dimanche 24 décembre 2017

''Vaux mieux faire bouillir des pâtes !'' Haruki Murakami



 J’ai obtenu mon permis de conduire lorsque j’habitais en Italie et j’ai passé ma période en tant que débutant à Rome. J’imagine que ceux qui ont déjà visité Rome le comprennent – Je ne crains presque rien, parce que Rome est la ville qui offre aux chauffeurs le frisson, l’exaltation et le mal de tête, et aussi une grande joie tordue plus que n’importe quelle autre ville du monde. Je ne mens pas. Si vous en doutez, je vous conseille de visiter Rome, d’y emprunter une voiture et de conduire vous-même.

La particularité des chauffeurs italiens, c’est qu’ils ouvrent tout de suite la fenêtre et qu’ils crient quand ils ont la moindre complainte. En même temps, ils agitent largement le bras. Ils font ça en conduisant, j’avais donc un peu peur quand j’assistais à une telle scène. Une de mes connaissances italiennes a vu une vieille dame qui conduisait maladroitement et lorsqu’elle l’a dépassée, elle a ouvert la fenêtre de sa Fiat Uno (Pour cela, il fallait tourner rapidement le volant), et elle lui a crié dessus, « Signora ! Conduire, c’est pas pour toi ! Vaux mieux faire bouillir des pâtes chez toi ! » C’est aussi la particularité des chauffeurs italiens d’être indulgents envers les chauffeurs maladroits.

 Cependant, je ne pouvais m’empêcher d’avoir de la compassion pour cette dame. Il se pouvait qu’elle fût obligée de conduire pour vivre. Et chez elle, en faisant bouillir des pâtes dans la cuisine, elle a peut-être dit à son fis en pleurnichant : « Moi, aujourd’hui en conduisant dans la ville, un homme inconnu m’a crié ‘’Signora ! Conduire, c’est pas pour toi ! Vaux mieux faire bouillir des pâtes chez toi !’’ » C’est triste. Si c’était au Japon, ce serait « Vaux mieux faire bouillir du radis blanc chez toi ! ».

C’est en fait mystérieux : les pâtes italiennes sont très bonnes. Les gens me diront sans doute que c’est normal, mais je dis ça parce que les pâtes des pays voisins de l’Italie étaient toutes mauvaises. On franchit juste la frontière, et les pâtes deviennent tout à coup incroyablement insipides. La frontière, c’est quelque chose d’étrange. Et à chaque fois que je rentrais en Italie, je me rendais compte de nouveau : « Oh, les pâtes sont vraiment bonnes en Italie ». J’ai l’impression que la base de notre vie est faite de ce genre de petites découvertes.

 Les pâtes des restaurants italiens de Tokyo ont aussi un niveau élevé. Je suis quand même impressionné qu’ils cuisinent aussi bien alors que c’est un plat étranger. Toutefois, cette sensation de ‘’se rendre compte de nouveau’’ quand je refranchissais la frontière et que je mangeais des pâtes dans un restaurant local y est introuvable. Finalement, la cuisine est toujours accompagnée d'une ‘’une atmosphère’’. C’est ce que je pense sincèrement.

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