Le train
s’est arrêté sans heurt, au milieu de nulle part. Quelques instants plus tard,
une voix de femme a annoncé que le train s’était arrêté inopinément ; elle
demandait de ne pas ouvrir les portes. J’ai attendu qu’il se redémarre en
regardant par la fenêtre. Des champs s’étendaient à l’infini. Quelques maisons
étaient parsemées, et le passager assis devant moi dormait, la tête inclinée
contre la vitre. Quelques minutes plus tard, le train s’est ébranlé.
Finalement, je suis arrivé à Obernai.
Dans un coin de la gare d’Obernai, une femme
châtain m’attendait devant une barrière blanche. Cela faisait longtemps
qu'Aurore et moi ne nous étions pas vus. Nous avons échangé quelques mots et
nous nous sommes mis à marcher.
Obernai était plus grand que je ne le pensais.
J’imaginais un petit village peu peuplé, mais c’était en réalité une ville
pleine de monde et d’animation. Nous sommes entrés deux rangées d’arbres. Au
bout de quelques minutes, nous avons rencontré des remparts.
« D’anciens
remparts entourent la ville », m’a-t-elle expliqué.
Une plaque
clouée au mur relatait l'histoire de la ville.
Nous sommes
passé par l’entrée de cette muraille. J’ai vu les deux tours d’une église au
loin. La rue qui nous conduisait au marché de Noël grouillait de tout type
d'habitants de la ville : des petits enfants aux vieillards. Il y avait aussi
beaucoup de jeunes. Des chants de Noël étaient diffusés aux alentours.
Nous avons regardé des stands. Aurore m’a
indiqué un stand de petites maisons alsaciennes parce que je lui avais dit que
j'avais envie d'avoir une maquette de cathédrale. Quelques vieilles dames
contemplaient des maisons à colombage miniatures.
Nous avons quitté ce stand d'objet artisanaux.
Aurore m’a offert un vin blanc chaud. C’était la première fois que je buvais du
vin chaud blanc. Le vin était de la couleur d’ambre, dedans il y avait de la
chair d’un quelconque fruit ou légume. Gingembre, je pense, mais je n’en suis
pas sûr. Il était sucré et je n’y sentais pas trop d’alcool alors qu'Aurore
m’avait dit qu’elle avait été ivre avec un seul verre de vin chaud un autre
jour. Le vin me réchauffait, mais il n’était pas assez fort pour me faire
rêver.
Dans une ruelle, j’ai vu quelques personnes
sortir par une porte blanche. Il y avait une exposition présentant la tradition
alsacienne. Nous sommes entrés. À l’intérieur, une multitude de jouets
d’enfants faits de branches d’arbres, de feuilles et de glands s’étendaient sur
des tables. Nous avons ensuite découvert beaucoup de maquettes de trains. Un
homme d’âge mûr se tenait derrière examinant quelques locomotives. Aurore m’a
dit que son père était aussi un grand collectionneur de maquettes de trains.
À côté, il y avait deux
mannequins, un d'homme et un de femme représentant le costume alsacien
traditionnel. L’homme portait un gilet rouge et un pantalon noir. La femme, une
longue jupe noire et un ruban immense ressemblant aux ailes d’un papillon.
Sortis de ce
bâtiment, nous avons déjeuné dans un restaurant. Il y avait beaucoup de monde,
notamment des familles habitant sans doute à Obernai, partageaient un moment
convivial. J’ai pris un gratin de Munster. Elle m’a dit que Munster était le
nom d’un village.
Le gratin
était délicieux. La saveur du fromage lui donnait une profondeur, comme la
spirale d'un long escalier en colimaçon. Je lui ai parlé de livres que j’étais
en train de lire, « L’avortement » de Richard Brautigan et « Le monde selon
Garp » de John Irving.
« Tu
voudrais faire un tour de la ville ? », m’a-t-elle dit.
J’ai fait
oui de la tête.
Nous nous sommes éloignés du marché de Noël.
L’atmosphère joyeuse et le cantique de Noël devenaient de plus en plus
lointains. J’ai vu des vieilles maisons faisant partie des remparts. Chacune avait
un jardin d’un vert magnifique. J’ai pensé que ce devait être charmant de vivre
dans de telles maisons historiques.
Nous sommes entrés dans l’église à deux tours
que j'avais vue en entrant dans le centre-ville. Il y avait à l’intérieur
plusieurs enfants emmitouflés de manteaux épais. La lumière de l'hiver entrait
doucement à travers les vitraux magnifiques. J’ai vu pour la première fois de
véritables confessionnaux comme je n’en avais vu jusque là que dans des vieux
films. J’ai monté les marches d'un confessionnal ; une ouverture grillagée,
minuscule, sépare l'espace bien clos qu'occupe le prêtre de l'autre entrée
qu'emprunte le fidèle. Je me suis demandé ce que j’allais confesser, mais il
n’y avait personne dedans.
J’ai admiré également les crèches qui étaient
exposées. J'ai dit à Aurore que mon école maternelle était catholique, que
quand j’étais petit, j’avais représenté la naissance de Jésus Christ avec mes
camarades, que je connaissais donc tous ces personnages. D’ailleurs, je devais
faire la prière devant la statue de Marie chaque matin. Dans une église sombre,
l'expression attendrie de Marie paraissait triste et elle me faisait un peu
peur.
J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de pentes
à Obernai. De plus, une grande colline ressemblant à une petite montagne
dominait la ville. Une immense croix blanche s’élevait à son sommet. L’atmosphère
de la ville m’a rappelé Otaru où vivaient mes grands-parents aujourd'hui
décédés. Ils habitaient sur une colline un peu isolée du centre-ville. Après
qu’ils ont quitté ce bas monde, personne ne voulait vivre dans cette maison
solitaire. On a dû la démolir avec les souvenirs de mes grands-parents.
Aurore m’a accompagné jusqu’à la gare
d’Obernai. Le bleu de la nuit allait commencer à ensevelir la ville entière. Les
lumières douces des illuminations se sont allumées une à une. Le panneau
lumineux indiquait que mon TER allait arriver dans quelques minutes. J’ai dit
au revoir à Aurore sur le quai B et j'ai agité la main. Je ne sais pas si elle
est partie tout de suite ou si elle a attendu que le TER parte. L’extérieur
était maintenant totalement obscur. Je ne pouvais plus voir les champs qui
s’étendaient à l’infini.
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