Après que le
disque de Julio Igresias s’est usé, nous n’avions plus aucun moyen de nous
protéger des attaques de la tortue de mer. Nous pouvions l’éloigner de notre
maison en diffusant sans cesse ‘’Begin the Begin’’ de Julio Igresias.
« Nous
serons bientôt morts, a-t-elle dit. Nous n’avons plus ni encens anti-moustique
ni disques de Julio.
- Non, il
doit y avoir un moyen quelconque, ai-je dit.
- Si nous
mettions Willy Nelson ou Abba ou Richard Clayderman ?
- Ça ne
marchera pas. Seul Julio est efficace contre la tortue de mer »
Je le sais comme ça.
Je suis allé
tout seul à la plage. D’un rocher surplombant la mer, j’ai regardé dans l'eau. La
tortue de mer gisait au fond comme d’habitude en faisant une sieste. Elle
épargnait ses forces pour l’attaque de ce soir. Mais même si je regardais son
apparence d'en haut pendant longtemps, je n’ai eu aucune idée qui me
permettrait de la repousser. Je manquais d’imagination à cause de la fatigue.
Cette fois,
ce sera notre fin, ai-je pensé. C’est misérable de finir sa vie, mangé par une
tortue. Que penserait ma mère si elle savait que son fils unique était mort
dévoré par une tortue ? Nous nous sommes résolus à cette fin et pendant que
nous prenions le dernier dîner et buvions un thé, la tortue de mer est arrivée.
Le bruit de son pas mouillé s’est approché ; elle a fait un tour autour de la
maison.
« C'est la
fin, m’a-t-elle dit en me prenant la main.
- Nous ne
pouvons plus rien faire. Ma vie était courte, mais amusante », ai-je dit.
La porte a
grincé et la tortue de mer a montré sa tête. Elle s'est assurée qu’il n’y avait
plus de musique et de Julio Igresias dans la pièce. Dans sa main, elle
agrippait des cartes à jouer.
Cartes ?
Depuis lors,
nous jouons tous les soirs ‘’51’’ à trois.
Ce n’est pas particulièrement intéressant,
mais c’est quand même beaucoup mieux qu’être mangé, d’ailleurs
nous n’écoutions pas forcément Julio
Igresias avec plaisir.
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