samedi 19 mai 2018

''Un nain sans-gêne'' Haruki Murakami


 Sauf quand c’est vraiment nécessaire, je ne relis pas mes livres. Je ne les prends pas dans ma main non plus parce que je me sens gêné. De la même manière, je n’ai pas envie de regarder la photo de mon permis de conduire (pourquoi a-t-on souvent une tête bizarre sur la photo de son permis de conduire ?). J'oublie donc facilement ce que j’ai écrit comme si du sable tombait de mes doigts.
 Ça, ce n’est pas un problème. Par contre, il m’arrive d’écrire deux fois la même chose sans m'en rendre compte. Ce n'est pas pour réutiliser un vieux sujet, mais parce que, simplement, j’ai une mauvaise mémoire. S’il vous arrive de penser « J’ai déjà lu ça », prenez-moi pour un singe d’une montagne (j’ai déjà écrit ça) et ne m’en veuillez pas.
Il se peut donc que j’aie déjà écrit cette histoire un jour. Mais comme je ne sais plus du tout où et quand je l’ai écrite, je la raconte comme si c'était la première fois.

 Je n’aime pas trop les plats sucrés. Je ne mange presque pas de gâteaux, je n’achète presque jamais de chocolat. Cependant, je suis pris du désir violent de manger du chocolat environ deux fois par an. Sans que rien ne laisse prévoir, ce désir me tombe dessus comme une avalanche.
 Je ne sais pas pourquoi cela se produit. Peut-être qu’un nain colérique qui a un faible pour le chocolat se cache dans mon corps ; d’habitude, ce type dort paisiblement, mais il se réveille à un moment et se mets à crier de toutes ses forces : « Hé, chocolat ! Chocolat ! Où est le chocolat ? Bon sang ! Je veux du chocolat tout de suite ! Ce salaud ! Apporte-moi du chocolat immédiatement ! ». Il se peut qu’il tape du pied et qu’il frappe violemment le mur. Je le sens et alors, je ne peux m’empêcher de courir à la supérette. J’achète du chocolat (c’est toujours, sans raison particulière, du chocolat aux amandes de Grico) pour apaiser la colère du nain. En marchant dans la rue, j'ouvre le paquet en hâte, et je dévore tout le chocolat comme un démon affamé par une nuit d’orage.
 Une fois terminée ce rituel, le nain est satisfait ; il se calme et se rendort sous sa couette. Cette sorte de crise de chocolat m’arrive environ deux fois par un. Dieu seul sait quand le nain colérique se réveillera.
 Il y a quelques années, cette crise s’est produite le 12 février, deux jours avant la Saint-Valentin. J’ai eu envie de protester : « C’est pas vrai ! Alors que je pourrai manger du chocolat autant que je voudrai dans deux jours, pourquoi maintenant….. », mais c’était plus fort que moi. J’ai couru à la supérette comme d’habitude, j’ai acheté du chocolat aux amandes de Grico et je l’ai ingurgité. Apaisé, le nain s’est endormi. Deux jours plus tard, je n’avais plus aucune envie de manger du chocolat.
Ce nain est vraiment sans-gêne, franchement.

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