Je n’avais pas de chance aujourd’hui.
Comme j’ai reçu un avis de passage, je suis allé à la poste. Il était écrit que
je pouvais retirer mon colis le 4 mai, soit aujourd’hui, mais j’avais déjà un
mauvais pressentiment en tenant compte des nombreuses bêtises qu’avait déjà faites
le bureau de poste de mon quartier.
Je me suis présenté à une employée de
la poste, une jeune femme asiatique, puis je lui ai montré l’avis de passage et
une pièce d’identité. Elle a scanné le code-barre avec un lecteur, et à ce
moment-là, son visage s’est imperceptiblement assombri. J’ai intuitivement compris
que mon colis n’était pas là. Un instant plus tard, elle m’a dit que mon colis
n’était pas là et m’a demandé de revenir le lendemain. Une réponse que j’avais
déjà entendue de nombreuses fois. Si c’est comme d’ordinaire, mon colis ne sera
pas là demain non plus.
Ensuite, je suis allé au campus pour
rendre « La ballade de l’impossible » et « 1Q84 tome 2 » que j’avais empruntés
à la bibliothéque de japonais. Il y a quelques jours, la bibliothécaire m’avait
envoyé un mail disant qu’elle serait là le vendredi.
J’ai montré à un vigile ma carte
d’étudiant et je suis entré dans le Patio. Je n’y étais pas entré depuis
quelques semaines, alors qu’avant les événements j’avais des cours dans ce
bâtiment presque tous les jours. L’intérieur était étrangement calme et sombre
parce que quelques lumières étaient éteintes.
J’ai avancé dans le couloir et j’ai
monté l’escalier pour aller au département de japonais. Chaque étage était
obscur et on aurait dit qu’il n’y avait personne. Pour la première fois,
l’université qui est toujours animée ressemblait à une ruine.
Au quatrième étage, je suis entré
dans la bibliothèque de japonais. Mais je ne voyais pas la bibliothécaire à sa
place habituelle. J’ai avancé silencieusement, et j’ai découvert qu’une dame
asiatique inconnue était assise à la table. J’ai deviné qu’elle était
japonaise, mais je lui ai parlé en français. Elle n’avait pas l’air de
comprendre cette langue et s’est mise à me parler en anglais. Je lui ai demandé
en japonais si elle n’avait pas vu la bibliothécaire. La dame ne la connaissait
pas et nous avons échangé quelques mots. C’était une professeure d’une
université japonaise qui était venue au département de japonais pour faire des
recherches.
En japonais, la manière de parler
varie de façon subtile selon l’interlocuteur (et c’est une des raisons pour lesquelles
je me sens plus libre en français). J’ai fait travailler mon cerveau pour ne
pas manquer de courtoisie. Finalement, nous avons échangé nos numéros et nous
nous sommes dit au revoir.
Lorsque je suis sorti de la
bibliothèque et que je fermais la porte, à gauche, un professeur de la chaire
de japonais était aussi en train de fermer la porte de la salle des enseignants.
(Je pense que c’est Monsieur Muramatsu). Il m’a vu et m’a dit « Konnichiwa ».
Je lui ai aussi dit « Konnnichiwa ».
En descendant l’escalier, je me suis
rendu compte que je n’avais pas parlé en japonais depuis longtemps. Lorsque je
le parlais, c’était toujours avec des étudiants français en LLCE ou LEA
japonais. Je me sentais fatigué après une conversation dans cette langue. Le
japonais de bébé de mes amis français m’a terriblement manqué.
Parfois, je me demande qui je suis, car
lorsque je parle en japonais, je me sens comme affublé d’un kimono étrange
d'une taille trop petite. Le seul moment où je me rappelle ma nationalité,
c’est quand je me lève le matin et que je me regarde dans le miroir pour me
raser.
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