Il
y a quelques jours, lorsque je suis allé rendre mes livres à la bibliothèque de
japonais, j’ai avoué à la bibliothécaire mon projet de la chasser et de la
remplacer. Une fois accédé au poste de bibliothécaire, je déplacerais tous les
livres quelque part sauf mes auteurs préférés. Le campus est immense ; il doit
y avoir un sous-sol ou un entrepôt pour stocker les livres dans un bâtiment
quelconque. Ensuite, j’installerais un projecteur pour faire de la bibliothèque
un petit cinéma et j’achèterais beaucoup de DVDs avec les frais de la
bibliothèque. Je voudrais aussi avoir de la place pour monter des maquettes.
J’aurais besoin d’un compresseur, d’un aérographe et de couleurs pour faire des
maquettes d’avion. D'ailleurs, ce serait mieux s’il y avait un lit, comme ça
je pourrais passer une nuit à l’université et je n’aurais plus besoin de
prendre le bus très tôt le matin. Je n’ai pas dit tout cela à la
bibliothécaire. C’était un secret. Je lui ai seulement dit que j’avais
l’intention de la remplacer quand elle quitterait la fac. Elle a ri et m’a dit
qu’elle resterait encore quelques années à l’université. Mon projet s’est
dissipé comme un rêve d’été éphémère.
J’avais
l’habitude d’emprunter quelques livres à cette bibliothèque, mais
cette fois je ne savais plus quoi lire. J’ai demandé à la bibliothécaire de
choisir des livres pour moi. Après avoir dit cela, je me suis un peu inquiété.
Je n’avais pas pensé à la possibilité selon laquelle elle choisirait des livres tels que « Le recueil de poèmes japonais
classiques de l'ère Heian » ou « La Politique et l’économie japonaises après la guerre ». Au
bout de quelques minutes, elle m’a apporté trois livres que j’avais déjà lus il
y a longtemps.
C’était
« La Course au mouton sauvage » et l’édition originale de « La Chronique de
l’oiseau à ressort » de Haruki Murakami, et le dernier était « Le Faste des
morts » de Kenzaburô Oe. Je lui ai demandé si elle avait choisi des livres de
Murakami pour moi. Elle m’a dit que c’était ses romans préférés. J’ai parlé du
passage sanglant de « La Chronique de l’oiseau à ressort » dans lequel un
soldat japonais se fait écorcher vif par un officier mongol ou russe durant la
bataille de Khalkhin Gol, mais elle ne semblait pas trop s’en souvenir.
En
indiquant du doigt le livre d'Oe, je lui ai demandé si ce n'était pas
l'histoire sur le travail consistant à laver des cadavres. Si, m'a-t-elle dit.
Mon
souvenir est aussi flou. J’ai relu « Le Faste des morts » chez moi. C’était
plutôt l’histoire sur le transport des cadavres et pas sur leur nettoyage. Le
livre m'a rappelé ma classe du collège car j’avais quatorze ou quinze ans
lorsque je l'avais lu. Mais cette fois, je n’étais plus dans mon pays natal enneigé
et je me trouvais dans un endroit beaucoup plus lointain, un lieu où je n’avais
jamais imaginé venir.
Kenzaburô
Oe était encore très jeune quand il a écrit cette nouvelle. J’ai déjà dépassé
cet âge. Une célèbre anecdote dit que César a pleuré devant la statue
d’Alexandre le grand parce qu'il n’avait rien achevé alors qu’il avait atteint
son âge de décès. Devant la statue de qui devrai je pleurer ?
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