mercredi 16 mai 2018

''La machine à remonter le temps (ou Noboru Wataya comme un bonheur 2)'' Haruki Murakami


 Quelqu’un a frappé à la porte.
 J’ai posé la peau de la mandarine que j’étais en train de manger sur le kotatsu* et je suis allé dans l'entrée où se tenait Noboru Wataya (plombier et collecteur de taille-crayons).
 Comme il était déjà six heures et demie du soir, Noboru Wataya a dit : « Bonsoir ».
« Bonsoir, ai-je répondu, ne sachant trop ce qu'il faisait là. Euh, je ne t’ai pas commandé de travaux. 
- Je le sais très bien. Je vous ai rendu visite aujourd’hui parce que j’ai quelque chose à vous demander. En fait, j’ai entendu dire que vous aviez une machine à remonter le temps d’un ancien modèle. Si vous voulez, je vous propose de vous l’échanger contre une nouvelle…voilà, c’est pourquoi je suis venu. »
 Une machine à remonter le temps, ai-je répété dans ma tête, tout étonné, mais sans le laisser voir. « J’en ai une, ai-je dit l'air de rien. Tu veux la voir ?
- Bien sûr, si possible »
J’ai conduit Noboru Wataya dans ma chambre à quatre tatamis et demi, et je lui ai montré le kotatsu électrique sur lequel se trouvait toujours la peau de la mandarine. Et j’ai dit : « Voilà, c'est ma machine à remonter le temps ». J’ai quand même un peu le sens de l'humour. 
 Mais Noboru Wataya n’a pas ri. L'air sérieux, il a relevé la couverture du kotatsu, a tourné le bouton, vérifié la graduation et a retiré les quatre pieds l'un après l'autre. « Monsieur, c’est magnifique, a-t-il dit et il a poussé un soupir. Génial. C’est un ‘’Hokahoka’’ de chez National du modèle 1971. Vous en avez bien profité, n’est-ce pas ?
- En effet », ai-je dit sans réfléchir. L’un des pieds était instable, mais ça chauffait quand même.
 Noboru Wataya m’a demandé de le lui échanger contre une machine à remonter le temps toute neuve. Je lui ai dit oui. Dehors, il a sorti de l'arrière d’une Liteace garée devant chez moi un kotatsu électrique neuf, tout emballé (ou une machine à remonter le temps). Il l’a apporté dans ma chambre, puis il a emporté le ‘’Hokahoka’’ de chez National (ou une machine à remonter le temps).
 « Merci beaucoup », a dit Noboru Wataya au volant de sa voiture, en agitant le bras. Je lui ai répondu en agitant le bras. Ensuite, je suis rentré et j’ai mangé le reste de la mandarine.

*Un kotatsu est un support de bois de faible hauteur recouvert d’un futon ou d'une couverture épaisse, sur lequel repose un dessus de table.

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