Je n'ai rien fait. Peut-être ai-je lu quelques magazines ou ai-je regardé des
vidéos sur Youtube.
Mais en fait, je ne m'en souviens plus.
Il est comme une pièce blanche dans ma tête.
Peut-être aurais-je voulu que demain ne vienne jamais.
Mais il est venu.
Mardi ; Lorsque je me suis réveillé, j'étais déjà las.
J'ai pris le bus comme d'habitude pour aller à l'université.
Je n'aime pas trop ma nouvelle professeur de latin.
Mon ancienne professeur était plus jeune, plus joyeuse telle
une animatrice d'une émission pour enfants.
En plus elle avait des gros seins.
Ma nouvelle professeur est plus âgée, plus sévère, moins
souriante.
Ses seins tombent sous l'effet de la gravité terrestre.
Elle nous donne plus de devoirs et nous fait passer plus
fréquemment des contrôles.
Je ne déteste pas le latin.
Je l'apprécie plutôt.
Lorsque j'apprends le vocabulaire latin, je songe à la
gloire et la décadence de l'Empire romain.
J’énumère chaque bataille de l'Empire que je connais dans ma
tête.
Ces soldats hurlent comme orage de minuit.
Certains s’effondrent mais d'autres se relèvent.
Mais je sais qu'à l'avenir je n'utiliserai pas leur
langue.
Alors cela me décourage un peu.
J'ai eu aussi le cours de littérature française.
La professeur de ce cours est aussi austère.
Sa haine envers les chewing-gums est profonde.
Elle a répété une trentaine de fois ''pas de chewing-gum''
durant le cours.
Je partage le même avis qu'elle.
Je n'aime pas les chewing-gums non plus.
C'est dégoûtant de mettre dans la bouche une chose qu'on ne
peut pas avaler.
Lorsque je mâche du chewing-gum, je ressens comme si j'étais une vache qui rumine.
Après ce cours, j'ai fixé un rendez-vous avec mon partenaire
de l'exposé.
Elle est italienne.
Mais on ne le devine pas facilement parce que lorsqu'elle parle français son accent est presque imperceptible.
C'est impressionnant car tous les autres Italiens que j'ai
rencontrés avaient un accent italien qui chantait, sautillait, boulait en
français.
Je n'arrive pas à me débarrasser de mon accent japonais.
Mon français est en fait mal rythmé et mal prononcé.
Mais que pourrais-je faire ?
Ça s’améliore, cependant il ne me quittera jamais.
Ainsi la malédiction de la langue japonaise me suit partout
comme Jack l'Éventreur qui suit secrètement sa proie dans les ruelles.
L'Italienne est dix cent-mètres plus grande que moi.
Elle est souriante et gaie.
Je suis morose et dépressif.
Elle doit avoir beaucoup d'amis, le weekend elle doit aller
voir son copain.
Je n'ai aucun ami, le weekend je ne veux voir personne.
Sa gaieté m'a rendu encore plus dépressif.
J'étais désolé pour elle que je sois son partenaire.
J'étais aussi désolé de ne pas connaître un seul mot chinois.
Mercredi ; Au matin, j'ai eu le cours de méthodologie.
Les étudiants doivent développer leur compétence en écriture.
La professeur nous a rendu des courtes dissertations qu'on
avait faites la semaine dernière.
Mon français était déplorable.
J'ai déprimé.
J'ai commencé à m'amuser à déprimer.
J'avoue que je n'aime pas voire que je ne veux pas m'exprimer
dans ma langue maternelle car comme j'ai déjà indiqué, je la considère comme une malédiction.
Mais si mon français est déplorable, dorénavant comment
pourrais-je m'exprimer ?
J'en suis réduit à être muet.
Le voleur des voix s'est emparé de la mienne.
Je répète l'action d'ouvrir et fermer infiniment la bouche
comme un poisson rouge dans un bol, toutefois aucun bruit n'en sort.
Jeudi ; je ne reçois toujours pas mon portable.
Pourquoi n'arrive-t-il pas ?
Où est-il ?
Il y avait une rumeur que tous les cours au Portique étaient
annulés dû à la panne des chauffages.
Mais quand même j'y suis allé.
J'ai découvert qu'il y avait cours comme d'habitude.
Pas mal d'étudiants étaient absents cette fois-là.
La professeur a insisté que les cours n'étaient pas
annulés et que c'était selon le choix des professeurs.
Mais ceux qui avaient cru que le cours était annulé
n'étaient pas venus, alors c'était évidemment inutile de se plaindre à nous.
Pour finir son beau discours, elle a ajouté qu'elle s'était
levée à 5 heures du matin pour venir à Strasbourg de Paris.
J'ai été touché de compassion à la vue de cette absurdité
qui l'a infectée.
Ô la France ! Ta grandeur rend-elle les gens malheureux ?
Même la vitesse des TGV que nous offre la modernité ne
dépasse pas les champs grandioses de l'Hexagone !
