mercredi 9 mai 2018

L'interprète


 L’année dernière, j’ai travaillé dans un petit village en France en tant qu’interprète. Mon travail consistait en particulier à traduire des échanges techniques en français et en japonais. Je pense que je parle français plus ou moins couramment, même s’il y a parfois des mots que je ne comprends pas. Cependant, je suis loin d’être un interprète professionnel. De plus, c’était la première fois que je faisais ce travail, de sorte que mon interprétation était très maladroite.

 Heureusement, mon travail se passait dans une usine et il ne s’agissait pas d’un colloque académique quelconque. S’il y avait quelque chose que je ne comprenais pas, je pouvais demander des explications. L’ambiance était plutôt détendue et le paysage campagnard de la France était si beau que j’ai eu l’impression de me perdre dans l’univers d’un conte de fée. Je me demandais si les gens du petit village n’étaient pas hostiles envers les étrangers. Ils étaient au contraire très curieux et amicaux.

 Tous les soirs, mes patrons japonais et moi avons dîné au restaurant et on m’a souvent offert de la bière et du vin. Comme je ne suis qu’un étudiant pauvre qui essaie de survivre en mangeant des pâtes, c’était le grand luxe.

 En même temps, je culpabilisais. Mon travail comme interprète n’était carrément pas du niveau professionnel. De plus, comme je ne savais rien des questions techniques, pendant que les Français et les Japonais travaillaient, je n’avais souvent rien à faire et j’étais debout comme un idiot. En bref, j’avais l’impression que je ne méritais pas le salaire que je recevais.

 Mon premier travail comme interprète m’a appris plusieurs choses. Par exemple, quand on interprète du japonais au français, il faut souvent attendre que le locuteur termine sa phrase, car le verbe vient presque toujours à la fin dans cette langue. Par ailleurs, il y a parfois des gens qui croient que l’interprétation consiste à remplacer un mot par un autre. En réalité, il faut comprendre le contexte et la phrase pour traduire, puisque l’on est souvent obligé de reformuler la structure phrastique qui diffère en français et en japonais. Et évidemment, l’ambiguïté du japonais pose aussi de temps en temps des problèmes. Quand on traduit un texte d’une langue à une autre, on a le temps de réfléchir. Quand on interprète à l’oral, on n’a évidemment pas le temps de réfléchir sur l’interprétation d’un mot pendant des jours.

 Hier, quand j’ai acheté « Le Vent se lève » à la librairie Kléber, le vendeur était un jeune Chinois. (Je pense que c’était un Chinois et pas un Français d’origine chinoise car il avait un accent). Et j’ai eu envie de trouver, moi aussi, un job pour l’été. Honnêtement, je l’ai un peu envié car j’aimerais aussi travailler dans une librairie. Mais ma mission d’interprète était déjà terminée. Si je voulais gagner de l’argent, je devais chercher un travail moi-même, ce qui exigerait de moi beaucoup d’efforts avec mon caractère introverti. Il y a quelques jours, j’ai reçu un mail du patron japonais qui me proposait de faire l’interprète pendant un mois. Ce n’est pas encore décidé, mais j’espère que cette année, l'été sera aussi enrichissant que l’année dernière.

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