jeudi 12 janvier 2017

Le sommeil


J'avais sommeil ce matin.
En fait, j'ai toujours sommeil.
Est-ce que cela a un rapport avec ma tension artérielle basse?
Je ne sais pas.
Mais selon ce dont j'ai entendu parler, ceux dont la tension artérielle est basse, ont souvent du mal à se réveiller le matin.
La mienne est plus basse que la moyenne des hommes.
En tous cas, le seul fait que je peux affirmer est que j'ai sommeil toute la journée.
En ce moment, je suis en vacances.
J'ai le droit de faire la grasse matinée tant que je veux.
Chaque matin, la lumière douce qui s'introduit à travers les jalousies baissées me réveille tendrement comme si une femme caressait ma peau.
Je n'ai pas la moindre envie de me lever.
La couette est chauffée grâce à ma température corporelle.
Je suis une limande qui s'endort sous les fonds marins.
Il n'est pas l'heure de me lever.
Je ne suis plus dans un rêve profond mais je ne suis pas réveillé non plus.
Je suis encore entre le réel et l’irréel.
En plus, l'air frais de l'hiver me coince encore dans mon lit.
J'entends imperceptiblement sonner le réveil de mon voisin.
Celui-ce ne cesse de sonner.
Mon voisin est une autre limande.
Il n'arrive pas à se lever.
Vers onze heures, je renonce à rester dans le royaume du sommeil.
Je lis la suite de mon roman, ''Extension du domaine de la lutte''.
Il est certain que Michel Houellebecq est pessimiste.
Un grand pessimiste de la France du XXI siècle.
C'est en effet un écrivain qui fait polémique car son style est plus ou moins provocant.
Avant lui, y avait-il un écrivain français qui a essayé d'écrire sur le sentiment de vide et le ridicule de la société moderne capitaliste ?
Je n'en connais aucun.
Il y en avait certainement.
Mais ils n'ont pas tous réussi en tant qu'écrivains.
Le grand pessimiste de la littérature française contemporaine me fait de temps en temps rire.
Il a un bon sens de l'humour.

Vers treize heures, j'ai eu faim.
J'ai ouvert le frigo, il n'y avait rien dedans.
En fait, il y avait une conserve d'haricots mais je l'avais ouverte il y a longtemps.
Je ne la considère plus comme comestible.
C'est du poison.
C'est à ce-moment que je décide de sortir.
Il n'y a pas de sommeil quand on a faim.
Je me suis rappelé aussi que j'avais un document à scanner.
Je suis donc d'abord allé à l'université.
L'université était plus déserte que d'habitude.
Peut-être pas mal d'étudiants sont-ils encore en vacances comme moi.
Que font-ils?
Une fête?
Une révision?
L'amour?
Tremblent-ils face à la fin des vacances?
Toutes ces activités humaines me semblent importer peu par rapport à dormir.

En marchant je me pose un tas de question.
Certains disent que le sommeil est une forme provisoire de la mort.
Comment peuvent-ils savoir?
Ont-ils déjà été morts?
Quelle est la différence entre une personne qui est en train de dormir et une personne morte?
Les signaux vitaux, sans doute.
Lorsqu'on dort, l’âme flâne dans un autre monde.
L'âme des morts part-il aussi pour un autre monde?
Je ne sais pas.
Je ne sais jamais.
Comment pourrai-je le savoir?
L'huître est plus importante que ces questions.
L'huître m'importe plus que la femme pour moi.

Après avoir scanné mon document à la bibliothèque de la fac(les feuilles étaient bouchées comme d'habitude), je suis allé à Simply.
À mes yeux, Simply était aussi désert qu'habituellement.
Peut-être que c'est parce que j'y suis arrivé vers 14 heures.
L'heure où les clients sont relativement peu nombreux.
Le climatiseur sortait un air tiède et lâche.
Par rapport au supermarché japonais, j'aime le supermarché français parce qu'il ne diffuse pas à grand bruit de musiques publicitaires ridicules toute la journée.
Si j'étais caissier dans un supermarché nippon, je deviendrais fou.
Je chanterais à tue-tête des chansons publicitaires ridicules d'un supermarché ridicule d'une société ridicule.

À la caisse, un homme disait quelque chose à la caissière.
Comme j'étais un peu éloigné, je n'ai pas compris ce que cet homme lui disait.
Il avait l'air triste.
Il lui montrait un sac plastique rempli de morceaux de verre.
Ces morceaux cliquetaient dans le sac.
La caissière, une femme d'âge mûr, ayant une voix rauque lui répondait quelque chose.
J'ai entendu l'homme dire ''poisson'' et '' cinq euros''.
Cet homme réclamait probablement quelque chose concernant un poisson à cinq euros.
J'en ai déduit que ce poisson qu'il avait acheté était un monstre et avait détruit les vitrines de sa maison.
J'ai entendu la femme dire ''Je n'ai jamais vu une telle chose.''
Moi non plus.
Ils se parlaient assez longtemps.
Une femme âgée qui était derrière moi a soupiré.
Je suis resté discret toutefois j'étais curieux de ce qui s'était passé.

La route était boueuse à cause de la neige.
Il neigeait de plus en plus.
J'ai vu deux filles se jeter des boules de neige.
À l'arrêt de bus, il y avait une femme qui téléphonait à quelqu'un.
Au début, elle parlait en français.
Au milieu, elle a commencé à parler une langue que je ne connaissais pas.
L'arabe, peut-être.
Mais je ne suis pas sûr.
À côté de cette femme téléphonant, une vieille dame frissonnait de froid.
Un couple se penchait contre la paroi.
Ils avaient l'air tristes.
De temps à autre, ils échangeaient quelques paroles mais la plupart du temps ils restaient silencieux.
La chute de neige ne représentait rien devant la tristesse qui le couvrait.

Chez moi, j'ai ouvert une bouteille de bière.
J'ai bu une gorgée directement au goulot.
J'apprécie ce moment précieux que nous apporte la bière.
Ce liquide en or traverse ma gorge, par la suite, la saveur remplit ma bouche et me sort par mes narines.
La bière a toujours le parfum du début d'été.
J'ai également préparé des huîtres.
Les huîtres et la bière forment une bonne combinaison.
La bière apaise la chair salée de l'huître.
La fraîcheur de la bière et l'opulence de l'huître s’emmêlent comme un couple dansant.
Je m'effondre sur mon lit.
Mon oreiller, ma couette et ma serviette préférée m’accueillent toujours gentiment.
Dans mon rêve, je suis une huître.
Les vagues cadencées de la mer berce ma coquille nacrée.
Je sais que je ne me réveillerais plus jamais.



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