Cette professeur est aussi joyeuse, toujours de bonne
humeur.
Elle a les cheveux blonds coupés au cou, son front est rond
et beau comme la lune.
Son élocution est fluide et agréable.
La mélancolie me chasse comme si j'étais un prisonnier à
exécuter.
La mélancolie est-elle devenue une part de ma personnalité ?
Personne n'y répond.
Vendredi ; La professeur du cours de littérature
francophone africaine est âgée et a des rides qui me rappellent les traces
de la pluie.
Ses cheveux sont tout noirs comme les miens.
Malgré son âge, elle est l'une des professeurs les plus
dynamiques.
Ce qu'elle nous raconte m'égaye.
Ce jour-là, elle nous a parlé qu'Oscar Wilde avait été
condamné aux travaux forcés à cause de son homosexualité.
(À l'époque, l'homosexualité était considérée comme
véritable crime.
Donc, ceux qui pensent la même chose de nos jours
viennent sans doute du XIX siècle ? )
Mais comme il n'y avait que des hommes dans la prison, notre
professeur se demandait si cette mesure était vraiment efficace pour ''guérir''
son homosexualité, si ce châtiment, au contraire, ne lui avait pas plu.
J'ai souri pour la première fois pendant cette semaine.
Dans le couloir, j'étais heureux d'avoir un paquet de Kit-Kat.
J'aime le chocolat, j'aime les Kit-Kat.
Contrairement à la guerre, le chocolat rend les gens
heureux.
Mais en même temps, je me doute qu'il y a des gens qui
préfèrent la guerre aux chocolats.
Je l'ai ouvert pour en ingurgiter mais à cause de l'élan,
j'ai répandu le contenu sur le plancher.
Mon bonheur s'est dissipé en un clin d’œil.
Je suis redevenu très vite malheureux à cause de ces putains
de Kit-Kat.
J'ai dû les ramasser en subissant les regards hostiles des
gens.
J'ai me suis senti comme si j'étais une prostituée qui ramassait
de l'argent que son client lui avait jeté sur le sol.
Cependant une fille à lunettes s'est approchée de moi et
elle m'a aidé à les ramasser.
J'ai essayé de lui dire ''merci beaucoup'' mais comme
j'avais du snickers visqueux dans ma bouche, je n'arrivais pas à prononcer
correctement.
J'ai maudit la viscosité du snickers.
Pourquoi un chocolat doit-il être gluant ?
Ce n'est pas de la colle !
Plus tard, j'ai regretté de ne pas lui en avoir donné un.
Mais c'était trop tard.
D'ailleurs je ne connais même pas son nom.
Le soir, j'ai vu mon partenaire italien.
Mais nous n'avions pas grand-chose à nous dire.
En plus, à ce jour-là, j'étais plus dépressif et plus renfermé que d'habitude.
Le présage de l'approche du printemps déréglait quelque
chose en moi.
Après nous être dit au revoir, ma dépression était à son comble.
Il ne faisait pas encore nuit.
Le temps était suspendu entre le noir et le crépuscule.
Le ciel était étrangement rouge-bleu.
J'ai remarqué que c'était la même instabilité que
représentaient les tableaux de René Magritte.
Je ne pensais plus rien, je ne ressentais plus rien.
C'était agréable.
Avant de rentrer chez moi, j'ai fait des courses à Simply.
(Sinon il n'y aurait rien dans mon frigo.)
À la caisse, j'ai vu un homme petit et obèse dont le nez
était immense parlait fort à la caissière.
Il faisait un sourire très amical en montrant ses dents
jaunâtres.
Quelques dents étaient manquantes tel un vieux peigne.
Comme il criait presque, tout le monde entendait son
discours.
Mais ce qu'il disait était incompréhensible.
Peut-être son langage était-il compréhensible de lui seul.
Venait-il d'une autre planète ?
Finalement, un gardien noir robuste et grand est venu,
l'homme de l'espace a été emmené quelque part.
Même après qu'il eut disparu, on entendait ses cris au loin.
J'étais impressionné car c'était la première fois que je voyais un homme de l'espace.
Samedi ; j'ai fini de lire ''Hier'' d'Agota Kristof.
L'histoire était sombre comme ses autres romans que j'avais
déjà lus.
(''Le grand cahier'' ''La preuve'' ''Le troisième
mensonge'')
Agota Kristof est déjà décédée, sa peronnalité
ressemblait-elle à la mienne ?
On ne sait pas.
Peut-être un peu.
La simplicité et le mystère de son écriture me plaisent.
Ses récits ont toujours quelque chose d’irréel.
Les lieux qu'elle décrits semblent exister quelque part mais
en réalité indéterminables voire inexistants.
C'est en effet ce que je ressens toujours.
Je ne sais pas où aller.
Je ne sais pas où j'étais.
Je ne sais pas où je suis.
Mais j'ai l'impression que les personnages meurent un peu
trop facilement dans ses romans.
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