J’ai pris le tram pour rentrer à la
maison. Vers quatre heures et demie, le tram était bondé. Je me tenais debout
et je regardais le paysage entre les épaules des gens. Le tram s’est arrêté à la place de la République. Une annonce en allemand a été diffusée. Le tram s’est
remis à rouler. Au bout de quelques instants, je me suis rendu compte que le
paysage était différent par rapport a d’habitude et c’est à ce moment-là que
j’ai compris que j’avais pris le tram dans le mauvais sens. Il s’est arrêté à
Broglie mais la porte ne s’est pas ouverte. J’ai réuni l'essentiel de l’annonce
en allemand de tout à l’heure dans ma tête. Elle avait sans doute dit que
Broglie était en travaux et que le tram ne s’y arrêterait pas. Entre les
bâtiments, j’ai pu voir un grand sapin de noël. Le sourire aux lèvres, les gens
sortaient des boutiques. Une fille qui se tenait à côté de moi avait un sac en
papier d’une marque quelconque. Une vieille dame devant moi souriait. L’année
allait bientôt se terminer. La ville était empreinte d’une atmosphère heureuse,
mais tout cela me semblait loin.
Le tram avancait dans la ville et il s’est
finalement arrêté à l’arrêt Faubourg de Saverne. Lorsque je suis arrivé à
Strasbourg, j’avais passé une nuit dans un hôtel tout près de cet arrêt. Plus
d’un an s’est écoulé depuis ce jour-là mais je peux encore me souvenir de ma
voisine dans le TGV. C’était une femme qui avait la trentaine, elle disait à
quelqu’un au telephone, peut-être son copain, qu’elle arrivait bientôt à
Strasbourg. Je me souviens de l’angoisse mêlée d’exaltation que j’avais
éprouvées. Comment pourrais-je oublier ? À propos, j’avais aussi passé une nuit
à Paris. J’avais été déçu que ces deux hôtels n’aient pas de baignoire, juste
une douche. Après un long voyage, j’avais envie de me plonger dans l’eau
chaude, longuement.
Je suis descendu du tram. Étant donné que je
ne voulais pas rebrousser chemin, j’ai pris le bus. Je regardais un bateau
mouche passer sous un pont en provoquant de l'ecume. Le reflet de la lumière des
réverbères m’a rappelé un tableau de Van Gogh. À un moment donné, deux
policiers sont montés dans le bus. Ils ont demandé à tous les passagers
d’ouvrir leurs sacs. Je leur ai montré
mon sac à dos. L’un des policiers l’a éclairé avec une lampe de poche, il m'a
dit "C'est bon'' et il est allé vers quelqu'un d'autre. J’ai regardé
derrière moi. Une femme âgée aux cheveux blancs lui disait d’une voix rauque :
« Monsieur le policier, vous êtes costaud. »
Avant de rentrer chez moi, je suis
allé à la poste. Un homme et sa petite fille faisaient la queue devant moi. À
un moment donné, la petite fille avec un manteau rose a fait une grimace
terrible, puis elle a éclaté en sanglots alors qu’il ne s’était rien passé. Son
père l'a prise gentiment dans ses bras et ils sont partis. Ils ne sont jamais
revenus.
J'ai reçu un paquet d'une employée, une femme
d'âge mûr avec un air maussade. Faire rire un ours serait encore plus facile
que l'égayer. Sorti de la poste, devant le cimetière, j'ai ouvert mon paquet.
Dedans se trouvait ''David Copperfield'' de Dickens que j'avais commandé il y a
quelques jours.
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