J'ai le cœur aussi lourd que du plomb lorsque je pense
à aller à l’université. Même si je suis de bonne humeur comme Heidi dans l’Alpe
dès que je commence à penser à cette journée semblable aux autres (les cours
ennuyeux, tuer le temps à la cafétéria ou à la bibliothèque etc.), mes sourcils
se froncent inconsciemment comme un chirurgien qui a oublié un bistouri dans le
ventre de son patient.
Je vais à l’université juste pour avoir un papier.
Sans ce papier, je ne pourrai rien faire dans la société, notamment dans la
société japonaise, sans ce papier, je n’aurai que deux choix : me pendre ou me
jeter sur le quai. Je suis donc obligé de souffrir pour ce papier. Au Japon, il
y a de temps en temps des étudiants qui se suicident parce qu’ils n’ont pas pu
avoir ce papier. On comprend donc que le papier est plus important que la vie
dans la société japonaise, contrairement à ce qu’on enseigne à l’école
primaire.
J’aimerais dire pour ne pas être mal compris, que mon
université n’est pas mauvaise. Je la trouve plutôt bien, ou même très bien. Le
niveau académique est élevé, les professeurs sont intéressants (sauf
quelques-uns), il y a également beaucoup d’événements et d’activités même si je
n’y participe guère. J'aimerais donc insister : c’est mon problème personnel et
que je dirais la même chose même si j’allais à une autre école. Je n’allais
guère au collège, j’ai quitté le lycée. Le lycée était une montagne de singes.
J’avais quelques amis au collège, mais au lycée, je n’en avais aucun. Ils
étaient en rut, idiots et laids. C’est à ce moment-là qu’est né le désir
suicidaire qui perdure aujourd’hui. Je n’avais donc pas du tout envie d’entrer
dans une université japonaise. Plus tard, j’ai passé l’examen d’entrée dans une
université japonaise, et je l'ai réussi sans problème, ils m’ont même demandé d’être
boursier, mais je n’y suis pas allé.
En France, j’essaie de ne pas me faire remarquer. Je
ne parle que peu, je fais attention à mes mots. Si on me demandait mon film
préféré, je répondrais « Toy Story 2 ». Si on me demandait mon roman préféré,
je répondrais « Harry Potter ». Par conséquent, je ne connais personne à
l’université, mais je n’ai pas de problème de relations humaines non plus. Mon
intention était de finir mes études tranquillement. Il me semble que ce projet
a déjà échoué parce que mon cœur est dévasté comme une ville après l'orage.
Après le cours,
je suis allé à la BNU. J’ai rencontré un homme grand et barbu qui est toujours
à l’entrée. Il est vraiment grand ; je pense qu’il atteint même deux mètres.
C’est un gardien de la bibliothèque. Il surveille pour que le voleur de livres
ne s’y introduise pas. Le voleur de livres est capable de changer le contenu
d’un livre, et l’histoire qu’il a changée ne redevient jamais comme avant.
Ce gardien ne m’a rien demandé, mais je savais que je
devais lui montrer l’intérieur de mon sac à dos. Il a regardé mes cahiers et ma
gourde d'un air ennuyé. Puis Il m’a dit :
« Il y a des places au cinquième étage pour
travailler. »
Mais je ne comprenais pas.
« Travailler ? Travailler sur quoi ? ai-je demandé.
- Il y a des places au cinquième étage pour
travailler, a-t-il répété comme un disque.
- Mais je suis venu chercher un livre de Richard
Brautigan…
- Ah, vous êtes venu juste visiter. Vous pouvez
passer. »
En montant l’escalier, j’ai sérieusement réfléchi à ce
dialogue. Au bout de quelques instants, j’ai finalement compris qu’il avait dit
cela parce qu’en ce moment il y a beaucoup d’étudiants qui révisent à la
bibliothèque. C’est un exemple qui montre que j’ai du mal à comprendre ce que
les gens me disent, quelle que soit la langue.
Je suis allé directement à l’étagère de littérature
américaine. ‘’L’avortement’’ de Brautigan se trouvait dans le coin. J’ai aussi
emprunté un livre de Kenzaburo Oe, ‘’ Une existence tranquille’’. Récemment, je
collectionne les tickets d’emprunt de la BNU.
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