Chaque fois que je vais à
l’université, j’ai envie de mourir. J’imagine que personne ne comprendrait
cette douleur. Le seul moyen d’oublier une douleur est d’y superposer une autre
blessure. Je suis couvert de blessures, mais elles sont invisibles aux yeux. Je
ne sais pas pourquoi l’université me déprime autant. Le collège et le lycée me
détruisaient aussi. Mais je n’ai plus quatorze ans. Je n’ai pas le droit de
faire semblant d'avoir de la fièvre parce que je ne suis pas motivé. D’ailleurs,
il faut que je me souvienne que j’ai consacré énormément d’efforts à apprendre
le français.
Aujourd’hui, je suis allé en cours d’anglais.
Une fille aux cheveux blond foncé et un garçon de haute taille et à la voix
grave ont présenté leur exposé sur les réseaux sociaux. Pendant qu'ils
parlaient, mon envie de mourir enflait de plus en plus comme une montgolfière.
J'ai essayé de penser à autre chose, à l'antilope de l'été, par exemple, en
transperçant une feuille blanche du regard. Je n'arrivais pas dessiner non
plus. Dans ma tête, il n'y avait que la neige, comme sur l'écran d'une télé qui
ne capte rien.
Le professeur nous a demandé nos avis
sur les réseaux sociaux. La tête baissée, je n’ai rien dit. Ma voisine qui aime
les hiragana a dit quelque chose. Une autre fille a dit quelque chose, mais
leurs voix étaient si lointaines que je ne comprenais plus rien. Je me suis
demandé ce que je pensais des réseaux sociaux. Étant donné que je suis
extrêmement introverti, les réseaux sociaux sont presque les seuls endroits où
je parle avec des gens. S’il n’y avait pas de réseaux sociaux, je pense que je
serais complètement isolé et me pendrais tout seul dans ma chambre. D’autre
part, j’aime les réseaux sociaux parce que je peux bloquer les gens que je
n’aime pas. Je clique sur le bouton ‘’bloquer’’ et cette personne disparaît
d’un coup. Le sourire se répand sur mon visage. Je cherche le bouton de
‘’bloquer’’ dans la vie réelle, mais il n’existe pas.
Ensuite, une autre fille a fait son exposé.
C’est une fille à la peau basanée, je pense qu’elle n’est pas française parce
qu’une fois je l’ai entendue dire qu’elle ne parle pas trop français, mais je
ne sais pas de quel pays elle vient. Elle a parlé sur l’univers parallèle et
pour la première fois c’était un sujet intéressant. Cependant, la tête toujours
baisée, je me taisais. Elle nous a demandé en anglais ce qu’était un trou noir.
C’est un corps céleste qui a une gravité extrêmement forte, ai-je dit dans ma
tête. C’est un corps céleste d’une incroyable densité qui a une gravité
extrêmement forte, a-t-elle dit. Ensuite, elle nous a demandé ce qui se
passerait si un être humain entrait dans un trou noir. De l’extérieur, son
corps semblerait s’allonger à l’infini parce que la gravité est si forte que
même la lumière ne peut pas en sortir mais en réalité, on ne sait pas car
personne n'y est jamais entré, me suis-je dit en silence. Son corps sera
allongé à l’extrême, a-t-elle dit en montrant l'image d'un astronaute tendu
comme un élastique.
Chez moi, je me suis connecté sur Skype pour
la première fois depuis longtemps. J’avais arrêté de l’utiliser parce que Line
est plus pratique. J’ai l’impression que le design de Skype n’a pas évolué
depuis 2005, il fonctionne moins bien que d’autres applications. J’ai reçu un
message d’une personne avec qui j’ai parlé il y a très longtemps, à l’époque où
je maîtrisais mal le français et cherchais des correspondants. Elle m’a dit
qu’elle avait déménagé à Strasbourg et qu’elle étudiait à la même université
que moi. Elle me proposait de nous rencontrer.
« Je serai gênée parce que tu en sais
déjà un peu sur moi, m’a-t-elle dit.
- Ne t’inquiète pas. Je ne vais
jamais te rencontrer », lui ai-je dit.
Ces derniers temps, je me demande si je ne
serais pas autiste Asperger. Il semble que j'en aie tous les symptômes, sauf
l'imagination. Je n'ai pas de difficulté à imaginer les choses, je pense que je
suis même plutôt mégalomane. Toutefois, l'hypersensibilité, l’asociabilité, les
intérêts restreints me décrivent parfaitement.
Dans la société moderne, quand on n'est
pas communicatif, on ne peut rien faire. Je n'ai aucun avenir. Je n'ai pas ma
place dans le monde. Plus tard, j'aimerais faire du pain avec des personnes
handicapées.
Il semble que le Japon va construire
un casino pour les jeux olympiques de 2024. Je préférerais un centre
d'euthanasie.
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