La noyée lui souriait.
Il fut ému par ce sourire angélique qui l'attendait.
Il ôta le sable parsemé sur son visage, puis débarrassa son front de ses cheveux mouillés et collants, pour dévoiler ses traits.
Il la contempla longuement comme s'il admirait une statue grecque.
Ses yeux étaient clos, son nez dessinait un trait droit tel une allée.
Sa lèvre supérieure légèrement retroussée esquissait un sourire harmonieux avec l'inférieure.
Il s’efforça de tirer son corps de la Seine, cependant, elle était alourdie par l'eau.
Si bien qu'il tomba en arrière, couvert par la dépouille de la fille.
Il senti le parfum sucré de celle-ci, mélangé à la mauvaise odeur d'égout de la Seine.
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